De Paris à Venise, pour échapper au tourisme de masse, les villes montent les prix

Aujourd’hui, la stratégie adoptée par les destinations touristiques les plus courues ressemble à celle des grandes marques de luxe. Toutes misent sur le pricing power ou la capacité d’une entreprise ou d’une marque à augmenter ses prix, sans que cela affecte la demande pour ses produits. « J’ai récemment appelé l’hôtel Aman à Venise, à proximité du Rialto, confie Thierry, passionné par la cité lacustre; c’est un établissement de luxe, le seul qui dispose d’une chambre dont le plafond a été peint par Tiepolo. Avant le Covid, j’y avais dormi pour une quelques centaines d’euros. Ils demandent aujourd’hui 1600 euros pour la même chambre.» Une augmentation de 300% en trois ans, c’est dix fois plus que ce que les plus grands noms du luxe ont pu afficher récemment (Chanel avait augmenté certains produits de plus de 30% en 2022). Ce n’est pas une erreur, encore moins un accident, mais bien le fruit d’une stratégie globale, celle de Venise. À l’hôtel San Regis, toujours sur le Grand Canal, on confirme cette tendance: les chambres les plus chères de l’établissement, qui dépassent allègrement les 15 000 euros, sont les plus demandées: «Les gens viennent du monde entier à Venise. Nos clients ne comptent pas. Ils sont Américains ou Coréens et veulent la plus belle expérience de la ville.» Et, comme à Paris, la plus belle expérience de la ville, c’est de dormir dans des palaces.

Dans les deux villes qui figurent au palmarès des sites préférés des touristes du monde entier, on ne les compte plus. Douze nouveaux palaces à Paris se sont installés en seulement dix ans, soit plus d’un nouvel établissement par an. À Venise, ce sont les luxueuses rénovations de palais, les ouvertures de restaurants étoilés, le retour des plus grandes marques de luxe et les nouvelles fondations d’art contemporain qui sont légion. «La ville est de plus en plus accueillante pour les marques internationales, souligne Jasmine Spezie, directrice d’une agence de communication à Paris et à Milan. De la Mostra à la Biennale, c’est une stratégie évidente de la Municipalité qui vise à faire revenir les clients avec le pouvoir d’achat le plus élevé.» Au détriment des gros bateaux de croisière, qui, désormais sont priés d’aller accoster ailleurs ou des touristes visiteurs d’un jour, qui doivent désormais payer une taxe de visite s’ils ne peuvent justifier d’une nuitée payée à un hôtelier sur place. Si les listes d’attente sont devenues une habitude pour les clients du luxe, il faut désormais également patienter pour se rendre sur le Machu Picchu, passer une journée à Porquerolles, ou sur l’île de Pâques… en plus d’être très fortunés.