L’Albanie, nouvelle terre d’investissement pour les puissants

L’Albanie suscite l’intérêt des puissants et les projets sont ambitieux. Jared Kushner, gendre de Donald Trump, a confirmé cet été l’investissement pour un montant de 1 milliard d’euros dans un projet immobilier géré par sa société Affinity Partners qui prévoit la construction de villas et hôtels de luxe sur la côte albanaise. Parmi ces derniers, il y aurait la réalisation sur l’île de Sezan d’un complexe hôtelier par le groupe de luxe Aman Resort.

Le pays marqué par une dictature féroce et plus de trente ans de politique mouvementée serait-il le nouvel eldorado? Depuis sa résidence estivale de Dhermi, un des plus jolis villages de la côte albanaise, le Premier ministre Edi Rama a accordé une interview exclusive à Luxury Tribune. Le leader politique souligne l’importance que l’Albanie gagne auprès des investisseurs, en particulier dans le domaine numérique et l’immobilier.

L’ancien mausolée dédié au dictateur Hoxha à Tirana a laissé place au plus important pôle technologique des Balkans occidentaux, consacré aux start-up innovantes.

Le gouvernement du Premier ministre Rama a adopté une loi en faveur des jeunes entreprises et mis en place une fiscalité avantageuse dans le but d’attirer des sociétés et des talents étrangers.

La capitale veut ainsi se profiler comme le nouveau cœur européen de la haute technologie, à l’instar de Dubaï ou de Singapour, mais ambitionne également de développer des projets architecturaux ambitieux. «L’architecture est un des moyens que nous voulons utiliser pour valoriser nos villes. Nous voulons faire de Tirana un pôle mondial de l’architecture moderne. Nous comptons de plus en plus de grands cabinets d’architectes intéressés; il y a quelques années, ils étaient peu nombreux, mais maintenant, l’intérêt est vif, et ils veulent nous rejoindre», explique le Premier ministre qui cite volontiers la liste des starchitectes conviés dans la capitale. Il poursuit: «Nous avons pu impliquer des talents du monde entier: le Portugais Alvaro Siza, par exemple, mais également son compatriote Eduardo Souto de Moura, engagé avec une nouvelle tour à Tirana. En ce moment, huit à neuf lauréats du Prix Pritzker travaillent en Albanie. Il y a les Français Dominique Perrault et Jean de Gastines, qui a un cabinet avec Shigeru Ban. Parmi les Américains, nous avons Steven Hall, Jeanne Gang ou encore Elizabeth Diller, sans oublier les Italiens, dont Stefano Boeri, Piero Lissoni ou encore Massimilano Fuksas.»

Edi Rama explique que les architectes signent essentiellement des contrats avec des sociétés privées et des promoteurs locaux, mais le gouvernement mesure leur travail en les invitant à développer des projets qui puissent servir l’intérêt commun et contribuer au prestige et au rayonnement de la ville, en permettant ainsi d’attirer des enseignes prestigieuses. 

Le Premier ministre espère ardemment l’entrée de l’Albanie dans Europe. Le dossier d’adhésion est sur la table des 27 depuis 2014, et n’a pas encore été validé. «Le pays a besoin d’investissements. Nous avons réussi à développer de grands projets dans le domaine de l’énergie, nous sommes pratiquement 100% renouvelable aujourd’hui. Nous prévoyons la construction de nouvelles centrales éoliennes et solaires et nous prévoyons être complètement autosuffisants d’ici à 2029. Nous avons besoin encore de l’Europe dans plusieurs domaines, comme les infrastructures ou l’éducation. Nous comptons suivre l’exemple du Monténégro, un tout petit pays qui a effectué un bond incroyable grâce au tourisme haut de gamme et a de très bons investissements.»

Le tourisme représente également un grand enjeu pour le pays. Le choix a été fait d’attirer un grand nombre de visiteurs grâce à des coûts bas: «Le low cost a été une phase indispensable. La stigmatisation de l’Albanie connue par le passé pour sa corruption a fini par s’estomper, mais il fallait passer par la phase low cost. Attirer grâce aux coûts bas des services et des structures a permis une ouverture vers l’extérieur. Nous connaissons les dangers que le tourisme de masse peut représenter, c’est pourquoi nous avançons parallèlement avec le développement d’un tourisme haut de gamme», explique encore le Premier ministre. 

Outre la richesse de ses territoires encore authentiques, Edi Rama veut inclure le paysage culturel dans l’offre touristique. Le pays compte beaucoup de talents dans l’art et la littérature, comme Ismail Kadare, que le Premier ministre considère comme un patrimoine national, mais aussi une toute nouvelle génération d’artistes et d’écrivains très en vue sur le plan international. Edi Rama compte d’ailleurs organiser une Biennale en ce sens, dans les années à venir. 

En termes de fréquentation, l’Albanie a accueilli plus de 10 millions de voyageurs l’année dernière; il est aujourd’hui la quatrième destination à compter la plus forte croissance en pourcentage des arrivées de touristes internationaux, à savoir une progression de 56% par rapport à 2019. Le gouvernement guidé par Edi Rama a contribué à la construction d’un nouvel aéroport à Vlorë, qui devrait commencer à être actif au printemps 2025.

Emaar Group, société immobilière de Dubaï à qui on doit la construction d’immeubles emblématiques comme Burj Khalifa, a commencé la mutation du port de Durres en pôle touristique majeur. Des groupes hôteliers de luxe comme Meliá, IHG ou encore Marriott ont lancé des projets d’hôtels 5 étoiles.

L’InterContinental Tirana devrait être inauguré au printemps 2026 sur la place Skanderbeg et le groupe espagnol Meliá Hotels International a fait de l’Albanie une de ses priorités internationales: elle est actuellement la société hôtelière internationale la plus importante du pays. L’Albanie a d’ailleurs été choisie comme pays hôte de l’ITB Berlin 2025.

Il faut dire que les projets d’envergure se multiplient. En 2017, EAA-Emre Arolat, un studio d’architecture de renommée internationale, a donné vie au projet «Green Coast». Plusieurs hectares de côtes vierges albanaises verront ainsi la construction de 2200 villas haut de gamme et 7 hôtels 5 étoiles dont un MGallery (Accor) et un Grand Hyatt. Cinq cents villas sont déjà prêtes et 20% des acheteurs sont étrangers, suisses en particulier. À noter que les nouvelles constructions bénéficient d’importants avantages fiscaux, les dix premières années. Un autre projet immobilier d’envergure, estimé à 3 milliards, prévoit la construction de villas de luxe aux alentours de la capitale. 

En Albanie, un groupe d’entrepreneurs d’excellence contribuent à dynamiser le pays, parmi eux Dritan Gremi, aujourd’hui propriétaire d’un empire à Tirana consacré au tourisme médical dentaire, une des activités florissantes dans le pays. Gremi, propriétaire d’une dizaine de cliniques dans la capitale, se bat pour que ce type d’activité puisse afficher en Albanie une éthique professionnelle qui change l’image dégradée de Far West médical qui caractérise certaines destinations hors Europe. Dans ce sens, Dritan Gremi veut introduire de nouvelles lois sur les licences, une traçabilité des matériaux employés, des certifications des protocoles médicaux, des standards élevés et un suivi méticuleux.

Autre personnage clé, l’épouse du Premier ministre, Linda Rama, a contribué, de 1993 à 1999, à la privatisation des grandes entreprises stratégiques et a dirigé l’Agence nationale de privatisation. «Je savais ce que j’étais censée faire. L’Albanie devait rattraper les pays du bloc de l’Est, comme la République tchèque, la Pologne, la Hongrie, qui étaient malgré tout très en avance dans de nombreuses réformes. Ces pays avaient des institutions avant d’entrer dans le bloc communiste, elles possédaient des organisations de marché et ne sont jamais allées à l’extrême comme nous l’avons fait, avec une domination totale de l’État, sans aucune économie privée. Il a fallu rattraper le temps perdu», a souligné la Première Dame.

L’actualité semble montrer que ces temps ont été effectivement rattrapés.