Daniel Arsham: «Le passage du temps est une sensation très curieuse»
Une exposition monographique en marge de la 60e Biennale de Venise, une collaboration avec Hublot (LVMH) qui s’ajoute à celles déjà existantes, l’année 2024 marque l’acmé de la carrière de l’artiste américain, l’un des plus courus du monde.
Au sein de l’église Santa Caterina à Cannaregio, le solo show vénitien de Daniel Arsham était présenté par la galerie internationale Perrotin en ces mots: «Flouter les frontières entre les époques et engendrer un profond sens de dislocation.» Il y montrait son archéologie futuriste, un principe ambitieux qui consistait à imaginer Venise en 3024, et à évoquer des œuvres d’art et des d’icônes contemporaines passées au crible du temps. Se côtoyaient pour ce show des sculptures produites à base de plâtres classiques issus des réserves du Louvre, des peintures monumentales et d’impressionnants bronzes, certaines fois hauts de plus de deux mètres.
Admirée ou critiquée, cette exposition a été l’un des évènements les plus commentés de toute la biennale. Communicant détonnant, le New-Yorkais se moque du qu’en-dira-t-on. Il est obnubilé par l’idée du temps qui s’écoule. Celui-ci et ses ravages sont au cœur de sa réflexion et de son travail :«Pour moi, le passage du temps est une sensation très curieuse, confie l’artiste. Un moment physique peut être très fugace ou durer des heures, mais une émotion, un souvenir, transcende le passage des secondes, des minutes, des heures et des jours […] Quand j’avais 20 ans, j’ai travaillé pour un chorégraphe de danse pendant cinq ans. En regardant les performances, il parvenait à comprimer le temps ou à l’étirer. J’ai alors commencé à réfléchir à la perception des visiteurs pendant une exposition. Il faut organiser un parcours, comme un voyage. C’est ainsi que j’ai travaillé sur la géologie, l’archéologie […] J’ai déjà fait des sculptures de pendules qui rentrent dans des murs. L’idée de la temporalité ou de son absence est intégrée dans de nombreuses œuvres.»
La fulgurance de la carrière d’Arsham et sa persistance, contrairement à ses sculptures représentant des vestiges archéologiques, elle, ne connaît aucune érosion. Un phénomène rare qui s’accentue et s’étend même géographiquement, comme en Asie. «Mes nombreux voyages au Japon pour l’un de mes projets, poursuit Arsham, m’ont inspiré. Le mélange de la culture traditionnelle et des dernières technologies offre une juxtaposition fascinante qui nourrit mon exploration des thèmes du passé et du futur.»
Une démarche d’art-fiction
Quand j’avais 20 ans, j’ai travaillé pour un chorégraphe de danse pendant cinq ans. En regardant les performances, il parvenait à comprimer le temps ou à l’étirer. J’ai alors commencé à réfléchir à la perception des visiteurs pendant une exposition.
Daniel Arsham, artiste contemporain américain
Aujourd’hui, il est l’un des artistes les plus courus et les plus chers, exposant dans le monde entier, de Paris à Shanghai ou Tokyo. Il collabore avec Porsche, Kim Jones (Dior), ou encore la Pokemon company et est représenté notamment par Emmanuel Perrotin. Sa façon d’aborder des objets et des symboles familiers, de les éroder pour leur donner un nouveau sens, fascine. Il crée des reliques du futur en imaginant, comme dans une démarche originale d’art-fiction, le devenir des choses qui comptent pour l’époque et nous environnent. La sculpture, la peinture, le film, les installations de Daniel Arsham sont généralement assez imposantes. Dans quel état seront les objets iconiques de notre époque lorsqu’ils seront érodés et que des générations futures découvriront enfouie une Porsche 911, un appareil photo ou un Pokemon? Ses séries, connecting time ou ses projets à Hong Kong pour Hourglass ont été autant de tentatives de dresser des ponts entre les générations et d’entamer un dialogue sur les vestiges et l’effet du temps. L’artiste américain protéiforme s’est fait connaître du grand public au tournant des années 2010, avec l’avènement de la drop culture, lorsqu’il a mis en vente ses multiples en direct à prix fixe sur e-Bay. En quelques minutes, plusieurs centaines d’exemplaires de ses sculptures se sont évaporées à travers le monde, provoquant même un blocage du célèbre site.
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