Exubérance et pluie de couleurs sur les podiums haute couture 2024
By Cécilia Pelloux30 janvier 2024
La haute couture fait encore rêver. En témoigne, le nombre de vues sur les réseaux sociaux et l’affluence des people qui ont fait le déplacement, à Paris, en cette fin janvier. Cette année, des collections sublimes, extravagantes, qui doivent impérativement séduire une poignée de clientes toujours plus fortunées.
Aux abords des podiums, les smartphones sont brandis vers les people comme vers les dernières créations haute couture. On a vu arriver la sculpturale J LO chez Schiaparelli, Armani Privé ou Eli Saab; on a noté le retard important de Rihanna chez Dior, parée d’une veste noire à col châle, d’une jupe crayon et d’une casquette de baseball assortie et Kylie Jenner, venue accompagnée de sa fille chez Valentino. Que seraient la mode sans les stars et la haute couture sans sa clientèle chouchoutées par les marques? Lynn Wyatt, 88 ans, ne se déplace plus pour voir les défilés à Paris. L’Américaine, une des plus grandes collectionneuses de haute couture du monde regorge de trésors dans sa garde-robe; elle-même ne sait pas combien de pièces son dressing en compte. Les designers et boutiques viennent rencontrer Lynn dans sa résidence texane pour lui présenter leurs créations. Cette grande dame, témoin d’une époque qui n’existe plus, avoue: «J’entretiens des relations personnelles et chaleureuses avec de nombreux créateurs. Ils sont très amicaux à mon égard.»
La couture fait son show. Mais que serait-elle sans ses petites mains ? Une chose est sûre, les métiers d’art attirent toujours les jeunes. «Aujourd’hui la couture est un gage de savoir-faire complet. Il faut à la fois maîtriser la précision, avoir la faculté d’imaginer un patronage à plat en 3D, ressentir le besoin de perfection, savoir assembler des matières traditionnelles et innovantes sur une même pièce», explique Christine Walter-Bonini, présidente de l’Académie internationale de coupe de Paris (AICP). Celle-là et l’IFM sont les seules écoles en France qui offrent des formations de couture d’un niveau qui rejoint l’excellence. Reconnue par le métier, elle font évoluer leurs propres techniques depuis 1830. Lors du défilé Valentino, le créateur artistique Pierpaolo Piccioli a rendu hommage aux petites mains de ses ateliers en les faisant défiler dans un salon feutré de la place Vendôme, sous un tonnerre d’applaudissements et une standing ovation. Une première, pour un couturier.
Robes magistrales et créations improbables
Chez Schiaparellli, Daniel Roseberry a de nouveau présenté ses créations phares spectaculaires, dans une ode à Hollywood et à son Amérique natale avec de nombreuses références cinématographiques. Le show s’est ouvert avec le générique de Top Gun, une première pour un défilé couture. On retient l’accessoire hot du moment qui a fait le buzz sur la Toile cette saison: après la robe ornée d’une tête de lion que portait Kylie Jenner la saison dernière, c’est un bébé robot géant brodé de milliers de cristaux Swarovski et de puces électroniques argentées et vertes que le mannequin Maggie Maurer portait sur sa hanche. Un hommage à Ellen Ripley, l’héroïne d’Alien, mais aussi à l’esprit d’Elsa Schiapparelli, icône de mode surréaliste. D’ailleurs, 2024 marque les 100 ans du Manifeste du surréalisme d’André Breton. Lundi matin, dans la galerie du Petit Palais, Daniel Roseberry présentait une trentaine de créations sublimes avec des looks d’époques qui s’entrechoquaient. Des vêtements d’apparat militaire, des robes masquant dramatiquement le visage, des tenues noires aux formes étranges, dont une veste en vinyle noir brillant aux manches gonflées portées sur un pantalon bordé de rangées de boucles argentées inspirées des cow-boys, ou encore cette robe bouffante en satin rose, surmontée d’une bande asymétrique en jersey noir.
Chez Dior, Maria Grazia Chiuri travaillait pour la première avec le moiré, connu sous le nom de soie mouillée, réputé pour son aspect ondoyant et reconnu par le passé comme un symbole de souveraineté. La source d’inspiration et point de départ de la collection Dior haute couture 2024 a été cette fameuse robe Cigale de la ligne Profilée créée par Christian Dior à l’automne 1952. Désormais inscrite dans la collection permanente du Costume Institute du Metropolitan Museum of Art, elle est décrite sur le site du musée par Harpers Bazaar comme étant construite en «gris moiré, si lourde que le tissu ressemble à un métal souple». La créatrice s’est lancé le défi de faire en sorte que le matériau singulier et le tombé soient adaptés à la clientèle actuelle. Ainsi, la ligne de dos de la robe Cigale est sculptée dans une robe bustier rouge rubis, et la matière, peu maniable, devient un drapé sensuel sur l’encolure d’une robe d’inspiration trench. Au défilé, on remarquait, en front row, l’équipe du casting de The New Look, la série en dix épisodes d’Apple TV+ qui sortira sur les écrans le 14 février. Une série qui apportera un nouvel éclairage sur la haute couture et son époque. On notait aussi le magnifique bustier en moiré bouton-d’or brodé de 1000 fleurs en ruban teinté, soies et bijoux anciens.
Transparence, couleur et tulles à profusion
Pluie de couleurs chez Armani. Le couturier qui fêtera ses 90 ans l’été prochain a dévoilé 92 silhouettes d’une féminité délicate et étincelante. Des robes qui combinent la transparence, la dentelle, les motifs et les cristaux. Grand favori des stars et des stylistes hollywoodiens pour la saison des oscars, Armani a parsemé de minuscules cristaux la plupart des tissus: des robes de bal à jupe longue, des hauts en dentelle, des vestes cardigans, des pantalons bouffant en soie pétrole, des minaudières sous forme d’éventail. La collection est une «ouverture aux différentes cultures» d’après la note de presse. Une collection telle un «voyage totalement imaginé d’ouest en est». Chez Armani une «femme est celle qui prend quelque chose de chaque endroit qu’elle visite et se l’approprie.»
Pour Alaia, Peter Mulier recevait ses invités dans la boutique de la rue Marignan pour trois défilés très intimistes. On retient la simplicité et la pureté des coupes. Du noir, du blanc, du court, du long. Un manteau à l’imprimé animal recouvrait un body noir rappelant la nouvelle grande tendance qui circule sur les réseaux ces derniers jours #mobwifeaesthetics. L’allure Mob Wife Fashion est celle d’une femme de gangster fatale et glamour.
Chez Chanel, cette saison, Virginie Viard a utilisé une palette de couleurs délicates. Elle associe un justaucorps blanc, une veste enveloppante en tweed rose à un pan de jupe en mousseline de soie noire, ou un baby doll noir transparent sur un pantalon à peine voilé. Un total jeu de transparence. On note d’épais collants blancs et des sandales noires ouvertes à petit talon sur l’ensemble des looks. On retient ses merveilleuses robes de soirée vaporeuses de plumes.
En marge des défilés, les maisons de mode avaient compris l’attrait de cette semaine couture et en profitaient pour présenter des créations. Ainsi Roger Vivier et son créateur Gerardo Felloni ont présenté des sacs couture, nécessitant de 30 à 60 heures de travail par les artisans de la maison. De somptueuses pièces uniques dont le prix oscille entre 25 000 et 95 000 euros.
À ne pas manquer également, l’exposition Sculpting the senses d’Iris Ven Herpen présentée au Musée des Arts décoratifs jusqu’au 28 avril 2024. La créatrice révèle une véritable définition de la haute couture. Elle a sélectionné une centaine de ses pièces haute couture, inventant un dialogue artistique parfaitement scénographié.
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