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Le business très lucratif des réservations de restaurants branchés

Isabelle Campone

By Isabelle Campone19 septembre 2024

Avoir ses entrées dans les adresses les plus exclusives de la vie nocturne a toujours été un symbole de statut. Dans l’Amérique de Resy et OpenTable, c’est devenu un business. Très lucratif pour ceux qui savent l’exploiter et dévastateur pour les restaurants, surtout dans la ville de Wall Street.

A New-York, réserver une table dans l'un des restaurants les plus prisés de la ville est devenu si difficile qu'un marché noir s'est développé (Shutterstock)

Polo Bar, Torrisi, Via Carota, Caviar Kaspia et surtout Carbone. Des restaurants qui prennent beaucoup de place dans les conversations des New-Yorkais riches et branchés. On pourrait penser qu’elles tournent autour des meilleurs plats du menu, peut-être de l’atmosphère ou même de la popularité du chef. Pourtant c’est toujours, avec un mélange de surprise et d’envie : «Comment avez-vous réussi à obtenir une réservation?» Avoir une table dans les restaurants les plus en vogue de la ville est devenu si difficile depuis la pandémie que c’est un jeu complexe qui implique de la stratégie, de la persistance, et surtout, maintenant, de l’argent. Même parmi les plus privilégiés, dîner dans ces établissements est devenu une démonstration de pouvoir social et d’assise financière. La réservation est devenue une valeur qui se monnaye.

Les applications: le seul moyen pour réserver une table

Le célèbre restaurant italien Carbone propose une cuisine haut de gamme au 181 Thompson St à New York (Shutterstock)

L’époque où on réservait par téléphone est bien lointaine: la plupart des restaurants ont abandonné ce canal et ne libèrent plus leurs créneaux que trente jours à l’avance via des applications comme Resy ou OpenTable. Seulement, alors qu’avant il suffisait de patienter (parfois jusqu’à quelques mois) pour une table très convoitée, il est désormais presque impossible de l’obtenir via ces applications. Carbone, par exemple, accepte les réservations via Resy, en libérant des tables à 10 h précises, trente jours à l’avance. À 10 h 01, c’est fini, plus de disponibilité. Sauf si vous êtes prêt à dîner à 17 h ou à 23 h. Les mieux connectés réussissent parfois par le chef, le maître d’hôtel, un concierge d’hôtel ou via une carte de crédit Black.

Sans ça, il faut se reposer sur la fonction Notify de Resy, qui envoie un message lorsqu’une table se libère. Autant dire abandonner tout espoir et rester bloqué dans un état de perpétuelle prénotification, car le terrain de jeu n’est pas équitable: depuis 2019, Resy appartient à American Express. Il favorise forcément ses meilleurs clients et a lancé en 2021 le programme Global Dining Access, qui permet aux détenteurs de ses cartes premium d’obtenir sur Resy des réservations exclusives, des notifications préférentielles et des tables de dernière minute.

Et sans carte Amex? L’épicentre du capitalisme trouve toujours une solution pour ceux qui sont prêts à utiliser leur portefeuille. On parle après tout d’offre et de demande. De nouvelles plateformes ont donc surgi, telles qu’Appointment Trader, ResX et SevenRooms, permettant d’acheter et de vendre des réservations comme des billets de concert. Un véritable marché secondaire, qui a encore creusé l’écart entre ceux qui peuvent et ne peuvent pas obtenir une réservation. Fondé par un développeur informatique, Appointment Trader, qui ressemble à un site des années 90, a malgré ça généré 6 millions de revenus en 2023. Sans n’avoir jamais vendu de réservation – il en facilite la vente par ses utilisateurs.

Le marché noir des réservations en ligne

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