Salone del Mobile 2021: comment le monde du design va-t-il se relever?
By Bettina Bush Mignanego28 juillet 2020
Cette année, Milan n'a pas renoncé facilement à ce qui devait être la 59e édition. D'abord reportée en juin, puis repoussée à l'automne et enfin annulée, cette décision fut un choc pour le monde du design international et un mauvais coup pour la capitale lombarde.
Tous attendent désormais la 60e édition du Salone del Mobile, prévue du 13 au 18 avril 2021. Pour la première fois, l'événement réunira le Salon international du meuble, Workplace3.0, S.Project, Salone Satellite, les Biennales, c'est-à-dire Euroluce, Euro Cucina, et Salone Internazionale del Bagno. On le voit, le grand événement du design n'abandonne pas. Fort d'une histoire née dans les années 60, en plein boom de la construction, Le Salone était un pari lancé à l’avenir de la profession, par un groupe d'entrepreneurs fabricants de meubles. En 1961, la première édition du salon était organisée avec 328 entreprises et déjà fréquentée par 12 000 visiteurs.
Ce furent des années de croissance et d'optimisme. L'Italie avait une industrie de l’ameublement riche de nombreuses petites entreprises qui avaient besoin de se faire connaître. La formule a rapidement trouvé son public, devenant le rendez-vous international de référence dans le secteur. Il suffit de se souvenir qu'au fil des quatre premières éditions, les exportations étaient passées de moins de 6 millions à 16 millions d'euros en 1964. Presque insignifiant, si l'on considère qu'en 2019 les exportations de meubles Made in Italy se sont élevées à 8,4 milliards d'euros.
Parmi les éditions marquantes du Salone del Mobile, celle de 2008 restera mythique, grâce à la prestation du réalisateur anglais Peter Greenaway et son «Leonardo's Last Supper», une nouvelle façon d'appréhender l'art et la technologie numérique. Entre-temps, le Manifeste du Salon est né, avec ses neuf mots-clés, l'édition 2020 devait, elle, parler de «Beauté». Les énergies sont désormais reportées sur la soixantième édition, entre le désir de faire et la conscience que le monde a changé. Pour en parler, Marco Sabetta, directeur général du Salon.
Comment avez-vous vécu les événements du Covid-19?
Nous n'avons pas abandonné facilement, vous pouvez me croire! Nous avons d'abord essayé de reporter la foire, mais nous avons vite été confronté aux limites des mesures sanitaires. Une édition à l'automne aurait été trop proche de l'édition de 2021. Aujourd'hui, nous travaillons activement pour 2021, une édition qui sera unique, incluant pour la première fois les foires et les biennales. Mais il y a encore beaucoup d'incertitudes sur les règles qui seront appliquées, non seulement en ce qui concerne la distance, les masques, les tests de température, mais aussi sur la manière de réglementer l'accès des visiteurs. Nous sommes habitués à des chiffres importants, à des centaines de milliers de visiteurs ... Nous espérons que la situation internationale changera, il y a toujours l'espoir d'un remède ou d'un vaccin qui permettra de revenir à une éventuelle normalité. Aujourd'hui, nous vivons au jour le jour. A l'automne nous aurons les idées plus claires, mais en attendant je peux vous confirmer que nous recevons déjà de nombreuses demandes, il y a une grande envie de recommencer.
Que signifie pour l'industrie de l'ameublement le fait d'avoir reporté le salon d'un an?
Sur le plan économique, ce fut un coup très dur. Le Salon est la principale vitrine internationale, 70 % des entreprises exposantes sont italiennes, dans un secteur qui réalise un chiffre d'affaires de 42,5 milliards d'euros. Mais vous ressentez une certaine réactivité, et je veux espérer un nouveau départ. En Chine et en Orient en général, le marché se redresse. Ils sont en avance sur nous en termes de temps. Toutes les entreprises ont été lourdement pénalisées, mais ce sont les plus petites qui souffrent le plus.
De nombreuses foires comme Art Basel ont mis l'accent sur le numérique. Que fera le nouveau Salon en 2021?
Le numérique sera important pour nous aussi, nous aurons une plateforme qui non seulement nous accompagnera pendant les jours de l'événement, mais qui permettra aux entreprises d'être en ligne toute l'année avec des mises à jour continues, pour montrer des contenus éditoriaux et de nouvelles propositions. Mais pour le Salone del Mobile, l'élément physique est essentiel. Ce n'est pas simplement un salon professionnel, c'est un événement où l'expérience est au cœur de tout, elle vous donne de l'énergie, elle vous apporte de nouvelles idées. Dans ce salon, les relations humaines sont fondamentales. En matière de mobilier, tout ne peut se limiter au numérique.
Comment Milan réagit-elle à la crise? Pensez-vous que le Salon et la ville dialogueront aussi bien que par le passé?
Aujourd'hui, Milan est encore une ville meurtrie. Rappelons que Milan n'est pas uniquement un lieu de travail, c'est une destination touristique et aujourd'hui, les touristes étrangers manquent à l'appel. Lorsque le salon reprendra, la ville sera là aussi. La force des Milanais est là, vous pouvez le sentir, il faut juste avoir un peu de patience. Alors tout recommencera, certainement avec une conscience différente et un regard nouveau sur l'environnement.
D'ailleurs, pendant ces mois de fermeture, nous avons tous vécu la maison d'une manière nouvelle. Pensez-vous que de nouveaux modèles de vie sont en train de naître ?
La maison est devenue l'espace où nous avons passé des semaines et des mois, de façon positive, sans avoir à y entrer puis à en sortir. Nous avons appris à le vivre. Être bien chez soi, c'est aussi être bien à l'extérieur. Nous avons redécouvert la beauté de la vie, et je pense qu'une nouvelle durabilité accompagnée d'une notion de beauté est née. C'est un terme que nous utilisons fréquemment en Italie. Cela fait partie de notre culture, ce n'est pas un hasard si beaucoup de grands noms du design sont italiens. On veillera encore plus à vivre la maison en harmonie avec l'environnement et avec l'extérieur.
Les nouveaux défis de cette 60e édition?
Que les entreprises puissent recommencer à faire des affaires, et proposer de nouveaux produits. Ce sont les véritables acteurs du succès futur. Nous jouons un rôle organisationnel, nous pilotons juste pour que tout fonctionne au mieux.
Des prévisions économiques pour le secteur?
Le chiffre d'affaires des entreprises du secteur s’est dramatiquement contracté. Mais il y a une volonté de reprise, de recommencer après la longue attente. Nous percevons les premiers indices, les réponses sont bonnes, et nous nous organisons pour répondre de manière adéquate aux nouveaux besoins du marché.
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