Dior, Jacquemus, Dolce&Gabbana, Gucci, Loro Piana ou Giorgio Armani… Désormais, parasols, bains de soleil, matelas, raquettes de plage sont dotées du logo des grands labels du luxe français et italien. Une stratégie empruntée au «mass market» qui cartonne.
Ramatuelle, Pampelonne, Ibiza… ces lieux mythiques qui font rêver les vacanciers du monde entier, qu’ils soient milliardaires sur leurs yachts ou touristes résidents du camping le plus proche. Jusque-là, hormis les boutiques des marques qui avaient essaimé dans les ruelles des bourgades estivales, le luxe demeurait discret sur les plages. Voilà une époque bel et bien révolue. Cet été, à Saint-Tropez, près de la moitié des plages privées les plus prisées arborent ostensiblement une grande griffe de luxe: Dior, Jacquemus, Dolce&Gabbana, Gucci, Loro Piana ou Giorgio Armani… Parasols, bains de soleil, matelas, raquettes de plage sont dotées du logo des grands labels du luxe français et italien.
«C’est normal qu’ils s’en emparent, la plage était encore le dernier espace qui échappait au luxe, analyse un expert en évènementiel haut de gamme. D’un côté, on peut le regretter, mais en réalité, c’est inévitable. Les marges des marques sont telles qu’ils ont de l’argent à dépenser.» Coût moyen d’une telle opération? Les calculs varient bien entendu selon les types de contrats, privés et confidentiels entre les opérateurs (LVMH, par exemple, est concessionnaire d’une plage à Pampelonne), mais les estimations sont bien connues des locaux à Saint-Tropez: «Un bain de soleil se loue environ 250 euros la journée, assure un professionnel. On peut imaginer qu’avec 200 lits pour une belle adresse, cela représente 50 000 euros par jour.»
Tout a été rebrandé à 100%. Cela peut monter assez vite, de plusieurs centaines de milliers d’euros à plusieurs millions
Timothée Gaget, de l’agence de communication Artcher.
En moyenne, un client dépense jusqu’à 1500 euros quotidiennement, ce qui donne une idée de l’intérêt de cette cible fortunée pour les maisons de luxe intéressées à la fois par leur pouvoir d’achat, mais également par leur image de prescripteurs sur les réseaux sociaux. «Il faut compter également les frais de production et de décoration des plages, tout le mobilier, l’équipement, quand ce n’est pas également la musique, la cuisine et que tout a été rebrandé à 100%. Cela peut monter assez vite, de plusieurs centaines de milliers d’euros à plusieurs millions», analyse Timothée Gaget, de l’agence de communication Artcher.
Des clients très fortunés, prêts à dépenser sans compter en vacances
Qu’elles soient tape-à-l’œil ou pleines de fioritures, ces plages sont le prolongement de stratégies de diversification de la communication qui a étendu son domaine de lutte ces dernières années. Louis Vuitton horlogerie a fait sensation cet hiver à Courchevel en inaugurant une hutte d’inspiration mongole au milieu des pistes ; Prada possède un café, Dior un restaurant, Carita également, Breitling des cafés et des restaurants, Fendi a posé ses valises à Marbella où son créateur, Kim Jones, a refait la plage du Puente Romano Beach Resort. Les pop-up stores également ont fleuri un peu partout à la surface du globe, de Venise à Arles, afin de présenter les marques dans des univers plus propices au lifestyle et à l’attraction de clients de passage, de plus en plus nomades et insaisissables. Ces plages estivales éphémères (au mieux quelques mois, au pire quelques semaines) ont pour but de présenter des articles des collections du moment aux clients, mais ce ne sont pas vraiment les visées commerciales qui intéressent le plus les marques.
Ce sont les clients internationaux très fortunés, triés sur le volet, qui se retrouvent entre eux dans ces clubs privés et s’y reconnaissent comme membres d’un même cercle. Et leurs amis et followers sur les réseaux sociaux. La planche de surf ou la raquette Armani, les coussins Gucci à disposition sur les plages ont un objectif d’image et de diffusion mondial. Ce ne sont pas les ventes estivales qui sont prioritaires, même si elles ne sont pas négligeables.
De la Chine à l’Italie, des expériences qui se déclinent à l’infini sur les réseaux sociaux
La Chine est également gagnée par ce phénomène, en témoigne la plage Louis Vuitton de Huangcuo Beach sur l’ile de Xiamen. La maison a décliné toute sa palette de couleurs et de produits monogrammés depuis les hamacs jusqu’aux bouées. Missoni ou Valentino défrichent également de nouveaux territoires, en Italie ou aux Maldives, pour compléter la liste des destinations jet-set, comprenant Portofino, Cannes, Mykonos, Marbella, Saint-Tropez ou Ibiza. Elles y proposent un luxe expérientiel pour répondre aux besoins de leurs clients de plus en plus exigeants et sollicités, et des destinations inédites. Comme «invités» par les marques, les VIP retrouvent dans les codes de leur enseigne préférée des surprises: cocktail signature, accessoires ludiques ou sportifs, plats signés de chefs… Des expériences qui se déclinent à l’infini sur Instagram ou Tik-Tok et permettent de démultiplier la visibilité des opérations.
Pour Roland Helory, le PDG de Vilebrequin, qui a choisi de créer un beach club à ses couleurs à Cannes, ce choix d’animation estivale est une évidence. «L’univers entier de notre marque peut s’exprimer dans un club de plage, donc l’enjeu était de trouver un moyen d’étendre notre territoire et de trouver une autre façon d’exprimer notre savoir-faire.» Il y a fort à parier que ces initiatives, qui ont déjà largement porté leurs fruits en matière de couverture presse et réseaux sociaux, seront multipliées par des marques «suiveuses» ou plus modestes à d’autres échelons. Et que les espaces de liberté pour les consommateurs adeptes du quiet luxury, plus discrets, vont en se réduisant. «Il est clair, note un observateur à la tête d’une grande agence d’évènementiel, que nous sommes à l’affût des dernières zones blanches, d’ultimes univers où retrouver les clients du luxe et leur proposer des expériences. Ils sont prêts à payer très cher pour cela.» Ce n’est pas près de s’arrêter. À moins d’aller dans le désert ou au sommet de l’Everest. Mais jusqu’à quand?
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