L’EHL vise le conseil stratégique dans le luxe et la durabilité

Surnommée «Terminal One», la gigantesque verrière qui structure les nouveaux espaces de réception, de cours et de loisirs de l’EHL Hospitality Business School (fondée en 1893 en tant qu’École hôtelière de Lausanne) montre l’envergure des nouvelles ambitions du groupe: séduire un très grand nombre d’étudiants désireux de se former en management de l’hospitalité, tout en regardant plus loin que l’horizon purement académique. Après des travaux titanesques de plus de 250 millions de francs qui ont largement transformé le campus de Lausanne, (Suisse), l’institution doit aujourd’hui accélérer sa croissance à l’international. Sous l’égide de la Fondation EHL, à but non lucratif, elle ambitionne de poursuivre ses investissements et de les accroître (ils se montaient à 72 millions en 2021).

Markus Venzin, CEO du Groupe EHL depuis septembre 2022, ainsi que son équipe de direction, a déjà complètement réimaginé la structure organisationnelle de l’institution qui compte aujourd’hui trois campus, à Lausanne, à Passugg et à Singapour et plusieurs bureaux à l’étranger. Alors que l’hospitalité, le service et l’expérience sont aujourd’hui au cœur de toutes les industries, le savoir-faire de l’EHL est stratégique et les pistes de développement nombreuses. L’école communiquait d’ailleurs, il y a quelques semaines, avoir été élue meilleure institution du monde dans le domaine de l’enseignement du management de l’hospitalité et cinquième meilleure business school en Suisse. Markus Venzin le sait, sa mission de porter la notoriété internationale, mais aussi la rentabilité de l’institution à l’horizon 2030, doit passer par le déploiement des activités de conseil académique et commercial aussi bien pour les entreprises que les écoles ou les gouvernements.

L’ambition internationale est aussi l’enjeu de toutes les infrastructures académiques concurrentes liées au monde de l’hospitalité et de l’hôtellerie implantées en Suisse et qui font autorité. La Suisse possède ce savoir-faire depuis des décennies. Son intérêt est clairement de voir les institutions spécialisées dans l’éducation de ces secteurs croître et rayonner. L’EHL Hospitality Business School, fondée en 1893, est aujourd’hui bien positionnée. En dix ans, le nombre d’étudiants inscrits au sein du Groupe EHL a doublé, passant d’environ 2000 à 4000. Le nombre de programmes et de cours offerts par le Groupe EHL est passé de 3 à 7 programmes et 46 cours professionnels et amateurs. Dernier en date, L’EHL annonçait, le 6 avril dernier, avoir créé un Summer Program consacré au management de l’hospitalité de luxe en étroite collaboration avec la prestigieuse HEC Paris et dirigé par Florent Girardin, PhD et professeur assistant à l'EHL pour le management du luxe.

Autre levier de progression du groupe, accroître ses liens avec l’industrie du luxe. Récemment, l’EHL accueillait sur son campus de Lausanne la PDG de la marque Saint Laurent Francesca Bellettini pour une conférence exclusive. Il précise: «L’EHL Hospitality Business School compte déjà de nombreux projets avec des maisons de luxe depuis des années. L’EHL Alliance compte de nombreuses marques partenaires comme Cartier, Chopard, Laurent Perrier, Four Seasons ou encore Swiss. Ces entreprises cherchent des conseils et des compétences en matière d’hospitalité. Nous sommes bien placés pour en dispenser, car une chose est claire et pérenne: 30% de la satisfaction du client vient du produit, 70% de l’expérience qui y est liée. Augmenter la satisfaction par la valeur de l’expérience fait partie intégrante de l’hospitalité. La marque de luxe est, à juste titre, obnubilée par la qualité du produit. Nous sommes là pour leur montrer comment créer cette même qualité dans l’hospitalité. Alors que le service est une exécution parfaite d’un protocole, l’hospitalité, c’est la surprise, l’authenticité, l’émotion. Vous pouvez avoir un bon service, mais ne pas vous sentir bienvenu. L’hospitalité c’est savoir transmettre ce sentiment porté par tous les collaborateurs d’une entreprise. C’est une tâche très difficile. C’est pourquoi je crois fermement en l’éducation: investir dans l’éducation à chaque étape de la vie d’un collaborateur, c’est augmenter la profitabilité de sa société. C’est tout l’enjeu dans un monde en constante évolution.»

Cet enjeu s’intègre dans ce que Markus Venzin a baptisé Hospitality DNA, qui aide à mettre en place des concepts d’hospitalité. Il est lié au département Recherche et Développement de l’EHL, et sa faculté via des instituts de recherche. Il poursuit: «Vous souhaitez implanter un hôtel cinq-étoiles en Sardaigne? Nous vous soutenons dans la gestion du projet. Vos frais énergétiques liés à votre activité explosent? Nous vous aidons à implémenter un système qui analyse la consommation énergétique liée à votre activité. Cet appareil vous donne, via une application sur votre téléphone, la consommation de base, puis cible les éléments liés à des hausses de consommation sur une période donnée. Nous sommes en plein test de cette expertise sur le campus même de l’EHL, en lien avec notre boulangerie. Grâce à l’intelligence artificielle, nous analysons les données comparables en lien avec d’autres boulangeries. Cela nous permet d’analyser les potentialités de réduction de la consommation énergétique. Notre expertise va également aider à observer le processus organisationnel, pour évaluer les éventuels changements à opérer. Et juger, par exemple, quand enclencher le four, où le positionner, quand ouvrir ou fermer la porte de manière efficace, et même quel type de pain demande moins d’énergie. Nous implémentons actuellement ce système dans 20 boulangeries pilotes dans le canton de Vaud. Ensuite, nous lancerons le consulting.»

Pour Markus Venzin, le raisonnement concernant la durabilité est le même que pour le luxe: «Les sociétés doivent impérativement investir dans la durabilité pour développer leur activité et leur profitabilité. Nous avons besoin de montrer que d’investir dans la durabilité permet de réduire les frais. À notre niveau, nous souhaitons, à terme, obtenir la certification B Corp qui viendrait attester de nos exigences sociétales et environnementales. Nous travaillons également avec Nativa, avec qui nous souhaitons développer de bonnes pratiques de durabilité, que nous pourrons ensuite insuffler dans l’hospitalité, partout dans le monde.»

La Graduate School, le segment qui regroupe les formations de type master, MBA et le conseil aux entreprises, est aujourd’hui évaluée à 7% du chiffre d’affaires du Groupe EHL. Mais le directeur du groupe a de bien plus larges ambitions, puisqu’il vise les 30% d’ici à l’horizon 2030, tout comme d’autres sources de revenus déjà à ces mêmes niveaux tels que l’Année préparatoire du programme de bachelor. Sur ce point, Markus Venzin précise: «Nous appartenons à une fondation à but non lucratif, mais nous avons besoin d’avoir suffisamment de profit pour réinvestir. Aujourd’hui, nous dégageons 152 millions de chiffre d’affaires, et dans le futur, d’ici 2030, nous visons 200 millions de francs. Nous devons absolument rester dans la niche de la compétence en hospitalité. Et pour cela, nous sommes prêts à envisager d’autres campus dans le monde si les bonnes conditions sont réunies.»

Déjà présente avec un campus à Singapour, une joint-venture au Japon, des bureaux à Shanghai, à Pékin et à New Dehli, le Groupe EHL envisagerait d’ouvrir un autre bureau en Amérique latine. Markus Venzin ajoute: «Pour être très compétitif stratégiquement, le programme de bachelor doit permettre d’offrir des programmes d’échanges internationaux, comme le font de nombreuses business schools. Si nous ouvrons de nouveaux campus, c’est que nous aurons constaté de la demande locale, en termes de compétences et d’éducation en hospitalité. L’autre pôle potentiel pourrait être le Moyen-Orient. Mais ce sont des plans à long terme, rien n’est fixé.»

Quant à la question, plus délicate, de la potentielle fin de l’âge d’or du taux d’employabilité des lauréats de l’EHL, dont certaines sociétés déplorent le manque de spécialisation, Markus Venzin réfute: «Nous monitorons les carrières de nos étudiants, et six mois après leurs diplômes, 96% d’entre eux ont un travail. Il est exact que 50% environ restent dans l’hospitalité et que l’autre moitié se dirige vers les industries voisines, à savoir le luxe, le private banking, le consulting. Nos étudiants de bachelor sont opérationnels tout de suite, également grâce à leur expérience sur le terrain pratiquée lors de l’année préparatoire et à leurs deux stages obligatoires. C’est un point essentiel.»