Innovation & Savoir-faire

La révolution verte des champagnes Telmont séduit DiCaprio

Aymeric Mantoux

By Aymeric Mantoux14 décembre 2023

Face à l’urgence climatique, les marques font preuve d’inventivité et de créativité, comme le champagne Telmont, dont Leonardo DiCaprio ou encore le groupe Rémy Martin sont actionnaires.

Le champagne Telmont, avec Leonardo DiCaprio parmi ses actionnaires, incarne les solutions créatives des marques de luxe en faveur de la durabilité environnementale. Leonardo DiCaprio et Ludovic du Plessis, président de la Maison Telmont (Telmont Champagne)

Dans l’appellation champagne, tous les herbicides devront avoir disparu en 2025. Alors, face à l’urgence climatique, les marques font preuve d’inventivité et de créativité, comme le Telmont: «Réduire notre empreinte carbone est plus qu’un objectif d’entreprise, c’est un projet de vie», assure Ludovic du Plessis, CEO. Ce patron qui casse les codes a revu l’ensemble des étapes d’élaboration et de commercialisation de ses produits, du vignoble à la consommation. Il est persuadé qu’on peut tout changer et réduire de 90% les rejets carbone. Résultat: Telmont est à 60% en agriculture bio (contre 4% en moyenne en Champagne), a supprimé tous ses coffrets-cadeau (8% de son empreinte carbone) et arrêté les bouteilles transparentes (non recyclées). Converti à cette démarche il y a quinze ans par Leonardo DiCaprio, aujourd’hui un des actionnaires de la marque, il vient de créer un collectif pour réfléchir à la durabilité. Composé de divers corps de métiers, le groupe réfléchit aux problématiques de chacun. Le cocktail pour réussir une stratégie RSE? Une idée innovante, une bonne exécution et une communication smart. Telmont, comme d’autres acteurs du secteur qui expédient leurs produits dans le monde entier, cherche à réduire son impact écologique en explorant des pistes nouvelles comme le cargo à voile, notamment pour traverser l’Atlantique. Ludovic du Plessis affiche une grande détermination.

Quelle est l’histoire du champagne Telmont?

Ludovic du Plessis en discussion avec Bertrand Lhôpital, Chef de Cave et Directeur du vignoble Telmont (Telmont Champagne)

Ludovic du Plessis. La maison est née en 1912 des révoltes champenoises. À l’époque, les petits vignerons souffrent et se soulèvent contre les grandes marques, refusant de leur livrer leurs raisins. Ce soulèvement a même poussé le gouvernement de l’époque à mobiliser l’armée. Les archives sont terrifiantes. C’est dans ce contexte que l’arrière-grand-père de Bertrand Lhopital, 4e génération chez Telmont, crée la marque. Il était vigneron à Dammery et l’un des meneurs de cette révolution, notamment en décidant de produire son propre champagne, et de refuser de vendre son raisin en négoce aux grandes maisons. Cette histoire est incroyable et résonne avec celle que nous voulons: la révolution verte. Notre vision pour Telmont est simple: le meilleur de Champagne sans aucun compromis environnemental. Nous avons baptisé ce projet: «Au nom de la terre.»

L’écologie n’est pourtant pas toujours synonyme de luxe et de glamour, contrairement au Champagne, si?

Je suis persuadé du contraire, et je le rappelle tous les jours aux jeunes générations. Ce matin, j’étais à l’Université Dauphine face à des étudiants, demain je serai à Sciences Po. J’anime de nombreuses conférences et je me rends compte chaque fois que notre projet passionne les jeunes. Croissance positive peut rimer avec radicalité environnementale, tout en étant glamour. Que Leonardo DiCaprio nous ait rejoints est une bonne chose. Messager de la paix des Nations Unies dans le domaine du changement climatique, il est crédible.

Pourquoi considérez-vous que le monde du luxe doit être exemplaire?

Parce que les plus privilégiés doivent montrer le chemin. Avec les marges qui se pratiquent dans le monde du luxe, le secteur se doit d’être radical en matière de durabilité. Nous n’allons pas attendre que les clients le demandent. Même si l’approche de Telmont dérange un peu, lorsque Leonardo parle de notre activité, il dit : «Telmont is telling the truth.» Nous ne sommes pas des donneurs de leçons, mais il est certain que l’on peut réduire l’empreinte carbone. Je salue le retour de la biodiversité en Champagne et le travail extraordinaire du Cercle Interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC), mais nous pouvons aller plus loin. Telmont est la démonstration que l’on peut faire plus. Il est important de planter des arbres, de créer des couverts végétaux, de faire attention aux oiseaux et aux insectes. Pour cela, il est nécessaire d’arrêter les herbicides, les fertilisants chimiques et de refuser les pesticides.

Né des révoltes champenoises de 1912, Telmont mène aujourd'hui une 'révolution verte' dans le luxe avec son projet 'Au nom de la terre', concentré sur l'excellence environnementale sans compromis de qualité (Telmont Champagne)

Vous n’allez pas vous faire que des amis…

La Champagne est la démonstration que c’est faisable. C’est un combat positif, du quotidien. Nous sommes des défenseurs de l’agriculture biologique dans la région et nous nous battons contre les clichés et les idées reçues. Cette année, l’agriculture bio a des rendements inférieurs de seulement 5%. Nous ne sommes pas loin. Et dans certains domaines, la rentabilité est même supérieure. En Champagne, il est possible de faire une réserve individuelle, et de puiser dans ce stock si l’année n’est pas bonne. Bien sûr, cela demande des investissements, cela monopolise plusieurs années de trésorerie. Mais c’est loin d’être impossible, puisque nous l’avons fait.

Pourquoi ce combat, quel a été le déclencheur pour vous?

Telmont illustre comment le secteur du luxe peut intégrer des pratiques écologiques (Telmont Champagne)

J’ai rencontré Leonardo DiCaprio il y a une quinzaine d’années et nous sommes devenus amis. Sur la question environnementale, il est un furieux, un puriste! Il a commencé par m’envoyer des documentaires comme «Can we cool the planet». La graine a germé petit à petit. Puis en 2019, ce fut une évidence. Je venais de passer sept ans à travailler pour de grandes marques comme Dom Pérignon ou Louis XIII. J’ai souhaité devenir entrepreneur, m’investir dans un business à impact. Et retourner en Champagne, qui me plaît tant. À l’époque, j’étais salarié de Louis XIII et le samedi matin, je partais pour voir si je pouvais trouver un domaine à acheter. Je m’étais fixé quatre objectifs: une marque avec une belle histoire, que ce soit une affaire familiale, que les vins me plaisent et que la maison ait commencé la conversion en bio ou en biodynamie. Or il n’y avait que 4% de l’appellation qui était concernée. C’était mission impossible. Puis j’ai connu la maison Telmont, qui cochait toutes les cases. J’ai proposé à la famille Hériard-Dubreuil de la racheter. Je leur ai dit: «Nous allons faire le meilleur champagne sans compromis». Ils m’ont répondu: «Ludovic, vous ne serez pas entrepreneur, mais intrapreneur.» En réalité, ce projet est une incarnation des trois valeurs cardinales portées par la famille Hériard-Dubreuil, Time, terroir, people. C’est leur vérité. Beaucoup de groupes portent des valeurs usurpées, font du greenwashing. Pas eux. La preuve avec Telmont : produire du champagne demande un temps long.

Pourquoi avoir pris votre ancien employeur comme actionnaire?

Il y a une confiance mutuelle, autour d’un projet de temps long. Ils m’ont tout de suite proposé une distribution mondiale. Difficile de dire non. Le groupe est majoritaire et Bertrand a réinvesti pour être actionnaire comme moi, le troisième étant Leonardo DiCaprio. Il a souhaité injecter de l’argent, alors qu’il avait refusé beaucoup de projets. Ce qui l’a séduit, c’est que ce projet a du sens, lui donne une crédibilité, une aura et concrétise ses idéaux. C’est ça qui m’a plu. Ce sont des gens comme lui qui inspirent les changements dans le monde. Chez Telmont, tout est science based target information. Nous réalisons notre bilan carbone tous les deux ans.

Pourquoi pensez-vous que votre message séduit?

Telmont a opéré un changement durable significatif, éliminant les coffrets cadeaux et les bouteilles non recyclables pour réduire l'impact écologique (Telmont Champagne)

Parce que nous parlons de notre projet non pas comme des militants qui font peur, mais de façon fun, marrante. C’est à nous de faire en sorte que les gens nous rejoignent. En ce qui concerne le chiffre d’affaires, nous sommes en croissance à deux chiffres partout dans le monde. Telmont s’envole au Japon. Lorsque nous avons lancé l’opération Stop gift box, tout le monde m’a dit que ça ne marcherait jamais au Japon… Aujourd’hui, Telmont est l’une des ventes les plus fortes de ENOTEKA, l’un des plus grands cavistes nippons. C’est une question d’éducation. Telmont produit du champagne, pas des boîtes-cadeaux. La bouteille est déjà mon packaging. Nous n’avons pas besoin du reste. Pour réduire vraiment l’empreinte de la maison, dont 30 à 35% étaient représentés par le contenant en verre, il nous a fallu nous attaquer au problème de la bouteille. J’ai commencé par arrêter les formats spéciaux et passer toute la production en bouteilles classiques moins énergivores. L’acte 2 a consisté à essayer de réduire le poids de la bouteille à 800 g, tout en gardant la pression. Veralia avait mis au point un spécimen, que nous avons choisi pour la production de 3000 bouteilles en janvier 2022, et elles ne cassent pas plus. La troisième étape sera le verre recyclé à 100%.

Mais le champagne représente une petite production en comparaison…

C’est vrai, le champagne représente 320 millions de bouteilles: l’appellation est limitée. Cela ne change pas la face du monde. C’est une goutte d’eau, mais je suis très optimiste. L’effet d’entraînement est là. Il faut valoriser le tout, faire moins, mais mieux. Mon objectif n’est pas de produire 1 million de bouteilles, mais de doubler ou tripler et de passer au tout bio.

Vous êtes toujours aussi optimiste ?

Aujourd’hui, je passe mon temps à prêcher la bonne parole. C’est un plaisir plus qu’un combat. La nouvelle génération est déjà convaincue. Le génie humain fera le reste.

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