Saint-Barthélemy: une destination de luxe aux défis urbains émergents
By Cécilia Pelloux23 avril 2024
Saint-Barthélemy, une petite île des Caraïbes, conjugue un riche passé historique avec un marché immobilier de luxe en plein essor. Cette destination attire un tourisme de luxe international, engendrant des records de transactions immobilières. Toutefois, l’île est confrontée à des défis urbanistiques. Décryptage.
Un peu d’histoire: Christophe Colomb découvre ce petit caillou de 21 km2 le 11 novembre 1493 lors de son deuxième voyage et le baptise du nom de son frère, Bartholomée. Au fil des siècles, l’île attire Espagnols, Français, Hollandais, Suédois, et redevient française en 1878. Les installations du milliardaire américain Rockefeller dans les années 50 et plus tard du célèbre danseur russe Rudolf Noureev ont catapulté ce petit territoire sur le devant de la scène internationale. Aujourd’hui, ce haut lieu du tourisme de luxe compte plus de 12 000 habitants à l’année. L’île a accueilli 300 000 touristes en 2022, dont 80% d’Américains. Le marché immobilier de la location et de la vente ne cesse de croître depuis dix ans et demeure plus solide que jamais.
Marché immobilier en plein essor
la période post-Covid a suscité un élan sans précédent avec un record de transactions, entraînant une baisse considérable de l’offre, et augmentant naturellement les prix des propriétés sur le marché.
Guillaume Bichot, directeur général de l’agence Le Barth Villa Rental
On recense environ 1000 villas à la location sur l’île. Parmi elles, 650 villas de luxe sont réparties dans les 70 agences immobilières de l’île et environ 300 plus modestes sont listées sur Airbnb ou directement par des propriétaires. Créée en 2019, l’agence Le Barth Villa Rental, extension de l’hôtel 5 étoiles Le Barthélemy Hotel & Spa, a révolutionné l’approche traditionnelle de la location de villas en cherchant à combler les lacunes du marché. L’agence a méticuleusement conçu un portfolio de 200 propriétés à la location répondant à des critères rigoureux, assurant des standards élevés de luxe, d’intimité, de confort, et d’un service d’exception. Cottages sur la plage, résidences ultracontemporaines telles que les emblématiques Villa Aqua et Villa Bleu sur la plage de Grand Cul de Sac, la collection offre une diversité permettant des séjours multigénérationnels. Les clients bénéficient d’un séjour personnalisé avec transfert privé, concierge dédié 24 h/24, petit-déjeuner livré quotidiennement et room service en villa. «Les clients des villas à la location se tournent vers nous naturellement pour l’acquisition d’un bien,» explique Guillaume Bichot, directeur général de l’agence et spécialiste du secteur qui habite l’île depuis une quinzaine d’années. Le Barth Villa Rental prévoit également l’ouverture de leur département des ventes en milieu d’année.
Côté ventes immobilières, «la période post-Covid a suscité un élan sans précédent avec un record de transactions, entraînant une baisse considérable de l’offre, et augmentant naturellement les prix des propriétés sur le marché. Depuis le début de l’année, l’offre s’étoffe, avec un nombre grandissant de nouvelles propriétés à la vente,» raconte Guillaume Bichot. On recense 40 villas officiellement à la vente et une vingtaine non répertoriée, appelées « pocket listings » dans le langage immobilier.
Transactions marquantes et influence sur l’Île
Saint-Barth fait partie du parcours des millionnaires. Les prix n’ont jamais baissé, même pendant la crise financière de 2008
Emmanuel Jacques Almosnino, avocat et résident de l’île depuis plus de vingt ans
La dernière vente historique date du mois d’avril 2023. Un véritable coup de projecteur. Le mythique domaine construit par le banquier David Rockefeller à la fin des années 50, propriété de 52 hectares en zone naturelle acquise par Linda et Steve Horn dans le milieu des années 90, s’est vendu à 135 millions d’euros. Le nouvel acquéreur Adam Sinn est un homme d’affaires américain. Située sur un site extraordinaire à Colombier au nord-ouest de l’île, la propriété a suscité la curiosité de nombreux visiteurs curieux de découvrir ce joyau des Caraïbes. Dans le passé, des ventes similaires, comme celle du domaine à Gouverneur à l’oligarque russe Roman Abramovich et celle de l’hôtel Saint-Barth Isle de France à Cheval Blanc, ont eu un impact positif sur l’île, attirant l’intérêt des groupes hôteliers. Depuis vingt ans, le prix du mètre carré ne fléchit pas, bien au contraire. «Saint-Barth fait partie du parcours des millionnaires. Les prix n’ont jamais baissé, même pendant la crise financière de 2008, explique Emmanuel Jacques Almosnino, avocat et résident de l’île depuis plus de vingt ans. En 2017, malgré l’ouragan Irma, l’île s’est rétablie extrêmement vite, et cela a décuplé la confiance des investisseurs. On a vu soudainement la valeur des propriétés augmenter de 20% puis est venue la crise du Covid qui a été encore bénéfique sur l’île. Les prix ont encore augmenté de 20%.» Aujourd’hui le marché est stable, mais l’augmentation des taux d’intérêt a ralenti l’élan des investisseurs. Sur le journal local, les annonces immobilières étonnent même les locaux. Un appartement de deux chambres d’une superficie de 56 m2 est listé 3,150 millions d’euros à acquérir avant même d’être construit. « Nous sommes sur les prix de Monaco il y a sept ans», atteste l’avocat.
Le prix de vente va de 1 million d’euros pour un studio à 60 millions pour une villa 6 chambres ultracontemporaine. « Les données étant non publiques, il est difficile d’attribuer un chiffre précis, d’autant plus qu’il y a de nombreux paramètres à prendre en compte : l’emplacement de la villa, la hauteur, la vue, le marché local ou saisonnier, etc. De façon générale, on peut dire que le prix au mètre carré a évolué d’environ 70% en dix ans, en mixant le marché local et saisonnier raconte Guillaume Bichot.
Une personne qui achète un terrain 30 millions d’euros sur la plage espère pouvoir construire et c’est légitime. Mais si on pense à l’avenir, à la préservation de l’île et des générations futures, il faudrait réadapter les règles afin qu’elles s’orientent vers le futur.
Hélène Bernier, adjointe à la collectivité de Saint-Barthélemy
Saint-Barthélemy représente une valeur sure. Le marché est très solide. En témoigne la vente de la propriété Girasol à Marigot un quartier au nord de l’île «une offre d’achat avait été faite avant l’ouragan Irma qui avait dévasté l’île en octobre 2017, la vente a été conclue après le passage d’Irma. Cela prouve bien la solidité du marché, même l’ouragan et la destruction de la villa n’ont pas empêché la vente,» renchérit Bichot. La propriété Girasol s’est vendue pour environ 65 millions de dollars.
Les propriétaires des villas sont à 30% des locaux, 40% des Français et 25% des Américains. Le marché immobilier sature et complique la vie des autochtones. Il est quasi impossible de retrouver un bail locatif lorsqu’il vient à son terme. Les prix dans les restaurants et dans les supermarchés ont flambé. De nombreux groupes et restaurateurs que l’on trouve à Saint-Tropez ont désormais investi les plages de Saint-Barth et Gustavia, sa capitale.
Défis urbains et conservation de l’Île
«Les règles actuelles de l’urbanisme doivent être changées rapidement. Aujourd’hui, ces règles permettent encore de construire sur les plages. Or, avec la problématique de la montée des eaux, il faudrait préserver ces espaces pour ne pas se retrouver dans dix ou quinze ans avec des villas construites immergées. C’est vraiment une situation très compliquée. Une personne qui achète un terrain 30 millions d’euros sur la plage espère pouvoir construire et c’est légitime. Mais si on pense à l’avenir, à la préservation de l’île et des générations futures, il faudrait réadapter les règles afin qu’elles s’orientent vers le futur», explique Hélène Bernier, adjointe à la collectivité de Saint-Barthélemy.
La collectivité de Saint-Barthélemy limite aujourd’hui la construction de gigantesques villas comme il y en a eu récemment afin de favoriser l’intégration de nouvelles propriétés dans le paysage local. Les transactions immobilières s’effectuent sur des villas existantes plutôt que sur l’achat de terrain, les permis de construire étant plus difficiles à obtenir.
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