270 ans de Vacheron Constantin: un anniversaire à l’allure de tournant
La plus ancienne manufacture horlogère célèbre ses 270 ans, en 2025. Ce 13 janvier, elle lance les festivités avec la révélation du modèle iconique Historiques 222 en acier. D’autres nouveautés et records suivront. Sandrine Donguy, directrice produit et innovation de Vacheron Constantin et Christian Selmoni, directeur du style et du patrimoine s’expriment dans une interview croisée sur le tournant que cet anniversaire représente.
Alors que janvier est à peine entamé, Vacheron Constantin attendait ce moment depuis des années. Ce 13 janvier, la maison inaugure le lancement de la collection Historiques 222 en acier. Un modèle très attendu depuis sa renaissance, en 2022, dans une première version en or jaune. Un succès qui dépassera les attentes et les prédictions internes à la marque et qui provoquera quelques frustrations du côté des collectionneurs, très amateurs de raretés. Aujourd’hui, sa déclinaison en acier vient, partiellement, les combler. La production restera «contrôlée», selon Sandrine Donguy et Christian Selmoni qui, pour la première fois, s’expriment ensemble sur ce modèle dans une interview croisée. Le début d’une longue série d’innovations annoncées, venant jalonner cette année anniversaire. Des nouveautés qui seront portées par Laurent Perves, jeune et charismatique nouveau CEO de Vacheron Constantin depuis le 1er janvier. Une nomination qui illustre le rajeunissement désiré par Johann Rupert, patron de Richemont, à la tête de ses marques, et pour Vacheron Constantin, le souffle énergique qui devrait confirmer sa récente ascension vers le club fermé des marques dépassant le milliard de francs de chiffre d’affaires.
Deux cent septante ans d’histoire sont un héritage conséquent. Que représente-t-il au regard du monde actuel façonné par la globalisation et l’intelligence artificielle?
Sandrine Donguy. Cet héritage est une base très solide et large qui représente un terrain de jeu exceptionnel pour puiser de l’inspiration et rééditer des collections sous un angle plus contemporain. Le patrimoine est toujours notre point de départ lorsque la nouveauté est initiée; cette démarche crée de la valeur, car elle est reliée à l’authenticité, à l’identité et à la durabilité de la maison, puisque c’est la seule manufacture dont la production est ininterrompue depuis 1755.
Y a-t-il une notion de responsabilité face à l’histoire?
Christian Selmoni. C’est une responsabilité induite, bien sûr. Notre séniorité est intimement liée à l’histoire de l’horlogerie. La notion d’authenticité que décrit Sandrine est fondamentale. C’est la capacité de la maison à avoir su maintenir, développer et innover dans la tradition, car comme vous le mentionnez, la digitalisation amène une accélération phénoménale du temps et à un sentiment de raréfaction du temps que l’on a pour soi. Je m’interroge très souvent sur ce qui fait le succès de la haute horlogerie et de Vacheron Constantin. La montre est le dernier objet mécanique auquel on fait référence au quotidien. Il nous ramène à un monde analogique, que l’on a partiellement quitté. Un aspect rassurant lui est rattaché, celui de l’artisanat, une appréciation du travail humain dans son expression la plus noble.
SD. Oui, je rajouterais, concernant cette notion de responsabilité induite, que Vacheron Constantin est le gardien de cette bonne facture, de l’excellence dans la maîtrise du geste. S’en dégage un sentiment de confiance que nos clients apprécient.
CS. Nos valeurs sont héritées du passé, mais 270 ans d’histoire ne sont pas un exploit en soi. Cet héritage doit être ancré dans le XXIe siècle et intégrer la modernité. Nos montres sont dans l’air du temps.
Qu’est-ce que cet héritage – cette longue histoire – représente à votre échelle personnelle?
SD. Après les trois grandes innovations de 2024, dont la montre Les Cabinotiers - The Berkley Grand Complication -, proposer des innovations encore plus extraordinaires pour les 270 ans a été un vrai défi personnel. Il y aura, vous le verrez, tout au long de l’année, des propositions très modernes dans des catégories très différentes.
CS. Ce qui me fascine, c’est la capacité de Vacheron Constantin à avoir toujours su saisir le moment présent, à chaque époque: la création de l’American 1921, dans les années folles; des montres féminines complètement délirantes à la fin de la Deuxième Guerre mondiale; la création de la montre asymétrique totalement androgyne en 1972. Mon attente réside personnellement dans cette continuité, à savoir encapsuler nos valeurs dans des créations ancrées en 2025.
Justement, quels sont ces codes estampillés «air du temps 2025», qui seront considérés comme emblématiques dans vingt ou trente ans?
SD. Ce seront forcément les records, en termes d’innovation, et la transformation industrielle de la maison.
CS. Dans trente ans, ce que l’on remarquera avant tout, c’est à quel point les avancées technologiques actuelles qui ont trait au design et à la conception d’une montre – et ici je fais référence à la 3D et à la simulation – auront permis d’ouvrir de nouvelles voies, dans des fonctions ou des systèmes. C’est la sublimation de l’art horloger Vacheron Constantin, grâce aux technologies contemporaines, au service de l’intelligence de la main.
Quels sont les trois événements marquants de l’histoire de la marque que chacun de vous retient importants et pourquoi?
SD. Mes trois dates sont la création de la maison en 1755 avec cette ambition d’un jeune apprenti de 24 ans qui fondait sa société, puis la rencontre avec François Constantin qui a apporté des aspects plus commerciaux et le développement sur le plan international et finalement, en 1880, l’utilisation de la Croix de Malte comme symbole graphique de la maison, mais également technique sur le barillet qui vise à augmenter la précision.
CS. Les étapes clés sont à mes yeux la venue de Georges-Auguste Leschot en 1839, qui amena à la maison une standardisation grâce au principe du pantographe. Puis, au début du XXe siècle, l’effacement de la montre de poche au profit de la montre-bracelet. Cette dernière offre, dès lors, un terrain de jeu créatif qui voit naître – jusqu’en 1940 – toutes les formes de montres que l’on connaît. Vacheron Constantin a joué un rôle important dans cette création audacieuse. Puis bien sûr, ce moment charnière de l’horlogerie des années 80-90, avec la renaissance de la montre mécanique dans une nouvelle façon d’être appréciée, à savoir le bel objet design qui contient du savoir-faire, plus que la fonction de donner l’heure. Ce fut une vraie révolution. En 2007, Métiers d’Art les Masques a été un grand tournant pour la maison. Ce fut un projet audacieux et porteur pour le futur de ce savoir-faire.
Quels étaient les ingrédients constitutifs de la marque qui lui ont permis de perdurer, de passer les crises? Et aujourd’hui?
CS. Son attachement au métier d’horloger traditionnel et sa volonté de conserver le plus haut niveau de qualité.
SD. C’est aussi la continuité d’un style intemporel, élégant, raffiné, qui permet de reconnaître une Vacheron Constantin.
À l’époque, concours de chronométries, expositions universelles, commandes spéciales stimulaient le milieu horloger. Aujourd’hui, faut-il des événements comme le 270e pour donner un vrai coup d’accélérateur à l’innovation?
SD. Effectivement, le rôle de ces institutions vouées à la maîtrise de la précision et de la qualité s’est reporté vers le client. Aujourd’hui, c’est lui qui attend cela de nous, qui nous pousse à innover. Finalement, cela a toujours été notre souhait. En 1889, Vacheron Constantin a créé la première montre-bracelet métal pour femme avec des sculptures de déesses sur le côté, une montre miniature qui se remontait par une lunette tournante. Cette montre s’adaptait au nouveau mode de vie de la femme. Puis, la création de la pièce - Les Cabinotiers Référence 57260 -, qui était la montre de poche la plus complexe jamais réalisée. Enfin, l’arrivée de la Traditionnelle Twin Beat, en 2019, qui permet au client d’adapter son porter.
CS. Cette question est très intéressante, car la chronométrie révèle la manière dont était organisée l’industrie horlogère de la fin du XIXe jusqu’aux années 70. Les concours d’observatoire ont disparu avec le quartz, mais cela reste une vraie valeur pour le client. Le terrain de jeu de l’exploit horloger existe plus que jamais, dont l’ultraplat, qui amène une émulation phénoménale. C’est une industrie très alerte. Les anniversaires sont une opportunité d’avoir un marqueur temporel pour innover. Vacheron Constantin a réellement commencé à l’activer dès le 250e anniversaire. Alors, les moyens techniques ont pu être mobilisés pour permettre de créer de nouveaux records.
Le modèle Historiques 222 prendra une place particulière cette année. Que pouvez-vous en dire?
CS. Le modèle Historiques 222 fut la première collection de montres sport-élégante de Vacheron Constantin, créée dans les années 70, dans la foulée des montres aciers avec bracelet intégré. Elle a disparu ensuite en 1985. Son histoire plus courte que celles de nos concurrents directs a eu pour conséquence des quantités produites beaucoup plus faibles. Nous avons sciemment attendu 2022 pour la relancer, en or jaune (en hommage à la version originelle la plus exclusive, avec 150 exemplaires produits dans les années 70), et pour jouer avec ces chiffres clés.
SD. La Historiques 222 est aujourd’hui une montre iconique signature, mais à l’intérieur tout est différent pour s’adapter aux exigences de 2025: un nouveau calibre, un fonds en saphir, une meilleure intégration du bracelet, un fermoir en trois positions. Une somme de détails qui font la différence. Aujourd’hui, nous la lançons en acier.
CS. Il était difficile pour nous en 2022 de quantifier son succès. Il fut colossal. Si nous l’avions créée en acier, nous n’aurions pas pu offrir les quantités désirées.
Aujourd’hui, vos ressources industrielles sont donc suffisantes pour faire face à la demande?
CS. La collection Historiques a toujours eu une production contrôlée. Vacheron Constantin s’exprime de multiples façons. L’équilibre est fondamental. Le segment sport élégant ne doit pas cannibaliser nos autres montres classiques.
Comment souhaitez-vous que les 270 ans résonnent auprès des 18-25 ans?
CS. La tendance de fond du vintage est un argument fort pour cette génération, car il évoque une époque d’optimisme et de glamour. L’humain cherche à se raccrocher aux périodes fastes et c’est ce qui crée cet engouement. La pièce Historiques 222 parle de Vacheron Constantin au travers du prisme du vintage. Cet anniversaire est surtout l’occasion de consolider nos relations avec nos clients de tout âge.
Qu’est-ce que la nomination du nouveau CEO Laurent Perves, représentant d’une plus jeune génération, peut-elle apporter comme élan à cet anniversaire?
SD. Les décideurs au fil des 270 ans ont toujours réussi à amener du drive à la Maison. Laurent Perves, qui bénéficie de plus de 20 ans d'expérience dans l'industrie, a joué un rôle important dans le positionnement de Vacheron Constantin sur ces 8 dernières années et s’inscrit dans la continuité.
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