Mode: de la nature «augmentée» dans nos manteaux
By Morgane Nyfeler22 décembre 2020
Adeptes du grand air ou amateurs de matières luxueuses, les consommateurs ont tous le même impératif: des vêtements chauds, capables de protéger des conditions climatiques difficiles. Problème, les matières qui les composent sont souvent trop nocives pour l'environnement ou les animaux. Des alternatives séduisantes arrivent enfin. Explications.
L'utilisation de produits d'origine animale dans la mode a été un sujet de débat brûlant ces dernières années, suscité non seulement par les manifestations en faveur des droits des animaux, mais aussi par les jeunes consommateurs, que le cabinet de conseil Deloitte décrit comme étant plus soucieux de l'éthique que les générations précédentes. Un sondage YouGov de 2019 a révélé que 80 % des personnes interrogées sont préoccupées par le bien-être et le traitement des animaux. Les marques, de Gucci à Chanel, qui ont interdit la fourrure et les peaux exotiques dans leurs produits ont vu leur image environnementale positive renforcée. Par contre, celles qui hésitent encore à passer à l'action ont aujourd’hui mauvaise presse.
Les accessoires et vêtements outdoor ont généralement un impact environnemental négatif élevé en raison des produits chimiques toxiques et des matériaux controversés dont ils sont faits - une ironie sachant qu'ils sont créés pour des consommateurs amateurs de nature. Pour inverser la tendance, Greenpeace a lancé sa campagne Detox Outdoor, qui demande aux marques de cesser d'utiliser le dangereux PFC, un produit chimique largement utilisé pour imperméabiliser les produits et qui est également très dommageable pour l'environnement. Elle fournit un guide utile pour naviguer entre les quelques marques qui ont interdit les produits chimiques et les nombreuses autres qui ne le font pas encore. La start-up suisse Dimpora, par exemple, propose déjà une solution en développant des membranes pour ses marques partenaires qui sont sans fluor et biodégradables sans compromis sur les performances.
Repenser le nylon pour l'environnement
Cette année, la marque italienne Herno a lancé une nouvelle collection verte pour poursuivre sa mission de durabilité et de traçabilité commencée en 2010. Intitulée Herno Globe, la collection comprend quatre projets, soulignant l'origine des matériaux, les différents types de fabrication et leurs caractéristiques environnementales, le tout illustré par des vestes au design efficace qui durent dans le temps et peuvent être entièrement recyclées, réutilisées ou décomposées. «Nous avons été des pionniers en Italie et aujourd'hui nous sommes vraiment satisfaits de pouvoir nous considérer à l'avant-garde, déclare Claudio Marenzi, PDG de Herno. Il est essentiel d'être transparent et mesurable lorsqu'il s'agit de projets écologiques et le Herno Globe représente une nouvelle étape dans notre engagement à prendre soin de l'environnement.»
L'accent est mis sur le nylon biodégradable en cinq ans seulement - contre 50 ans pour le nylon ordinaire - ou recyclé à partir de déchets industriels. Il est ensuite teint à l'aide d'éléments naturels tels que des pelures d'oignon, des feuilles d'indigo ou des olives. La collection comprend également du nylon Econyl régénéré issu de filets de pêche abandonnés et de la laine recyclée pour les manteaux de ville aux lignes épurées, tandis que tous ses rembourrages sont fabriqués à partir de plumes de duvet recyclées.
Le duvet végétal conçu par la science
L’entreprise PANGAIA, spécialisée dans la science des matières, développe depuis sa création en 2018 des matériaux innovants et issus de la bio-ingénierie pour créer des produits respectueux de l'environnement.
L'un de ses brevets déposés est FLWRDWN, un matériau entièrement biodégradable créé à partir de fleurs sauvages naturelles utilisé pour le rembourrage des vestes et des doudounes. Il s'agit d'une alternative chaude, perméable à l'air, hypoallergénique et très prisée par l'industrie du outdoor. «FLWRDWN illustre notre philosophie du "naturalisme de haute technologie", où l'avenir d’une industrie de la mode responsable passe par l'utilisation de matériaux naturels existants augmentés par des processus scientifiques et technologiques», déclare Amanda Parks, PhD, directrice de l'innovation.
L'avenir d’une industrie de la mode responsable passe par l'utilisation de matériaux naturels existants augmentés par des processus scientifiques et technologiques
Amanda Parks, PhD, directrice de l'innovation chez Pangaia
Les fleurs cultivées dans les prairies américaines sans pesticides, engrais ou irrigation sont récoltées à la main pour assurer la meilleure qualité possible avant d'être nettoyées et séchées mécaniquement. En achetant les fleurs sauvages issues de l'agriculture régénérative, PANGAIA soutient les espèces locales et protège la biodiversité contre d'autres pratiques agricoles modernes. Une fois séchées, les fleurs sont combinées à un biopolymère et infusées avec de l'aérogel - pour la première fois fabriqué à 85% de papier recyclé - qui garantit une grande performance d'isolation et de durabilité tout en étant non toxique, ultraléger et biodégradable. Et pour réduire au maximum l'empreinte carbone des doudounes colorées de la marque, l'enveloppe extérieure est en nylon recyclé provenant des milliards de vêtements destinés aux décharges, et qui peut être réutilisé encore et encore en circuit fermé.
Quand les déchets plastiques deviennent désirables
Habituées des températures extrêmes, il n'est pas surprenant que les marques canadiennes dominent le marché des vêtements d'extérieur dans le monde entier avec des manteaux et des vestes trendy et fonctionnels.
Mais la marque montréalaise Norden comble le vide laissé par ses concurrents avec des produits d'extérieur de haute qualité, fabriqués de manière éthique et basés sur l'économie circulaire. En se concentrant sur le plastique recyclé des bouteilles en PET, la marque crée des produits qui ont la plus petite empreinte possible en consommant 45% moins d'énergie, 20% moins d'eau et en émettant 30% moins de gaz à effet de serre que le polyester conventionnel. Le tissu recyclé développé par la société de production REPREVE est ensuite imprimé avec un numéro de série numérique appelé FiberPrint qui calcule le nombre de bouteilles utilisées dans un seul vêtement et analyse toutes les étapes du processus de fabrication, de l'usine éthique de Hangzhou, en Chine, à l'entrepôt de Montréal où les produits sont envoyés dans des sacs biodégradables fabriqués à partir d'amidon de maïs. «Chez Norden, nous nous sommes engagés à réduire le plastique existant pour créer des vêtements d'extérieur fonctionnels et nous encourageons nos clients à faire la différence pour notre environnement», déclare Amélie Marcoux, vice-présidente des ventes et du développement. Grâce au programme «Buy Back», les clients peuvent échanger un manteau d'une autre marque en contrepartie d'une réduction sur un achat chez Norden ou retourner leur vêtement après deux ans afin qu'il soit réparé, revendu, donné ou recyclé par le partenaire de la marque, TerraCycle.
Partager l'article
Continuez votre lecture
Le Portugal, l’eldorado vert de la mode
Les chaînes d’approvisionnement dans l’industrie de la mode traitent d’affaires pour le moins complexes. Face à la tendance massive de la mode durable auprès de la jeune génération, la mode se réorganise.
La Suisse, terre du nouveau luxe pour Bally
Avec l’arrivée de Nicolas Girotto à sa tête, Bally a opéré un repositionnement de marque important. Oublié le glamour hollywoodien. Aujourd’hui, elle joue la «suissitude» chic et baisse ses prix.
S'inscrire
Newsletter
Soyez prévenu·e des dernières publications et analyses.