Moscot, la marque de lunettes vintage qui concentre un peu du rêve américain
Dans le dernier film «Oppenheimer», Robert Downey J. porte une paire de Moscot pour son rôle-titre. Un accessoire vintage qui raconte aussi l’histoire de la famille éponyme, faite d’immigration, de labeur et de sens du business. Harvey et Zack Moscot, directeurs de l’affaire, sont les héritiers de ce rêve américain.
L’histoire de Moscot, marque de lunettes aujourd’hui tendance, commençait il y a plus d’une centaine d’années, à New York. Conformément à ce que le rêve américain pouvait représenter en ce temps-là, Hyman Moscot débarquait d’Europe de l’Est en 1899, quelques dollars en poche, via Ellis Island. Comme beaucoup d’autres au tournant du XIXe siècle, il aspirait à un nouveau départ. Le patriarche bâtira sa success-story en vendant des lunettes dans les rues du Lower East Side. Une décennie plus tard, il ouvrait sa première échoppe, au 94 Rivington Street. La suite ? La cinquième génération de la famille aime la raconter comme une légende qui mêle abnégation, flair et sens des affaires. D’ailleurs, Harvey et son fils Zack continuent de cultiver ces qualités et l’esprit à la fois vintage et très new-yorkais qui plaisent aujourd’hui aux millénniaux.
Les montures Moscot Originals, très identifiables, retrouvent tous les codes stylistiques des années 30 à 80, inspirées des archives de la maison. Des montures en acétate créées dans le Moscot New York City Labs, au look puissant et iconique. Baptisées Lemtosh, Miltzen ou Dahven, elles reprennent des mots du yiddish, une langue ancrée dans la famille depuis la première génération. Johnny Depp ou Demi Moore, Paul McCartney ou Harry Styles, tous sont des amateurs des Lemtosh, la ligne des années 40. C’est Andy Warhol, qui vivait non loin de la boutique du Lower East Side, qui parachève la notoriété des montures Milzen, dont la finition en acétate transparent est encore un succès.
Aujourd’hui, la marque est distribuée dans 2500 points de vente répartis dans plus de 50 pays, dont 23 boutiques. Harvey et Zack Moscot sont résolus à poursuivre la légende, dont la formule de fabrication n’a pas changé : des lunettes aux montures épaisses, qui se distinguent par leur esprit vintage, de solides rivets et des charnières multiples produites dans les mêmes ateliers, en Asie, depuis cinquante ans. Mais Zack Moscot, designer industriel de formation, ne cultive pas uniquement l’histoire et les designs imaginés par ses aïeux. Cette année, il lance cinq nouvelles lignes, qui reprennent la tendance des aviateurs des années 60 à 80, sans pour autant répliquer le passé. «Pour l’automne 2023, nous avons choisi l’audace. Inspirées par la mode inimitable des personnages du Lower East Side, les cinq nouvelles montures ont été conçues pour s’imposer autant que les légendes qui les portent.» Interview exclusive des deux héritiers de quatrième et cinquième génération.
Qu’est-ce qui permet à la marque Moscot de se distinguer des multiples concurrents?
Harvey: notre marque, créée par mon arrière-grand-père opticien, est historique. Depuis lors, nous bénéficions de cette longue expertise de l’optique à laquelle nous avons tous travaillé. Quand vous portez des lunettes Moscot, vous portez une longue histoire, faite d’immigration, de travail, de savoir-faire et aussi un peu du Down Town New York City qui s’est construit ces cent dernières années.
Zack: Ce qui nous distingue, c’est le fait que nous soyons toujours un business familial, que nous puissions avant tout nous concentrer sur le produit, mon père et moi. Nous sommes libres d’investir dans la qualité, le savoir-faire, sans constamment devoir suivre les tendances des jeunes générations.
Vous êtes effectivement une marque indépendante. Comment réussissez-vous à affronter la concurrence des grands groupes, qui investissent massivement dans le marketing?
Zack: Les capacités sont différentes. Nous n’avons pas les millions que ces marques dépensent en marketing, mais nous nous développons lentement et sûrement. Nous voyageons dans le monde entier pour sélectionner très attentivement chaque emplacement de magasin, afin d’être sûrs que le business y sera profitable. Cette stratégie et une attention constante concernent autant le produit et le magasin que les 200 collaborateurs que nous avons engagés à travers le monde. Notre but est de nous aligner à la perfection aux attentes de nos clients.
Pour vendre une paire de lunettes aujourd’hui, il faut vendre un style de vie, une expérience. Les vôtres sont fondés sur le vintage et la nostalgie, deux concepts très populaires qui vont malgré tout s’estomper. Comment pourrez-vous continuer à séduire à l’avenir?
Zack: Le concept de nostalgie fait partie de notre histoire, puisque nous sommes les héritiers d’un esprit, d’une façon d’aborder la vente et le service après-vente. Pour autant, nous évoluons constamment dans nos designs. Nous dessinons plusieurs dizaines de nouvelles lignes chaque année, certes inspirées du passé, mais qui reflètent le monde actuel. Nous sommes une marque ancienne, mais la manière dont elle fonctionne est très sophistiquée, puisque nous nous appuyons sur les dernières technologies, sur notre plateforme digitale, les réseaux sociaux, que nous utilisons pour interagir avec nos clients, aussi bien sur Tik-Tok que sur Instagram.
Harvey: Vous savez, j’ai grandi dans la boutique familiale, je suis ophtalmologue, je travaille dans le magasin, je vends des lunettes, je connais le client et ce qu’il attend de son expérience lorsqu’il entre dans l’une de nos boutiques. Ils ont tous les âges, avec des besoins qui vont de la paire de lunettes optique très spécifique à la paire de solaire très stylée.
Vous l’avez dit, aujourd’hui, vous êtes la cinquième génération Moscot à la tête de la marque. Quelles sont, selon vous, les valeurs les plus difficiles à transmettre à la sixième génération?
Zack: Nos valeurs fondamentales sont propres aux Moscot : être juste, rester qui nous sommes, traiter le client avec le plus grand soin. Le plus difficile, en ouvrant des magasins à travers le monde, est de rester une grande famille et d’avoir le sentiment, partout dans le monde, de pénétrer dans la boutique originale du Lower East Side.
Harvey: Notre business ne grandira jamais trop vite grâce au succès et nos prix n’augmenteront pas non plus de manière irraisonnée. Le service au client est fondamental et notre mission est de répondre à ses besoins, avec une qualité de lunettes optiques ou solaires très élevée. Je suis très impliqué sur les programmes de transmission de nos savoir-faire à l’interne. Nous passons beaucoup de temps avec les équipes dans chaque magasin. L’idée est de travailler sérieusement sans trop se prendre au sérieux.
Zack: Il n’y a pas de bureaucratie, les décisions se prennent vite, de manière très agile, car il n’y a que Harvey et moi. C’est un atout face à la concurrence.
Vous développez votre marque également dans l’univers musical, vous avez organisé une exposition intitulée Punk & Beyond: Legends Of The Lower East Side. Est-ce une manière d’aller chercher d’autres publics, plus jeunes?
Harvey: Nous ne faisons jamais rien avec l’intention de plaire à un certain public. Tout doit être organique pour Zack et moi. Nous sommes tous deux des musiciens, nous jouons de la guitare. J’ai introduit l’univers musical dans notre business de manière très spontanée. Un jour, alors que le temps était orageux et que la boutique était vide, j’ai commencé à jouer; un de mes amis est entré et a commencé à chanter. Les clients sont entrés, les uns après les autres. J’ai vu leur enthousiasme, leur plaisir. J’ai compris que ma passion pouvait désormais faire partie du business. C’est également ce que nous faisons avec l’action Moscot Mobileyes. J’ai ressenti le besoin de redonner quelque chose à la communauté, aux New-Yorkais qui sont dans le besoin et qui n’ont pas les moyens de se payer une paire de lunettes. L’exposition Punk & Beyond: Legends Of The Lower East Side a permis de lever des fonds pour financer des programmes musicaux dans les écoles défavorisées.
Zack: Cette façon très organique de faire est la même qui advient avec les acteurs et artistes qui portent nos lunettes, par exemple pour le film Oppenheimer. Tous portent des Moscot, simplement parce qu’ils connaissent la marque, le style et l’esprit. Aujourd’hui, nous voulons poursuivre nos actions caritatives dans le monde, là où sont nos boutiques.
Quelles sont vos stratégies pour les cinq ans à venir?
Harvey: Continuer à raconter notre histoire et à vendre nos lunettes à travers nos propres boutiques. Bien sûr les magasins multimarques sont importants, mais la boutique Moscot peut vraiment relayer l’histoire sous toutes ses facettes. Nous comptons déjà 23 boutiques, nous allons en ouvrir plus, peut-être une vingtaine d’ici 2030.
Vous êtes une marque très américaine. Comment arrivez-vous à séduire le public européen, dont le choix de marques est très vaste?
Zack: C’est plutôt le marché américain qu’il est difficile de séduire! (rire)
Harvey: Zack a raison. Je pense que les Européens ou les Asiatiques sont particulièrement sensibles à l’aspect mode et stylé des lunettes. Prenez la culture française: les Français savent choisir une paire de lunettes pour confirmer un aspect de leur identité, ou pour en changer, comme un vrai accessoire de leur personnalité, et cela bien avant tout le monde. Les Américains considèrent encore une paire de lunettes comme un accessoire médical… Les États-Unis sont encore un jeune pays. La sophistication n’est pas encore au niveau de leur envie, parfois.
Où sont situées vos usines de fabrication?
Zack: Nos verres sont faits aux États-Unis, les matières premières des montures viennent d’Allemagne ou d’Italie pour l’acétate, par exemple, et la monture est réalisée en Chine, dans les mêmes ateliers qui appartiennent à la même famille – nos partenaires de longue date – depuis cinquante ans. Ils sont les meilleurs dans le domaine… Encore une histoire de famille !
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