Victor Vescovo: «Explorer les abysses est essentiel pour adapter nos modèles climatiques»
Détenteur du «Grand Chelem des explorateurs», Victor Vescovo est le seul aventurier à avoir gravi les plus hauts sommets du monde et plongé dans les abysses des océans, jusqu’à la plus secrète fosse des Mariannes. Témoin de découvertes rares, comme des dangers de la pollution dans ces zones reculées, il raconte, à l’occasion d’une table ronde digitale organisée par son partenaire OMEGA, les progrès technologiques encore à faire pour continuer l’exploration.
Victor Vescovo, ancien officier et commandant de la marine américaine, richissime homme d’affaires spécialisé dans le private equity, est l’un des rares hommes à avoir goûté à l’ivresse des sommets comme à celle des mers. Celui que l’on surnomme «Elon Musk des abysses» est avant tout l’explorateur de tous les extrêmes.
Déjà détenteur du «Grand Chelem des explorateurs» en 2017, pour avoir gravi le plus haut sommet de chaque continent (les «sept sommets »), y compris l’Everest, puis après avoir parcouru à ski au moins 100 kilomètres jusqu’au pôle Nord et au pôle Sud, il se devait de réussir le défi suprême: plonger au plus profond des océans. Un exploit baptisé Five Deeps qu’il réussit en 2019. Cette entreprise inédite visait à explorer le point le plus profond répertorié dans chacun des cinq océans de la planète. Mais cette expédition ne devait servir uniquement de record pour le Guinness Book. Victor Vescovo en a fait une véritable aventure technologique. En collaboration avec Triton Submarines, il a passé plus de quatre ans à développer un sous-marin capable de tenir les pressions jusqu’à mille fois celles de la surface terrestre. Appelé Limiting Factor, le sous-marin a permis à Victor Vescovo et à son équipage d’atteindre les fosses les plus profondes du globe: celle de Puerto Rico, à 8,376 m (océan Atlantique), de South Sandwich à 7,434 m (océan Austral), de Java à 7192 m (océan Indien), de la mythique Challenger Deep – la fosse des Mariannes à 10 934 m (océan Pacifique) et de Molloy à 5552 m (océan Arctique).
Au cours de ses nombreuses plongées, il a été témoin de dizaines de découvertes d’espèces jusqu’alors inconnues de la science. Du poisson vertébré le plus profond de l’histoire, répertorié dans la faille de Izu-Ogasawara (au Japon) à 8300 mètres, à la méduse la plus abyssale immortalisée à 10 063 mètres (une Trachymedusa), et même jusqu’à la découverte d’une épave à près de 7 km de profondeur, l’USS Samuel B Roberts dans les profondeurs de l’océan Pacifique, les aventures de Victor Vescovo sont sans limites.
Lors d’une conférence digitale donnée par OMEGA à l’occasion de la célébration de nouveaux modèles Seamaster Summer Blue, il confiait en juillet dernier à quelques membres de la presse ce qui le passionne et le pousse encore à dépasser les limites du possible. Alors qu’il autofinance toutes ses expéditions et les innovations technologiques qui les accompagnent, Victor Vescovo a tenu à souligner l’excellent rapport qu’il entretient avec son seul sponsor – OMEGA– dont il voit le modèle Seamaster Planet Ocean Ultra Deep Professional, développé expressément par la marque horlogère pour ces abysses, comme un instrument incontournable et vital à chaque plongée en cas de signalement de vie à bord. Direct, sans langue de bois, Victor Vescovo livre quelques instants de ce qu’un explorateur des abysses ressent, au plus profond.
Qu’est-ce qui vous incite à continuer à explorer les profondeurs abyssales, après tous ces records?
Il se trouve que 71% de la surface du globe est composée d’océans, dont 75% n’ont pas encore été cartographiés. De ceux qui le sont, seulement 5% ont vraiment été explorés. Cela veut dire que 50% de la surface du globe reste inconnue. Certains pourraient arguer que cela n’est pas très utile, mais je peux vous assurer qu’aucune partie de ces océans ne se ressemble. J’ai personnellement plongé dans 17 failles et fosses profondes et tous ces sites comportent des caractéristiques uniques, avec des évolutions et faunes spécifiques en leur cœur. Les océans exercent une influence cruciale sur le système de la planète Terre, sur la capacité à capter le carbone. Nous ne savons simplement pas ce qu’il se passe au fond des océans, car très peu d’instruments de mesure sont profilés pour résister si bas. Nous pensons que la plupart des modèles climatiques ne seront pas parfaits tant qu’ils n’intègreront pas les données des océans dans leur intégralité. Il faut pouvoir aller les collecter. Un chiffre vous l’explique: la plupart des océans vont jusqu’à 6000 mètres. Sachant qu’ils recouvrent 70% du globe, le point du lieu moyen sur terre se situe à 4000 mètres de profondeur. C’est mathématique. C’est là que se trouvent les conditions normales de la Terre et nous n’en connaissons pratiquement rien. C’est pour ces raisons que je suis et reste enthousiaste à l’idée d’explorer les fonds océaniques, que nous développions non seulement des sous-marins, mais des instruments qui puissent se poser au fond des mers et en analyser les écosystèmes, afin de rendre ces instruments accessibles, plus sûrs pour d’autres qui souhaiteraient continuer les explorations. C’est ce qui me motive.
Racontez-nous quel genre de créatures incroyables vous avez pu observer à de telles profondeurs?
À chaque plongée, nous découvrons de nouvelles espèces. Ce n’est pas étonnant, car personne n’a jamais visité ces profondeurs autant de fois que nous l’avons fait, dans des lieux qui ont été isolés de tout depuis des millions d’années. Il est également malheureux de constater que même à ces profondeurs extrêmes, nous trouvons des preuves de la pollution sous forme de microplastiques, partout où nous évoluons. Cela fait partie de mon intérêt pour ces missions. Il faut témoigner et rappeler que nous ne pouvons plus tolérer de voir ces plastiques finir leur course dans l’océan, car quand ils y arrivent, ils y restent!
Quant aux créatures, la plus incroyable espèce rencontrée est apparue dans la fosse de Java. Un de nos landers cientifiques était posé au fond, filmant simplement les profondeurs. Soudainement, une créature est apparue, se dirigeant droit vers la caméra. C’était totalement bizarre, car il semblait inspecter l’appareil. Peut-être était-il attiré par la lumière qu’il n’avait probablement jamais vue? Puis il s’est tourné sur son profil. Cette espèce avait une grosse tête en forme de bulle, comme une méduse, mais avec l’aspect d’une tête de chien, et il traînait une longue ligne au bout de laquelle il semblait y avoir un petit sac, avec à l’intérieur comme quelque chose d’autre… nous regardions cela devant nos écrans. Nous étions incrédules et fascinés. Nous n’avions jamais vu un alien de la sorte. Et encore une fois, explorer à ces profondeurs, c’est comme explorer l’inconnu dans l’espace. Ce que nous avons trouvé là-bas est certainement plus proche de ce que nous pourrions trouver sur d’autres planètes. D’ailleurs, aujourd’hui, certains vont commencer la prospection d’océans de glace sur d’autres lunes que celle que nous connaissons, comme celle de Jupiter ou de Saturne. Des forages vont débuter, car nous pensons que les conditions y sont propices à la vie. Je pense que nous pourrions trouver la première preuve réelle de vie en dehors de la terre dans ces océans glacés éloignés.
Comment s’est passée votre rencontre avec OMEGA?
Je n’ai pas entrepris ma collaboration avec OMEGA pour financer mes expéditions, car elles sont toujours autofinancées, afin de garder le contrôle et pousser l’innovation à la vitesse et avec les objectifs qui me sont propres, et de manière sure. C’est bien ce point qui m’a incité à entrer en contact avec la marque. Car une des requêtes de sécurité des standards DNV (l’expert indépendant en assurance et gestion des risques) est d’avoir une montre analogique à bord d’un sous-marin de grande profondeur. Deux raisons à cela: pour mesurer la profondeur, mais aussi en cas d’urgence. Il est absolument crucial de faire du bruit, de manière précise, à de stricts intervalles – c’est une indication que des humains sont vivants dans un sous-marin en détresse. Alors quand j’ai commencé à préparer mes cinq expéditions sous-marines, j’avais besoin d’une montre précise. J’ai été dans une boutique OMEGA à Dallas et j’ai acheté une Seamaster. J’ai donc plongé au plus profond de l’océan avec elle. J’ai pris contact avec OMEGA, et j’ai pu rencontrer l’équipe. Et très vite, OMEGA a voulu développer avec moi un modèle qui pouvait aller vraiment au plus profond, à 11 000 mètres. La Seamaster Planet Ocean Ultra Deep Professional est née, et a même été testée plusieurs fois à 15 000 mètres! Lors de la plongée d’un lander, qui accompagne le sous-marin, une des trois montres était attachée au bras de l’appareil. Il s’est avéré que cet instrument est resté coincé au fond, pendant deux jours, avant que l’on puisse aller le rechercher avec le sous-marin. Eh bien, elle fonctionnait toujours – et parfaitement – lorsqu’elle a été remontée à la surface!
Comment voyez-vous la suite de vos expéditions?
Aujourd’hui, j’ai vendu mon système de plongée à Gabe Newell qui continue les plongées scientifiques avec ce système autour du monde. Je ne suis pas un scientifique marin, mais un technicien. Mon travail est de faire avancer les innovations technologiques, pour qu’elles soient ensuite utilisées par le monde. Je dessine actuellement la prochaine génération de sous-marin pour améliorer les facteurs limitants des profondeurs. Les gens me demandent souvent ce que je peux faire de mieux. Vous pouvez toujours faire quelque chose de plus, les technologies sont forcément évolutives, plus fiables, plus précises, plus sures. C’est ce qui me passionne. L’accident de Titan qui est arrivé sur le site du Titanic n’est pas une fatalité et ne remet en rien en question les expéditions dans les abysses, même si j’y ai perdu deux amis. Pour innover, il faut suivre et respecter les normes de sécurité strictes et reconnues de la communauté internationale. Si tout est parfaitement exécuté et contrôlé, plonger est chaque fois un véritable émerveillement.
En partenariat avec OMEGA
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