Les robes subversives de Chiara Ferragni par Dior: une liberté gagnée

Avoir de l’influence se mesure souvent à la féroce pression exercée en retour. Ce que le célèbre Festival de Sanremo – un show populaire et médiatique consacré aux talents de la chanson italienne – a pu mettre en lumière cette année est unique. Sur scène, lors d’une des soirées du festival, la star des réseaux sociaux Chiara Ferragni, qui compte plus de 29 millions de followers, a stupéfié le public par ses tenues très engagées, choisies pour présenter la soirée. L’une d’elles, une robe Dior (parmi d’autres créations de la marque) comportait l’inscription «Pensati libera» (pense-toi libre) brodée en grand sur une étole blanche, fruit d’une collaboration entre la directrice artistique de Dior, Maria Grazia Chiuri et le collectif d’artistes Claire Fontaine, dont tous les médias ont relayé le travail. Une performance qui a participé au succès du festival, dont les audiences n’avaient jamais été aussi bonnes depuis 1995.

Comme dans tout succès médiatique, une polémique n’a pas manqué de surgir. La controverse a porté sur la paternité du message, qui aurait été créé à Gênes par le street artist Cicatrici Nere. Au-delà de cette notion de propriété, c’est avant tout une œuvre qui a conféré une nouvelle dimension au pouvoir de la mode, non seulement pour raconter une esthétique, mais aussi pour engager un débat social et culturel sur l’empowerment féminin. Cette portée est d’autant plus marquante que la performance a été délivrée par une personnalité qui connaît le succès – Chiara Ferragni – et qui souhaite témoigner de son vécu, par le style, et qui ne nie pas aujourd’hui craindre les excès d’une trop grande exposition.

Le duo Claire Fontaine ou plutôt le collectif artistique fondé par James Thornhill et Fulvia Carnevale est né en 2004 à Paris. Établi depuis 2017 à Palerme, le duo est connu pour sa vision néoconceptuelle, mettant en cause le capitalisme et le système politique et culturel contemporains, toujours avec ironie et profondeur. Dans une interview exclusive, le duo Claire Fontaine nous raconte la naissance et l’évolution de ce projet, mais aussi ce long cheminement vers une possible liberté.

Commençons par Chiara Ferragni, influenceuse star, qui s’est montrée fragilisée à la suite de sa prestation, sur Instagram. La liberté peut-elle faire pleurer?

Dans son post, Chiara Ferragni ne pleure pas à cause de la liberté dont elle jouit ou aimerait jouir, mais à cause d’une pression physique et psychologique excessive. Les raisons pour lesquelles elle a choisi de le communiquer sont probablement liées à celles qui l’ont poussée à partager sa force, mais aussi sa fragilité sur la scène de Sanremo. C’est certainement un exemple de liberté: ne pas vivre paralysé par le désir d’être accepté, même quand son activité principale est fondée sur l’approbation et l’affection du public. Montrer sa vulnérabilité est bien plus tabou pour une femme qui réussit que pour un homme; les hommes ont beaucoup à apprendre de cela. Au lieu de rejeter ces phénomènes, en les qualifiant d’embarrassants ou d’exhibitionnistes, ils pourraient y réfléchir.

Pensez-vous qu’il existe une véritable forme de liberté dans la société capitaliste?