Antoine Pin :«En 2024, Swiss Genius met à l’honneur le Swissness, une valeur fondamentale dans l’optimisation de la quête d’excellence»
La troisième édition du Prix Swiss Genius prend de l’ampleur en 2024, en déclinant son programme sur deux ans, pour davantage de coaching et de suivi des étudiants participant au concours. Cette année, la dimension du Swissness est au cœur de la réflexion.
La dimension du Swissness est-elle une plus-value dans la genèse d’une innovation? C’est la question centrale que les étudiants des universités et hautes écoles suisses sélectionnées pour participer à la troisième édition du Bulgari Swiss Genius devront se poser. Initié par Bulgari, le média en ligne Luxury Tribune et le Swiss Center for Luxury Research, ce prix qui se focalise sur l’innovation en matière de responsabilité sociale des entreprises. Il est ouvert cette année aux universités et hautes écoles de: HEC Lausanne (UNIL), HEC St-Gallen (SG), EPFL (E4S), ÉCAL, ZHAW, Università della Svizzera italiana (USI), Uni Neuchâtel (UniNE) et Glion Hotel Management School.
Il permet aux étudiants de participer au concours, sous la forme de volontariat, en proposant un projet en ligne avec la thématique de l’édition 2024-2025: «Le Swissness, une valeur ajoutée pour les marques de luxe en matière de solutions innovantes et durables?» À partir du 6 mars 2024, la troisième édition du Swiss Genius proposera du coaching et des tables rondes qui viendront nourrir les projets des étudiants. Deux tours de sélections seront organisés, avant la finale, le 3 juillet 2025.
Antoine Pin, directeur de la division horlogerie de Bulgari expose pourquoi le Swissness est aujourd’hui central et comment la marque italienne, en mains du groupe de luxe français LVMH a su très tôt capitaliser sur cette valeur constitutive de l’innovation en Suisse.
Est-ce difficile pour une marque italienne appartenant à un groupe de luxe français de mettre en valeur le Swissness ou le Swiss Made?
C’est à la fois simple et complexe. Simple, car ce sont les mêmes valeurs d’authenticité et de respect des savoir-faire que l’on partage, entre l’Italie, la France et la Suisse. La famille Bulgari a naturellement choisi la Suisse pour développer ses activités horlogères, dès le début des années 70, alors que la marque n’était pas encore en mains de LVMH. La notion d’histoire, de durée et de respect des terroirs et savoirs dans les zones géographiques dédiées est un principe de LVMH, pour beaucoup d’activités du groupe. Parler de Swissness et de Swiss Made pour Bulgari s’insère dans cette logique.
La complexité vient-elle alors de cette multiculturalité?
C’est précisément la particularité de Bulgari. De manière générale, et sur un plan globalement sociétal, vous pouvez tirer le meilleur comme le pire du mélange des cultures. Soit, vous voyez chez l’autre une source d’enrichissement, soit une menace. L’exercice chez Bulgari est d’en voir le meilleur: la réunion des richesses des savoirs et de l’écoute. Mais il faut l’apprendre, l’exercer et l’insuffler aux équipes.
Comment différenciez-vous le Swissness et le Swiss Made?
Le Swiss Made est un terme légal, une norme technique. Le Swissness est une mentalité et c’est elle qui doit gouverner. C’est une notion difficile à définir, mais pouvant signifier un consensus, un partage de valeurs, enfin, une vision commune. Dans ce concept, il y a une notion de rigueur et de responsabilité très importante, une volonté de trouver la meilleure solution. Car conjuguée à cette quête de l’excellence française portée par LVMH, son optimisation est primordiale. Le Swissness peut y répondre, c’est-à-dire savoir concilier une hypercréativité – et sur ce point, nous sommes une des rares maisons horlogères à avoir un studio de création intégré dirigé par Fabrizio Buonamassa – et l’innovation technologique. C’est une façon d’exprimer l’excellence. Le Swissness y contribue par le «savoir travailler ensemble». Le Swiss Made est pour moi un remarquable outil marketing qui s’ignore, qui confère une valeur réputationnelle. C’est un énorme facteur d’achat, reconnu comme une marque de fierté, puis devenu un élément distinctif. La Suisse abrite les meilleurs horlogers et laboratoires techniques, et ce creuset d’excellence attire de nombreux étrangers. Cependant, à mon avis, cette attractivité est nourrie par le Swissness qui est plus fort que le Swiss Made.
On sait qu’au moins 60% de la valeur du produit doit être labélisé Swiss Made, mais combien le Swiss Made contribue-t-il à la valeur perçue de la montre?
C’est très difficile à évaluer, puisque c’est intangible! Un certain nombre de marques de montres non suisses tiennent aujourd’hui le haut du pavé, à l’image de Lange & Söhne, Glasshütte, Graham, Bremont, ce qui signifie que le Swiss Made n’est pas impératif pour réussir dans l’horlogerie de luxe.
Mais, a contrario, il est évident que le Swiss Made garantit la concentration et le maintien de l’excellence horlogère en Suisse. De ce fait, cette norme est un facteur énorme de création de valeur.
Quelle est la plus-value du Swissness en matière de durabilité et d’éthique par exemple?
Le Swissness s’insère parfaitement et a du sens dans ces deux problématiques, car il est synonyme de recherche de la meilleure solution possible, sans tomber dans le consensus mou. C’est nécessairement la recherche du plus grand dénominateur commun, en repoussant les limites vers le haut, et en aucun cas un nivellement par le bas.
Que souhaitez-vous enclencher par le biais de cette troisième édition du Swiss Genius?
La beauté d’être jeune étudiant, c’est d’être absolutiste ou d’avoir l’envie de révolutionner le système. Le problème est d’arriver à partager la complexité de la transformation dans la vision globale. La transition écologique coûte très cher. La durabilité à tout prix est possible, mais, dans le cadre horloger, au détriment de produits d’entrée de gamme. Est-ce l’idée de devenir si élitiste? C’est là qu’il est intéressant d’écouter les représentants de ces nouvelles générations et leurs solutions qui intègrent cette problématique. On doit évidemment comprendre leurs attentes et leurs idéaux, car c’est eux, le futur de la planète. Mais on doit aussi leur exposer les challenges du présent et sur lesquels travailler avec eux à une solution de transition qui conjugue ces deux visions. C’est ce que j’aime avec le Swissness: faire d’une contrainte une opportunité, chacun dans son rôle, des industriels aux marques, en passant par la jeune génération. Le prix Swiss Genius peut apprendre à rapprocher les perspectives. Faire rentrer les jeunes générations dans la réalité des sujets, plutôt que de les maintenir à l’état d’injonction ou de «wishful thinking» sans entrer dans le cœur des sujets. Swiss Genius est un moteur qui permet de sortir de la théorie et d’entrer dans le parler-vrai.
Comment faire évoluer le Swiss Made et le Swissness?
Une de nos contraintes principales est l’absence de main-d’œuvre, car beaucoup d’écoles ont fermé. Par le passé, l’horlogerie vivait un peu repliée sur elle-même, l’innovation suivait uniquement les codes horlogers. Depuis lors, par le biais de l’arrivée d’autres industries, le carcan a volé en éclats. La micromécanique est une technologie qui consomme très peu d’énergie et qui s’adapte à bien des domaines, du médical à l’aéronautique. Il faudrait inventer des écoles qui ouvrent à ces industries. Il faut que les étudiants aient accès à ces univers. La Suisse a sa place dans cette expertise. La Suisse est un produit de luxe et un miracle économique qui sait garder un rapport concret avec la productivité. C’est une richesse qu’il faut continuer à développer.
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