Performance du marché de l’art en 2022: entre ombre et lumière

Feux d’artifice et opacité. Ce sont les mots qui résument le mieux, selon Deloitte Private, la performance du marché de l’art et des objets de collection dans le rapport qui vient d’être présenté à Milan par Ernesto Lanzillo, Senior Partner et Leader de Deloitte Private, Barbara Tagliaferri, Art&Finance Coordinator de Deloitte Italia, Pietro Ripa, Private Banker Fideuram, et Roberta Ghilardi, Deloitte Sustanaibility Manager. De manière globale, l’année 2022 a été une année très positive, mais les dernières enchères, notamment celles des premiers mois de 2023 ont pesé négativement.

L’année 2022 a été marquée par une progression du chiffre d’affaires du secteur de 12% pour les principales maisons de ventes internationales (où la peinture a enregistré une hausse de 20%), à laquelle s’est ajouté l’impact de la vente des Single owner collective d’une valeur de 2,6 milliards de dollars, dont la vente Paul G. Allen (1,6 milliard de dollars). Des chiffres importants, auxquels s’ajoutent d’autres records: l’œuvre Shot Sage blue Marilyn d’Andy Warhol, – vendue aux enchères de Christie’s New York pour plus de 195 millions de dollars–, acquise par le galeriste Larry Gagosian. Elle a été achetée à un prix nettement supérieur à celui de l’œuvre la plus chère de 2021, le tableau Femme assise près d’une fenêtre de Pablo Picasso (1932), qui avait été adjugée à environ 103 millions de dollars.

Les actifs «Passion», composés de sacs, sneakers, objets de créateurs, montres et vins, ont progressé de 11,5% en 2022, dont un nouveau record pour le diamant Fancy Vivid «Williamson Pink Star» de plus de 11 carats vendu à Hong Kong chez Sotheby’s pour 57 millions de dollars, rarissime pour sa taille. Phillips a continué à briller dans le département des montres, dont tous les objets ont été vendus, pour la deuxième année consécutive, tandis que Christie’s a décidé de créer un nouveau département «Sneakers, Streetwear & Collectibles.»

Quelques originalités ont également marqué le secteur, notamment chez Christie's, qui a célébré avec EON Productions le 60e anniversaire des films de James Bond, avec 60 lots vendus en deux sessions, l’une en présentiel et l’autre online, avec des objets de toutes sortes, des voitures aux vêtements aperçus dans des scènes mythiques, en passant par des montres et des affiches. Les ventes aux enchères de sacs à main ont également connu une explosion, dont celles de la maison Hermès. «Nous avons assisté à une année caractérisée par des résultats records pour les principaux acteurs du marché, explique Ernesto Lanzillo, mais qui s’est terminée par une forte opacité pour l’avenir immédiat, en raison de la complexité du scénario économique, lié à l’éclatement de la guerre en Ukraine, à l’inflation record et aux dernières conséquences de la pandémie.»

Quant à Pietro Ripa, l’expert a ajouté: «L’art se confirme comme un actif anticyclique, avec une volatilité très élevée. Pour 2023, je m’attends à une correction, plutôt qu’à un possible effondrement.» Pour Barbara Tagliaferri, 2022 est l’année de la consolidation des ventes aux enchères hybrides, un new normal marqué par un regain d’intérêt pour l’art moderne et impressionniste, mais aussi le segment ultracontemporain, notamment pour de jeunes artistes dont la peinture figurative très colorée attire la jeune génération de collectionneurs, sensibles à ce qui est «instagrammable.» C’est précisément la raison pour laquelle, Roberta Ghilardi a souligné: «L’art évolue. Aujourd’hui, il y a une prise de conscience croissante de combien la culture peut contribuer au développement, non seulement en termes économiques et d’emploi, mais surtout en ce qui concerne la capacité à créer du bien-être pour les personnes, de l’inclusion et de la cohésion sociale.»

L’année 2022 marque également la consolidation des grandes maisons de ventes aux enchères occidentales, qui ont renforcé leur présence internationale, en ouvrant de nouveaux lieux et en nouant de nouvelles collaborations. New York confirme sa place de capitale incontestée du marché de l’art, Paris se développe, Londres perd du terrain, tandis que dans les marchés plus petits, un engouement certain a été noté: Phillips a annoncé des investissements en Corée du Sud et en Asie en général. Christie’s a renforcé sa structure en Chine, Sotheby’s vient d’annoncer l’ouverture de nouveaux espaces à Hong Kong et a lancé un forum sur les arts numériques en Arabie saoudite.

En revanche, la course aux NFT ralentit: le marché a été affecté par le ralentissement général de l’économie et, en particulier, par la crise du marché des cryptomonnaies qui a suivi la faillite de FTX, l’une des plus grandes sociétés d’échange de cryptomonnaies du monde. Cette situation s’est reflétée dans le volume des NFT échangés en 2022. Alors qu’en janvier, la plateforme Ethereum enregistrait un record de 5,6 millions de dollars de NFT échangés avec une croissance de 33%, en juin, les volumes chutaient de 60,1% par rapport au mois précédent et ont continué à baisser, tandis que le nombre de transactions quotidiennes a chuté de 82,2%.

Tous les regards sont désormais tournés vers le premier semestre 2023 pour voir si l’opacité est le premier signal d’alarme d’un ralentissement, ou s’il s’agit plutôt d’une stabilisation physiologique du secteur après cette forte poussée.