Quelles conséquences économiques le conflit en Ukraine aura-t-il pour le luxe?
Si les valeurs boursières du luxe se sont reprises en fin de semaine, la perception du risque pourrait peser à plus long terme sur le secteur. En conséquence, la hausse des prix des biens de luxe ne devrait pas faiblir, le concept de «pricing power» opérant en toile de fond. Analyse.
Les valeurs boursières du luxe se sont redressées après avoir fortement tremblé jeudi dernier à l’annonce de l’invasion militaire de l’armée russe en Ukraine. Le climat de panique qui avait sévi sur les marchés boursiers s’est quelque peu calmé, laissant place à un rebond des valeurs du CAC 40, du SMI et des indices du luxe. Pourtant, de l’avis des analystes, il est impossible de prévoir la suite et si une dégradation généralisée de l’économie mondiale est à craindre.
Le brand equity sert d’effet de levier pour justifier ces augmentations. Plus la marque est désirable, plus grande sera l’élasticité de prix de la part du consommateur
Olivier R. Muller, spécialiste du secteur de l’horlogerie
Si l’inflation est la préoccupation majeure des économistes ces derniers mois, aujourd’hui, l’augmentation du prix des matières premières et des énergies s’accentue encore. Arthur Jurus, stratégiste senior à la banque Oddo explique: «Les sanctions ont commencé à être appliquées. Les prix des matières premières, de l’agriculture, de l’énergie ont accentué leur hausse et leur impact sur l’activité européenne est évalué à 0,6 point de PIB, ce qui est assez notable. Le consensus sur l’inflation est de 3,8%, alors que nous étions sur 3% en Europe il y a encore quelques jours. Les banques centrales vont devoir augmenter les taux, mais sans provoquer de ralentissement économique. Nous observons également une dévaluation du rouble à 11% en 2022.»
Le «pricing power», une obsession des marques de luxe
Quel est l’impact sur le secteur du luxe? Alors que le pricing power monopolisait l’esprit des stratèges du luxe ces douze derniers mois, il sera encore plus obsédant avec la crise russo-ukrainienne. De fait, répercuter la hausse des matières premières, des transports et de l’énergie sur les prix finaux, tout en conservant des marges substantielles sans impacter la demande, est l’enjeu du secteur. Les consommateurs amateurs de luxe, eux, ne peuvent que constater, impuissants, les augmentations successives des prix en boutique. En Chine, en Europe et aux États-Unis, les marques de luxe les plus en vue avaient toutes déjà procédé à des ajustements, quelques fois considérables.
Les valeurs du luxe représentent une part significative du CAC40 par exemple, qui sous-performe les indices européens
Arthur Jurus, stratégiste senior à la banque Oddo
Selon la plateforme chinoise Baidu, certains accessoires de maroquinerie Louis Vuitton auraient subi des hausses spectaculaires entre 12%, 15% et même 20% selon les modèles et jusqu’à 54% pour le sac Mini Pochette passant de 3500 yuans à 5400 yuans. Bien sûr, la pandémie a fortement impacté la chaîne d’approvisionnement de l’industrie mondiale du luxe et le prix des matières premières. Le 26 janvier dernier, le prix du baril de Brent dépassait pour la première fois la barre fatidique des 90 dollars, la flambée des coûts énergétiques pesant pour moitié sur la tendance inflationniste. Ces derniers jours, le prix du baril se situe autour de 97 dollars. La marque Louis Vuitton expliquait il y a peu dans un communiqué officiel que «l’ajustement des prix prend en compte les changements dans les coûts de production, les matières premières, le transport ainsi que l’inflation».
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