Constantin Prozorov, ses œuvres surréalistes magnétisent le luxe
Artiste digital adoubé par le luxe, Constantin Prozorov signe quelques-unes des œuvres artistiques les plus vues sur la Toile. Après sa technique de collage animé, il vise désormais l’expression cinématographique. Une entrée en matière réussie, puisqu’il vient de signer avec la puissante agence américaine The Wall Group (William Morris Endeavor). Rencontre avec un artiste surréaliste à l’ambition bien réelle.
Le monde est noyé sous les images, mon but n’est pas d’en rajouter, mais d’en recycler certaines, pour y apporter un nouveau regard. Le collage m’a paru le moyen le plus évident
Constantin Prozorov, artiste
Un serpent géant qui traverse une plaine enchantée, un tigre ailé, une malle qui vole… les œuvres digitales de Constantin Prozorov sont étranges, surréalistes, assurément magnétiques. Son ascension peut sembler soudaine, à la lumière de ses derniers succès créatifs, vus et republiés des millions de fois sur les réseaux sociaux. Mais à ses yeux, le chemin a été long, sinueux, complexe. Comme pour ceux dont les passions doivent trouver le moyen d’exister, il a cherché longtemps comment exprimer les siennes.
Aujourd’hui adoubé par les plus grandes marques de luxe, il poursuit ses ambitions, avec cette étonnante assurance de ceux qui ont la conscience d’un destin à porter. Son médium, le collage, choisi pour sa simplicité et son immédiateté, n’a pourtant rien de trivial. Chaque œuvre nécessite près de deux mois de travail, et des centaines de couches d’images superposées. D’abord exécuté en 2D, à ses débuts, pour le compte de certaines marques, son travail passe à la troisième dimension, et est retravaillé grâce à de puissants softwares utilisés pour le cinéma en 3D. De cette évolution vers le collage animé, Constantin en fera sa marque de fabrique. Ses œuvres gagnent en maîtrise et deviennent virales. Son imaginaire peuplé de personnages étranges, et de symboliques glanées au fil de ses rencontres professionnelles, est clairement inspiré du mouvement surréaliste. «Je suis passionné par ce mouvement, confie Constantin Prozorov à Luxury Tribune, car la liberté y est totale. J’admire Dalí, Magritte, mais aussi l’univers artistique du réalisateur Wes Anderson. À mes yeux, pour exprimer au mieux ce que l’on veut, il faut à la fois l’ordre et le chaos.»
Pourtant, il dit avoir mis du temps à parvenir à une forme plus créative de son travail, après ses études de mode et de design à la Deutsche Master Schule für Mode de Munich. D’abord assistant du créateur Gustavo Lins, puis correspondant pour Condé Nast, il fréquente les milieux de la presse et de la mode à Paris, puis à Berlin, dont il se nourrit, par lequel il forge son imaginaire. «Il y avait tant de photos, de lookbooks sous-exploités à mes yeux que j’ai imaginé les retravailler comme un terreau potentiellement fertile. Le monde est noyé sous les images, mon but n’est pas d’en rajouter, mais d’en recycler certaines, pour y apporter un nouveau regard. Le collage m’a paru le moyen le plus évident.» Né à Almaty au Kazakhstan, d’un père russe et d’une mère allemande, il dit avoir vécu son enfance dans un univers culturel riche et métissé qui lui a permis de se forger cette curiosité du monde. Ses collages sont un moyen d’exprimer ses sensibilités.
Je suis totalement libre de mes créations. Je n’accepte pas de commande de marques. Je choisis avec qui je veux travailler, en fonction des valeurs et inspirations
Constantin Prozorov, artiste
«Tout a vraiment commencé lorsque j’ai reçu une première offre de la part du designer de la marque allemande Wunderkind. Je suis parti pour Berlin. Wolfgang Joop, son fondateur, a été comme un mentor pour moi, j’ai beaucoup appris de lui. C’est à la suite de cette expérience que j’ai vraiment décidé d’être un artiste. Puis, tout s’est accéléré en Italie, la nation qui a très vite repéré mon travail. Plusieurs travaux pour des marques se sont enchaînés, ensuite Gucci m’a contacté, suivi de Moncler. C’était l’époque où Remo Ruffini (ndlr CEO et président de Moncler S.p.A) voulait insuffler un nouveau style et redynamiser la marque. Ils m’ont donc approché, le collage animé leur a plu, mon travail artistique a connu un succès retentissant. L’impact a été si grand que les animaux fantastiques que j’ai créés pour eux sont encore visibles aujourd’hui.»
L’Église, la royauté, puis la bourgeoisie ont été les plus grands mécènes. Ils commandaient et exprimaient clairement leurs ambitions à travers l’art. Aujourd’hui, les grands groupes ont pris le relais
Constantin Prozorov, artiste
Pour certains, son travail serait réduit à des collaborations commerciales. Constantin Prozorov réfute cette idée. «Je collabore étroitement avec les marques de luxe, mais je ne considère pas mon travail comme de la publicité, ce sont des relations artistiques. Bien sûr, je suis rémunéré, mais je suis totalement libre de mes créations. Je n’accepte pas de commande de marques. Je choisis avec qui je veux travailler, en fonction des valeurs et inspirations. Je refuse l’idée qu’un artiste doive souffrir pour exister et éventuellement devenir célèbre après sa mort. Ce discours a toujours existé. Par le passé, les plus grands artistes recevaient des commandes de la part des puissants de ce monde. L’Église, la royauté, puis la bourgeoisie ont été les plus grands mécènes. Ils commandaient et exprimaient clairement leurs ambitions à travers l’art. Aujourd’hui, les grands groupes ont pris le relais, mais ce sont les mêmes codes. L’artiste reste libre de créer.»
Ses œuvres entre réalité et fiction interpellent par l’étrange. La jeune génération adore et le luxe en redemande. Sa création pour le bicentenaire de la naissance du fondateur de Louis Vuitton est un succès qui s’est compté en millions de vues sur les réseaux. Une aubaine pour le secteur en recherche constante de désirabilité. Mais déjà, Constantin Prozorov se tourne vers d’autres secteurs, animé avant tout par un avide besoin d’inspiration.
Le cinéma est un immense terrain de jeu, un monde où je n’aurai à faire aucun compromis
Constantin Prozorov, artiste
La pharmaceutique, l’automobile, les industries se l’arrachent; pourtant, c’est à présent le monde du cinéma que Constantin veut toucher. Déjà représenté par une grande agence artistique en Europe, il vient de signer aux États-Unis avec la très puissante agence de talents The Wall Group (William Morris Endeavor). Son ambition semble inarrêtable. «Construire mon monde a été difficile, raconte Constantin, il a fallu travailler dur, jour et nuit, pendant des années. Le parcours, l’argent, rien n’était simple. Maintenant, tout est enfin un peu plus fluide. L’industrie du luxe a aidé à m’émanciper. L’image sera toujours mon moyen d’expression, même si le collage sera de moins en moins mon médium. Mon désir est d’être réalisateur de films, c’est aujourd’hui mon rêve. L’impact, l’audience y est bien plus puissante. C’est ce qui m’anime. Provoquer l’interrogation chez les gens. Et rester libre. Je ne veux pas être catégorisé, mis dans une case. Le cinéma est un immense terrain de jeu, un monde où je n’aurai à faire aucun compromis. Les films, la musique et l’art sont un moyen d’échapper à la réalité, de trouver des espaces d’apaisement aux difficultés du monde. Même si ce n’est que pour quelques secondes, j’aime l’idée d’offrir aux gens l’impression d’oublier ce qui les affecte.»
Assurément, Constantin Prozorov s’est déjà forgé un nom et une œuvre qu’il veut préserver de l’oubli.
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By Eva Morletto
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