Géopolitique et luxe: malgré les crises, les «centi-millionaires» augmentent

Ces cinq dernières années, plusieurs crises successives (sanitaire, géopolitique, économique) ont passablement bouleversé la planète. Pourtant, le nombre de centi-millionnaires (qui compte une fortune de plusieurs centaines de millions) n’a cessé d’augmenter.

Le cabinet de conseil Henley & Partners vient de publier son dernier rapport analysant le nombre et la distribution géographique des individus «totalisant des actifs liquides supérieurs à 100 millions de dollars» dans le monde. En effet, au cours de la dernière décennie, leur nombre a bondi de 54% et avoisinerait aujourd’hui 29 350 fortunés, répartis de manière très inégale sur la planète. 

Sans surprise, les centi-millionnaires sont surtout présents aux États-Unis et en Chine, devant leurs homologues européens.

La Chine a pu bénéficier d’une ascension spectaculaire de ses ultrariches avec +108% en dix ans, alors que les États-Unis enregistraient une augmentation de + 81%. Quant à l’Europe, sa population de centi-millionaires augmentait à un rythme moins effréné: + 26% en dix ans. Les facteurs qui expliquent cette moindre croissance sont multiples: les analystes citent les problématiques liées au Brexit pour l’Angleterre, et le ralentissement des marchés français et allemand. Il faut reconnaître que certains choix politiques ont particulièrement impacté ce ralentissement.

En Angleterre, le Brexit a été l’une des conséquences, mais il n’est pas le seul problème: le gouvernement guidé par le parti conservateur pendant de nombreuses années a vu la classe moyenne s’appauvrir et les services publiques se dégrader, en créant une instabilité sociale défavorable à la croissance.

La France, quant à elle, est le pays le plus taxé dans le monde, selon les données de l’OCDE. Bien qu’elle reste attrayante pour beaucoup d’investisseurs internationaux, la fiscalité demeure un obstacle pour l’implantation de nouvelles grandes fortunes. Dans d’autres pays européens, ce sont les gouvernements d’extrême droite, apparus au pouvoir à l’instar de l’Italie, qui déclenchent la méfiance des investisseurs.

Un rapport publié par la banque suisse UBS prévoit que d'ici 2028, le Royaume-Uni et les Pays-Bas perdront le plus grand nombre de milliardaires, soit près d'un milliardaire sur six.

Cependant, de petits bassins de richesse florissante persistent en Europe, comme par exemple Monaco, Malte ou encore le Monténégro, une tendance principalement due à leur statut de paradis fiscal. Le nombre de centi-millionaires y a progressé en moyenne de 75% ces dernières années, relevant, de fait, la moyenne européenne. 

Parmi les villes les plus peuplées de centi-millionaires, New York règne en maître avec 744 grandes fortunes, suivie de près par la Bay Area (qui comprend San Francisco et la Silicon Valley) avec 675, et Los Angeles avec 496 résidents dont la fortune dépasse cent millions. Cette population d’ultrariches devrait encore progresser de +50% au cours des prochaines années.

Le rapport précise toutefois que le destin des multimillionnaires américains dépendra largement des résultats des prochaines élections présidentielles. Il faut reconnaître que les différences entre les politiques économiques, sociales, fiscales et monétaires des deux principaux candidats à la Maison-Blanche sont abyssales.

Pour rappel, les États-Unis représentent encore aujourd’hui plus de 30% de la richesse liquide mondiale, soit un montant colossal de 67 000 milliards de dollars.

Kamala Harris, candidate démocrate à l'élection présidentielle, a récemment approuvé les augmentations d'impôts proposées par le président Biden dans son budget pour l'exercice 2025, y compris un impôt sur les plus-values latentes des super-riches. Dès lors, les villes américaines seront-elles encore si attrayantes pour les millionnaires? De même, si Donald Trump remporte les élections, la prévisible chute de confiance des principaux acteurs économiques internationaux envers un président sous le coup de plusieurs procédures judiciaires n’améliorerait pas non plus la situation.

Il est ainsi possible que, dans le prochain rapport Henley & Partners, les équilibres changent à la faveur des grandes villes asiatiques. A ce propos, Pékin se hisse à la cinquième place mondiale avec 347 centi-millionnaires, tandis que la ville-État de Singapour suit de près, à la sixième place, avec 336 résidents ultrariches.