Mode africaine: prisée ailleurs, inaccessible chez elle

Les marques de Lagos, Dakar, Le Cap et Johannesburg sont vendues par des détaillants de luxe internationaux tels que Farfetch et Browns, portées par des célébrités et présentées sur les plus grands défilés de mode du monde. Cette visibilité a non seulement élevé le statut de la mode africaine, mais l'a également positionnée comme une force puissante dans l'industrie mondiale du luxe.

Cependant, ce nouveau prestige s'accompagne d'une réalité dérangeante : de nombreux consommateurs africains, qui étaient autrefois les principaux adeptes de ces marques, n'ont plus les moyens de les acheter. Alors que les prix augmentent pour répondre aux normes du marché international, la mode africaine devient de plus en plus inaccessible à ceux qui l'ont défendue au cours de ses premières années. Ce qui était au départ une opportunité pour les créateurs africains d'atteindre de nouveaux marchés crée aujourd'hui un fossé économique et culturel, laissant les acheteurs locaux sur la touche.

L'une des principales raisons de ce changement est la nécessité pour les marques africaines d'ajuster leurs prix à mesure qu'elles entrent dans le domaine du luxe mondial. Dans la mode, le prix n'est pas seulement le reflet des coûts de production, il est aussi un marqueur d'exclusivité et de désirabilité. « Pour les marques qui visent le haut de gamme et le luxe, la perception des prix peut avoir un impact, en particulier en ce qui concerne le positionnement de la marque », déclare Rhoda Aguonigho, consultante en mode, cheffe de projet et fondatrice de Lhaude Africa, une plateforme et communauté panafricaine qui soutient les entrepreneurs créatifs. « Les marques de mode africaines qui cherchent à se positionner comme compétitives au niveau mondial doivent s'assurer que l'ensemble de leur offre correspond à ce qui est attendu en termes de prix », poursuit-elle.
Une fois qu'un créateur africain est référencé dans un grand magasin haut de gamme sur les marchés mondiaux de la mode comme Paris ou Londres, on attend de lui qu'il maintienne un certain niveau de prix sur tous les marchés. «C'est un sujet complexe, mais lorsque l'on compare les prix des marques de luxe africaines locales à ceux de leurs homologues mondiaux, on constate qu'il y a encore un long chemin à parcourir », ajoute Aguonigho.