Les thèmes des icônes et du genre sont fortement liés, mais évoluent aujourd'hui. La conférence "Can an icon be gender free?" organisée par Luxury Tribune et le Swiss Center for Luxury Research, en collaboration avec Audemars Piguet à l'Université de Saint-Gall, a exploré la thématique de l’icône et des biais de genre, dans l’horlogerie ou l'intelligence artificielle.
La conférence "Can an icon be gender free ?" organisée par Luxury Tribune et le Swiss Center for Luxury Research (SCLR), en collaboration avec Audemars Piguet, a exploré le monde des icônes et du genre. Tout au long de l'histoire, les industries ont été incarnées par des icônes, souvent associées à un genre spécifique. Mais le monde évolue. La fluidité des genres modifie-t-elle aujourd'hui leur processus de création? Dans quelle mesure les préjugés et les stéréotypes liés au genre influencent-ils ces sujets ? Et à quoi pouvons-nous nous attendre à l'avenir? Avec trois experts dans leur secteur : Michael Friedman, responsable des complications chez Audemars Piguet, Sylvie Buhagiar Roche, avocate d'affaires et photographe, et Nick Mathot, expert en technologie et intelligence artificielle, ces questions ont été analysées au fil de la conférence, modérée par Cristina D’Agostino fondatrice et rédactrice en chef de Luxury Tribune et Félicitas Morhart, fondatrice du SCLR, en direct de l'université de Saint-Gall.
La Joconde, la Tour Eiffel, la Ferrari 250 GTO, ou encore le Royal Oak ont tous un point commun : ce sont toutes des icônes culturelles, avec une dimension emblématique, renvoyant à des idéaux de société. Cependant, en observant l'histoire, on peut constater que les icônes naissent et meurent au fil des générations. Aujourd'hui, la société est confrontée à des changements de paradigme, tels que la dématérialisation, la numérisation et la fluidité des genres. Dès lors, comment pouvons-nous décrire une icône aujourd'hui? «Lorsque nous parlons d'icônes, nous parlons de quelque chose que nous reconnaissons en temps réel, quelque chose sur lequel la culture s'accorde, et qui a le potentiel de traverser une trajectoire de temps linéaire, au moins sur deux générations, a expliqué Michael Friedman. Prenons l'exemple du Metropolitan Opera de New York. Les spectacles qui sont à l'affiche aujourd'hui sont ceux qui étaient iconiques lorsqu'ils étaient nouveaux, et qui ont donc pu traverser la chronologie et influencer la culture au sens large.»
Royal Oak: de la disruption à l'icône
Lorsque la Royal Oak a fait ses débuts en 1972, elle a créé une nouvelle catégorie. (...) Mais le marché était prêt.
Michael Friedman, responsable des complications chez Audemars Piguet (DR)
Au moment de sa création, le modèle Royal Oak, aujourd’hui une icône de l'industrie horlogère, était considérée comme disruptive. Michael Friedman explique: «Jusqu'au début des années 1900, les montres au poignet étaient féminines et les hommes avaient des montres de poche. Cependant, cela a changé pendant la Première Guerre mondiale, lorsque l'on a observé de plus en plus de montres à bracelet sur les hommes. Ensuite, jusque dans les années 60, les montres avaient tendance à être soit très utilitaires et masculines, soit délicates et féminines. Lorsque la Royal Oak a fait ses débuts en 1972, elle a créé une nouvelle catégorie. C'était une montre plus grande, 39 mm, plate et très anguleuse, qui différait des lignes plus douces que l'on voyait auparavant sur les modèles. Mais le marché était prêt. En effet, Gerald Genta n'a pu proposer ce design que lorsque la culture de l’époque a été prête à l’accepter. Et ce design est apparu après la révolution culturelle de la fin des années 60, après la guerre du Vietnam et après une énorme période de protestation. Ces changements n'ont pas seulement été observés dans le design des montres, mais aussi dans d'autres domaines, comme l'architecture ou le design automobile. » Le dernier point souligné par Michael Friedman a ensuite été celui de son matériau et de son prix controversés. «L'acier est un matériau utilitaire, sans valeur intrinsèque. Mais la manière dont la marque l’a travaillé à la main, à un tel point de qualité qu'il est devenu précieux, transformant l’objet en une œuvre d'art.»
Quant à la question du masculin et du féminin dans l’industrie horlogère, Michael Friedman ajoute: «Nous pouvons encore faire beaucoup mieux, dans notre entreprise comme dans l'ensemble de l'industrie. Mais Jasmine Audemars et Jacqueline Dimier ont apporté de telles évolution à l’entreprise au fil des décennies, que pour Audemars Piguet la femme est essentielle. Quant aux jeunes créateurs, chaque génération apporte un nouveau chapitre à l'histoire en cours.»
Les stéréotypes et leur rapport au genre
Sur le même thème, l'expert technologique Nick Mathot a analysé les stéréotypes liés au genre et leur origine. «Il s'agit souvent d'une question de perception. Lorsque vous rencontrez quelqu'un, vous vous faites une opinion sur lui en moins d'une seconde. Il faut beaucoup de temps pour apprendre à connaître quelqu'un, alors on prend des raccourcis. Lorsque vous manquez d'information sur une personne, il est beaucoup plus facile de la placer dans un groupe. Le sexe est un groupe stéréotypé évident». Il poursuit en donnant des cas spécifiques. «Un exemple d’attribution d'erreur fondamentale serait celui d'une femme belle et brillante. Réussit-elle parce qu'elle est belle, ou parce qu'elle travaille dur? Un autre exemple d'attribution d'une erreur d'affirmation de soi pourrait être illustré par un homme ou une femme qui parle fort. Pour un homme, on interprétera son ton comme celui d'un leader. Une femme peut être perçue comme autoritaire.»
Sylvie Buhagiar, femme d'affaires, avocate et photographe à succès explique: «Seuls 17% des membres d'un conseil d'administration en Suisse sont des femmes, et je ne pense pas que cela changera sans l’aide de quota.» A cette question, Michael Friedman ajoute: « Il ne s'agit pas d'engager quelqu'un pour son sexe ou son origine culturelle. Il s'agit plutôt de s'assurer d'interviewer un grand nombre de personnes afin d'apporter un large éventail de perspectives. Nous en sommes très conscients. Aujourd'hui, la réussite n'est pas seulement une question de connaissances et de communication, mais également de se connecter au plus grand nombre.»
Protection contre les biais liés au genre
Pour conclure, Nick Mathot a donné un aperçu de la façon dont la technologie peut aider à réduire ces préjugés. «Nous lions la psychologie à l'intelligence artificielle. Un algorithme est alimenté en informations, et il donne une prédiction. Cependant, vous devez contrôler entièrement les données d'entrée pour qu'elles soient pertinentes et précises. L'opinion est recueillie par des experts dans ces domaines, et l'on s'assure que la moitié de ces experts sont des hommes, et l'autre moitié des femmes, afin d'annuler les préjugés sexistes. Chaque expert reçoit des vidéos de personnes et donne son avis sur les traits de personnalité et les compétences générales. S'ils sont plus ou moins d'accord entre eux, les informations sont introduites dans un ordinateur et analysées des centaines de fois. Au fil du temps, le système devient alors indépendant et donne des prédictions que les experts utilisent ensuite comme points de référence.»
Si l'intelligence artificielle progresse sur le thème de la protection contre les préjugés sexistes, la loi en Suisse semble manquer de mesures précises. «Il n'y a pas de base légale claire. Seule la Constitution suisse permet avec l'article 8.2 de contrer la discrimination basée sur le sexe ou le mode de vie. Cependant, depuis le 1er janvier 2022, vous pouvez changer votre sexe sur votre passeport, ainsi que votre nom » conclut Sylvie Buhagiar.
En conclusion, les icônes et les genres évoluent au rythme des changements culturelles et des renouvellement générationnels. Aujourd’hui, la liberté d’expression liée au genre semble favoriser une dynamique nouvelle, qui se retrouve également dans les divers champs d’expression que sont la mode, le design ou l’horlogerie. La fluidité des genres permet une nouvelle fluidité des styles.
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By Eva Morletto
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