Milan se dote d’un grand centre de la culture numérique
By Bettina Bush Mignanego26 novembre 2020
MEET, Digital Culture Center, le nouveau centre international de culture numérique a ouvert ses portes à Milan, fin octobre. Conçu et présidé par Maria Grazia Mattei avec le soutien de la Fondazione Cariplo, il permet de comprendre la révolution numérique. Un enjeu capital.
En cette étrange année 2020, en pleine pandémie, la conscience de la puissance de la révolution numérique a gagné les esprits. Un sujet immense que MEET veut analyser, pour découvrir de nouveaux moyens de communication et de créativité, en suivant toujours la même idée: l'innovation est un fait culturel avant d'être technologique.
La «maison du numérique» s'ouvre sur 1500 mètres carrés dans le centre de la capitale lombarde. Trois étages conçus par l'architecte Carlo Ratti, professeur de technologies urbaines au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Un espace vertical qui se déploie sur «l'escalier à vivre», une construction de quinze mètres qui peut être transformée en théâtre, espace de travail, de rencontre. «Il devient essentiel d'utiliser l'architecture pour produire des occasions de sérendipité, ces connexions inattendues entre les individus - explique Carlo Ratti - qui se produisent rarement sur le web». Un espace qui peut accueillir plusieurs activités en même temps, pour une «hybridation des fonctions».
MEET accueillera également un auditorium reconfigurable et un cinéma géré avec la Cineteca Italiana, un théâtre de 200 places, un café et une salle immersive avec quinze projecteurs 4 k. En ce moment, c’est la spectaculaire installation in situ de l'artiste turc Refik Anadol, intitulée «Renaissance Dreams», qui peut être admirée, une installation créée spécifiquement pour MEET, à partir d'une intelligence artificielle et de milliers d'images d'œuvres d'art et d'architecture de la Renaissance, pour créer une marche hypnotique sur les traces de l'histoire de l'art italien. Une œuvre qui raconte bien la philosophie de MEET, née pour réduire le fossé entre les gens et les technologies numériques, dans la conviction que la culture numérique favorise la croissance du système du pays, et le bien-être de la société. C'est pourquoi MEET réunira les plus grands maîtres internationaux du numérique, ainsi que des entreprises de tous les secteurs de l'industrie. Maria Grazia Mattei dévoile comment le numérique va faire progresser nos sociétés.
Que représente la culture numérique aujourd'hui?
Aujourd'hui, ces mots englobent tous les processus qui évoluent: notre mode de vie, le travail, la communication, la vie en société, l'industrie, l'économie, la politique, pour comprendre où mène l'imbrication du réel et des nouvelles technologies. En cette année 2020, il y a eu une forte accélération du changement. Nous nous devons d’en explorer toutes les nouvelles dimensions.
Pouvez-vous nous dire quels sont les objectifs de MEET?
Nous voulons créer un habitat physique et virtuel, un centre de référence pour comprendre la culture numérique. Notre mission est de surmonter les résistances qui ralentissent cette révolution, pour mieux utiliser cet outil. L'Italie, par exemple, a un retard numérique considérable, selon le DESI, (Index de numérisation de l'économie et de la société), l’outil utilisé par la Commission européenne pour suivre les progrès numériques des États membres. En 2020, l'Italie est classée 25e sur les 28 pays de l'UE. L'Union européenne a réalisé que l'industrie culturelle et créative, qui comptait sept millions de personnes et 2,5 millions d'entreprises avant la pandémie, est fondamentale pour le développement de nouveaux scénarios d'innovation numérique.
Que proposent les différents spécialistes du numérique en ces temps de grande incertitude?
En général, ce sont des artistes, des scientifiques, des ingénieurs, des designers. L’un d’eux, en particulier m'a particulièrement frappé, je pense à Daan Roosegaarde, Néerlandais et fondateur du Studio Roosegaarde, qui a une sensibilité que je compare à celle de Léonard de Vinci. Tout comme lui, il parvient à réunir la technologie, l'art et la nature, à interroger l'environnement, la planète, en présentant des solutions spectaculaires qui ont une forte composante artistique. Avec lui et beaucoup d'autres, nous assistons à un nouvel humanisme numérique, qui conçoit de nouvelles solutions pour une société de plus en plus informatisée et complexe qui devra être organisée différemment.
Pendant la période de confinement, le numérique a remplacé les événements réels dans tous les secteurs de notre vie. Pensez-vous que ce soit une solution durable?
Je pense aux arts du spectacle, un des secteurs les plus touchés avec les événements et les foires. Il y a eu un véritable court-circuit entre l'industrie et le consommateur. De nombreux projets numériques sont nés ensuite, mais il ne suffit pas de transférer la mémoire d'un événement réel sur le net. Il faut maintenant entrer dans cette dimension, utiliser un nouvel alphabet numérique pour créer des œuvres spécifiques à cet environnement. Nous avons été témoins de tentatives, comme l'expérience éclairante de la participation à un concert de manière virtuelle. Mais nous devons maintenant faire un effort supplémentaire pour explorer ce nouvel espace numérique par d'autres moyens.
MEET pense aussi au monde de l'économie et des affaires. Tout deviendra-t-il virtuel?
La créativité numérique peut être d'une grande aide pour le monde des affaires. Mais je ne crois pas à une dimension complètement virtuelle, mais à une très forte hybridation des deux. Nous passons d'une société de masse à une société dominée par des processus hybrides.
Que pensez-vous du pouvoir des influenceurs et des médias sociaux? Sont-ils de bons exemples de culture numérique?
Aujourd'hui, les influenceurs sont rapides, intelligents et comprennent les changements en marche. Et à l’avenir, ils deviendront encore plus influents, je pense à nos gourous du numérique. Mais nous ne sommes encore qu’à l'ère des pionniers. Quant aux médias sociaux, ce sont des moyens extraordinaires, mais dont nous déléguons le pouvoir. Aujourd'hui ils sont devenus des géants économiques, mais leur croissance infinie n’est pas certaine. Avec MEET, nous travaillons à sensibiliser, à confronter les gens à l'innovation avec une vision holistique, grâce aux expositions, à des formations et des réflexions sur l'avenir. Ensuite, nous aimerions pouvoir mesurer l'impact des processus d'innovation que nous réussissons à développer, pour contribuer à créer un plus grand bien-être.
Partager l'article
Continuez votre lecture
Fashion Week de Milan: le numérique a été vecteur d’idées fortes
Oscillant entre réel et virtuel, la semaine de la mode milanaise proposait dans le même temps et pour la première fois, un ensemble de collections pour l’homme et la femme. Au total, 23 shows offline, et 41 défilés en ligne. Et à la clé, une mode qui a réagi avec force et idées. Mais la même question demeure: à l’ère du Covid, le numérique pourra-t-il résoudre la crise du secteur?
L’art ou la renaissance numérique?
Le débat récurrent qui agite les divers secteurs de l’économie en ces mois de pandémie est de savoir si le numérique peut remplacer le réel. […]
S'inscrire
Newsletter
Soyez prévenu·e des dernières publications et analyses.