Une nouvelle école hôtelière au sein du Villars Alpine Resort

En rachetant le complexe hôtelier du Villars Alpine Resort, dont l’unité principale était opérée par le Club Med pendant plus de quarante ans, les deux copropriétaires Jérôme de Meyer, président de Nord Anglia Éducation Switzerland et Marco Dunand, fondateur et directeur général de Mercuria (matières premières et énergie) avaient une double motivation en tête: transmettre des valeurs progressistes en termes d’accueil, de durabilité et d’éducation et éviter que le bien immobilier regroupant trois établissements hôteliers historiques ne passe en main étrangère. Car sur les neuf hôtels que compte la station alpine de Villars, cinq sont en main étrangères, dont le RoyAlp, propriété d’un groupe chinois depuis 2017.

Autre paramètre décisif dans la mise en œuvre du concept, la création d’une école hôtelière au sein même du complexe. Baptisé la Villars Palace Academy, le concept vise à intégrer les élèves dans la réalité du terrain. «Cet eduresort est le premier en Suisse, explique Céline Gelli, directrice des admissions et du marketing de l’académie. Le but est d’immerger les jeunes étudiants dans la réalité de l’hôtellerie et de la restauration. Ils seront au contact des clients et vivront leur formation de l’intérieur.» Très impliqué dans le projet, Jérôme de Meyer bénéficie d’une solide crédibilité dans le secteur de l’éducation. Lié au prestigieux Collège Beau Soleil fondé par sa famille en 1910 et toujours propriété de la famille, il préside aujourd’hui l’entité suisse de Nord Anglia Éducation qui chapeaute cinq écoles privées en Suisse romande. Cette idée de transmission du savoir, les deux fondateurs l’ont rêvée accessible à tous. « Dès 17 ans révolus, poursuit Céline Gelli, tous les jeunes détenteurs d’une formation achevée dans le secondaire pourront s’inscrire. L’idée est d’inclure également tous ceux qui, à priori, n’ont pas toujours eu la chance de vivre un parcours scolaire modèle. Jérôme de Meyer tient beaucoup à cette idée, comme à celle d’offrir la formation à quelques boursiers chaque année.»

Aujourd’hui en grande partie opérationnel, le resort aux trois catégories hôtelières a subi un grand nombre de rénovations, dont les montants investis ne sont pas communiqués. Profilé pour viser une clientèle très large, le Villars Alpine Resort compte 332 clés au total réparties sur les trois hôtels. La directrice des établissements Charlotte Boutilly, dont les précédentes missions l’avaient portée avec son époux à diriger l’hôtel des Trois Couronnes à Vevey, le Mirador Kempinsky jusqu’en 2016 et sa vente au conglomérat chinois, puis dernièrement l’ouverture du boutique hôtel Chandolin, était en pleine planification des derniers travaux avant la réouverture estivale lorsque nous l’avons rencontrée. «Nous venons de terminer notre saison hivernale. Aujourd’hui, nous attaquons les derniers travaux de réfection extérieurs du Victoria hôtel & Résidence. Après rénovation complète de ses 150 chambres et espaces communs en 2021, les façades seront refaites cet été. L’idée est d’en faire un établissement modèle en termes de durabilité. Nous voulons le rendre potentiellement autonome en énergie. C’est un argument essentiel du Villars Alpine Resort. Mais c’est la rénovation totale du Villars Palace, raison principale de l’acquisition de l’ensemble, qui exige les plus gros investissements. Les travaux, démarré juste avant la pandémie sont pratiquement terminés, l’ouverture du Palace est prévue pour ce mois de juin 2022.»

Le tandem que Charlotte Boutilly forme avec son époux est sur tous les fronts. Même si son expérience des ouvertures d’établissement lui permet d’anticiper les potentiels contretemps, elle avoue vivre encore quelques nuits blanches avant l’ouverture très attendue de l’emblématique Palace. «La pandémie a passablement freiné les travaux. Mais aujourd’hui, nous sommes à bout touchant. La volonté est d’en faire un palace accessible, accueillant, un lieu de villégiature et de bien-être ouvert sur la clientèle locale et étrangère. C’est un grand défi, car les attentes sont élevées. Et parallèlement à son ouverture, nous devons également mener de front l’ouverture du pôle éducatif, qui accueillera ses premiers étudiants à la rentrée, fin août.» Sur ce point, Céline Gelli, longtemps chargée des admissions au Collège Beau Soleil, avoue avoir dû tout imaginer, en partant d’une simple page blanche. Mandatée par Jérôme de Meyer, elle met à profit ses contacts pour monter les programmes éducatifs, les structures d’accueil, les validations de cursus. «Nous nous appuyons sur le programme VET de l’École Hôtelière de Lausanne (EHL et que nous allons appliquer à la Villars Palace Academy, par des professeurs et professionnels de l’hôtellerie. Trois programmes à choix seront disponibles. Une formation sur vingt-quatre mois avec l’obtention d’un diplôme en administration hôtelière, une formation sur sept mois que l’on appelle Gap Year et qui délivrera un certificat, et un dernier programme baptisé 360 Summer Hospitality Training, dispensé sur cinq à huit semaines, pensé comme un camp d’été consacré à la découverte de l’hôtellerie, pour les jeunes qui ne sont pas certains de vouloir suivre un cursus dans le domaine.»

Si à terme, l’académie vise une soixantaine d’élèves sur site, l’institution n’accueillera pas plus d’une quinzaine de jeunes par semestre. «Le point central de tout le projet réside dans l’envie de faire de cette institution éducative une proposition plus ouverte, out of the box, adaptée également à ceux qui rencontrent des difficultés à s’adapter à une scolarité classique et souvent rigide, explique Céline Gelli. Jérôme de Meyer veut créer une autre proposition éducative, capable de donner une formation rapide, de terrain, profilée pour le middle management.»

Pour cette première rentrée, l’école prévoit une douzaine d’inscrits, provenant du monde entier, dont une majorité pour le programme sur vingt-quatre mois. Point central dans la stratégie éducative de la Villars Palace Academy: offrir une chance aux jeunes issus de milieux défavorisés, en Suisse comme à l’étranger. «Jérôme de Meyer tient à cette dimension d’ouverture. Il ne considère pas l’éducation comme un business, mais comme une transmission. Le financement des bourses est assuré par le soutien de trois fondations: Solstice, le fonds privé de Meyer créé en 1995, la fondation Avec et Swiss Seaside. À terme, nous souhaitons compter 30% de boursiers et 70% d’élèves payants.» À noter que la formation sur vingt-quatre mois coûte 100 000 francs suisses [50 000 francs par an] et inclut le logement, le programme d’étude, les formations et programmes à l’extérieur du campus, dont trois voyages. Céline Gelli explique: «Le cursus est très attractif, car il offre une formation de terrain, dans nos établissements hôteliers, comme en extérieur. Les trois voyages prévus sont profilés pour montrer aux élèves une autre dimension du service hôtelier et de l’accueil. Ils séjourneront en Suisse, mais aussi sur un voilier en Méditerranée, et en Tanzanie, dans un camp construit comme un hôtel, pour apprendre le métier différemment.»

Quant au pôle hôtelier, l’hiver qui vient de s’achever a permis de constater que la demande pour des séjours hôteliers en station est bel est bien là, selon Charlotte Boutilly: «La saison a été bonne, avec un taux d’occupation de 65% en moyenne sur les deux établissements ouverts. Cet été, le milieu hôtelier s’attend à ce que les touristes suisses préfèrent des destinations en bord de mer, après deux ans de Covid. Mais nous sommes confiants quant à l’ouverture du Villars Palace. Nous visons un taux d’occupation à 50% pour ce premier été. Tout le management est en place, mais il nous manque encore des saisonniers. Nous sommes en pleine phase de recrutement. Des investissements sont d’ailleurs déjà consentis par les propriétaires pour de nouveaux logements consacrés aux employés. L’acquisition d’un nouveau bâtiment est prévue à cet effet. Car au total, nous employons 250 personnes sur site.»

Troisième et dernier pilier que les deux fondateurs souhaitent développer à Villars, la dimension durable et écologique aux côtés de Lee Howell, qui a longtemps occupé des fonctions au sein du WEF. «L’ambition est de créer, à Villars, un mini-Davos de l’environnement. Des cours sur la durabilité seront bien sûr dispensés. Le premier Villars Symposium se tiendra du 21 au 24 juin prochain», conclut Céline Gelli.

Pour l’heure, la priorité est à l’ouverture du «paquebot des Alpes», surnom donné au Palace de Villars par les habitants, en référence à sa longue façade de plus de 127 mètres, après plus de deux ans de rénovation.