Le cognac sous pression: Hennessy suspend son projet de délocalisation en Chine

Le producteur français de spiritueux Hennessy (filiale du groupe de luxe LVMH) et leader du marché, a finalement suspendu son projet de délocalisation en Chine, qui prévoyait de réaliser la mise en bouteille de son célèbre cognac sur le continent asiatique. «La Maison a décidé de suspendre le projet-test d’envoi de vrac de cognac  (...) tout en suivant de très près l’évolution de la situation politique et diplomatique», a précisé l’entreprise dans un communiqué.

La semaine dernière, un mouvement de grève avait impliqué plusieurs centaines de salariés, à Cognac, dans la région charentaise, dix jours après avoir appris l’initiative de leur employeur. Hennessy était en train d’étudier plusieurs stratégies pour contourner les lois anti-dumping (sur les eaux-de-vie) instaurées par le gouvernement de Pékin il y a environ un mois. L’une des stratégies envisagées par Hennessy était donc celle d’envoyer le cognac en vrac en Chine et de le mettre en bouteille sur place. Cette stratégie aurait pu en partie contourner les nouvelles mesures appliquées par l’Etat chinois qui se concentrent sur les produits importés finis.

Depuis le 11 octobre, la Chine exige que les entreprises étrangères, importants des eaux-de-vie à base de vin (le brandy) en provenance de l'Union européenne, versent un acompte compris entre 30% et 40% de la valeur de la marchandise. Cette décision vise principalement les grands producteurs de cognac français tels que Hennessy, Rémy Cointreau et Pernod-Ricard, puisque la boisson spiritueuse représente 95% du total des brandys européens. Ce secteur (NDLR: le cognac), qui génère 72 500 emplois en France, dépend largement des exportations, qui représentent 98% de ses ventes, pour un montant de 3,35 milliards d’euros. La Chine étant son deuxième plus grand marché (25% des exportations), derrière les Etats-Unis (38% des exportations).

Durant cette période de réflexion menée par la maison Hennessy, le G20 s’est tenu au Brésil. En marge du sommet international, les présidents Macron et Xi Jinping se sont confrontés dans un échange qui a visiblement déterminé la suspension du projet. Toutefois, les salariés restent sur leurs gardes, craignant la potentielle reprise d’une initiative qui n’est pas totalement abandonnée, et maintiennent une journée de mobilisation demain à Cognac.

Les conditions du marché sont de plus en plus contraignantes pour les acteurs majeurs. Hennessy a vu son chiffre d’affaires des neuf premiers mois de l’année reculer de 8%, pour un montant total de 4,2 milliards d’euros. Une baisse attribuée principalement aux difficultés sur le marché chinois, entre nouvelles mesures douanières et une demande en berne. Les résultats ne sont pas au beau fixe non plus pour les autres géants français des spiritueux. Après deux années post-pandémie exceptionnelles, Pernod-Ricard a vu son chiffre d’affaires plonger lors du dernier exercice financier, clôturé en juin 2024. Les ventes ont reculé de 4%, s’élevant à 11,6 milliards d'euros. Quant à Rémy Cointreau, il enregistre un chiffre d’affaires de 533,7 millions d'euros pour le premier semestre de l’exercice 2024-2025, ce qui représente une baisse de 16,2% en données publiées sur un an.

C’est donc toute la filière qui est en difficulté, et ce depuis le début de l'année. «Les premiers mois de 2024 laissent un goût amer: le recul des volumes avoisine 5% par rapport à l’année précédente et marque une tendance à la baisse qui s’accélère», s’alarmait déjà cet été la Fédération Française des Spiritueux.