«Bulgari a lancé une étude complète de son empreinte carbone dans le monde»

Le 7 mars prochain, la deuxième édition des Swiss Genius sera lancée officiellement auprès des universités et hautes écoles sélectionnées en Suisse. Un prix qui récompense les meilleurs projets en matière d’innovation et de durabilité qui s’adresse à tous les étudiants des business schools poursuivant actuellement leurs études de master. Le prix Swiss Genius met au défi les jeunes talents et futurs leaders d’imaginer «Comment le secteur du luxe peut-il s’appuyer sur les objectifs de développement durable (ODD) pour séduire la jeune clientèle?»

En réponse à ce questionnement, Jean-Christophe Babin explique, dans une interview exclusive, comment Bulgari poursuit ses engagements en accord avec les objectifs LIFE 360 du groupe LVMH, dont certains représentent des investissements financiers de plusieurs dizaines de millions de francs. 

Quels sont les développements nouvellement mis en œuvre par Bulgari et qui se rapportent aux 17 engagements de développement durable (SDG) des Nations Unies?

Bulgari vient de lancer un programme d’étude complet de son empreinte carbone dans le monde. Un bilan de toutes nos unités en Italie et en Suisse sera fait avec la société Quantis (ndlr, la société suisse spécialisée dans le développement durable, récemment rachetée par le Boston Consulting Group), pour obtenir une cartographie très précise de nos émissions de CO₂. Bien sûr, nous monitorons nos structures existantes, en cours de restructuration en Suisse, à Saignelégier et Le Sentier. Nous y effectuerons des travaux de réaménagement, engagés d’abord dans une volonté d’expansion, mais qui profiteront de ce bilan avant-travaux pour connaître exactement les améliorations possibles. Ces projets sont totalement alignés avec le programme LIFE 360 de LVMH, sur les réductions d’émission de carbone à l’horizon 2030, pour les unités productives et commerciales. 

Que pouvez-vous nous dire de ce bilan?

La nature de nos activités nous met dans un segment de consommation d’énergie relativement modeste, puisque nos métiers incluent beaucoup de valeur ajoutée manuelle. Bien sûr, des améliorations peuvent être amenées dans nos unités industrielles. Dans ce cadre, le programme consiste avant tout à passer de machines d’usinage d’ancienne génération datant d’une dizaine d’années, notamment à Saignelégier, à des machines de nouvelle génération beaucoup plus efficientes. C’est un gros investissement, puisque chaque machine coûte entre 500 000 et 800 000 francs. Leur productivité est trois fois supérieure, pour une consommation d’énergie 40% inférieure, et une occupation de l’espace nettement réduite. 

Vous avez également lancé un projet de construction d’usine très conséquent en Italie. Qu’en est-il de son empreinte carbone?

Oui, nous avons commencé les travaux à la fin de l’année 2022, sur le site de Valenza, où nous allons plus que doubler la capacité de la manufacture, qui sera de 19 000 m² ajoutés aux 14 000 m² existants. Ce sera la plus grande manufacture de joaillerie du monde. Bulgari est le gros acteur-joaillier de la région, puisque 20% de la main-d’œuvre du bassin sont occupés directement par Bulgari et encore 20% le sont indirectement. L’objectif du projet qui sera terminé à mi-2025 est d’être zero foot print, où 100% de l’énergie utilisée sera issue d’énergies vertes. Nous en produirons 50% sur site, grâce aux installations géothermiques – plus de 120 points de prélèvement à 80 mètres de profondeur – sur les hectares de terrains acquis et jouxtant la parcelle de la manufacture et des installations photovoltaïques sur tous les toits des parkings. L’autre moitié de l’énergie sera achetée à proximité et de provenance verte. C’est une grande première en horlogerie et en joaillerie d’avoir un établissement de plus de 23 000 m² uniquement alimenté par de l’énergie renouvelable. 

Quel effort est consenti sur les surfaces commerciales de Bulgari dans le monde?

Nous avons pu réduire de plus de 75% la consommation d’énergie de nos 320 boutiques dans le monde, entre autres en changeant le système d’éclairage. Mais nous allons aller plus loin en construisant une boutique pilote sur Rodeo Drive à Los Angeles, début 2024, qui essaiera d’être alimentée à 100% par du renouvelable, au même titre que notre manufacture de Valenza. Cette boutique sera le pilote de nos magasins futurs. 

Qu’en est-il de la transparence au sujet de la provenance des matières premières?

Nous travaillons avec le Responsible Jewelery Council (RJC) pour la certification des pierres précieuses, notamment sur les pierres de couleur. Nous avons récemment conduit un audit au Mozambique et au Botswana, avec LVMH, de plusieurs mois, sur quelques mines dont nous voulions nous assurer de la démarche éthique. Notre or est 100% recyclé, pour nos montres, comme pour notre joaillerie, de très bonne qualité. Il est également composé quelques fois de certains de nos invendus, que nous préférons fondre, plutôt que de solder. C’est de l’économie circulaire, que je trouve plus responsable encore.

Vous intéressez-vous également aux matériaux innovants, que ce soient des tissus ressemblant à du cuir ou même des diamants de laboratoire?

Dans la division Accessoires, nous regardons attentivement certains nouveaux matériaux qui pourraient être intéressants à travailler, à la fois pour leur esthétique que pour leur durabilité et leur qualité. Mais ils n’ont pas vocation à se substituer complètement à nos cuirs, issus principalement d’élevages bovins (du veau, pour la plupart) consacrés à la production de viande et d’espèces exotiques élevées dans des fermes très contrôlées. Les matières alternatives peuvent être intéressantes pour certains de nos distributeurs, comme Selfridges à Londres qui milite pour avoir dans son assortiment une part significative de produits composés de matériaux d’origine non animale. J’aimerais également préciser que Bulgari englobe les problématiques d’inclusion dans ses politiques éthiques, principalement la diversité et l’égalité des genres, puisque les directeurs, cadres supérieurs et membres de comité de direction sont à 62% féminins sur le plan mondial, ce qui représente 800 personnes sur 8000 collaborateurs. 

Que souhaitez-vous dire à tous les étudiants qui vont participer au prix Swiss Genius?

Dès lors qu’ils s’intéressent au luxe, Bulgari est l’une des marques les plus avancées sur toutes les facettes de la responsabilité sociale et environnementale – avec une politique au centre de sa stratégie, avec des investissements conséquents –, qui représente tout un ensemble de métiers actifs au sein du département CSR. Mais ce sont également des investissements apportés aux biens communs, à la culture, comme le financement de restaurations architecturales et artistiques. Je pense ici à l’Aria Sacra di Largo Argentina, le plus ancien site républicain au cœur de Rome, connu également pour être le site où Jules César a été assassiné. Découvert dans les années 30, mais jamais ouvert au public, il le sera dans quelques mois. Da la même façon, nous finançons la restauration d’une sélection de 120 marbres, partie de la plus grande collection impériale de Torlonia, qui représente tous les empereurs d’Auguste à Constantin, et qui seront exposée en 2024 au Louvre.