LVMH renforce les piliers de ses marques horlogères
Le salon numérique LVMH Watch Week consacré à l’horlogerie a révélé des collections de montres aux prix moyens majoritairement plus élevés, et très marquées dans leur identité. Un ancrage indispensable face à la pandémie qui ne cesse de contredire les prévisions.
La pandémie a durement frappé le secteur de l’horlogerie et de la joaillerie en 2020. Sur l’ensemble de l’année, la branche a vu la valeur de ses envois à l’étranger diminuer de 21,8%, à un peu moins de 17 milliards de francs. Pour le groupe LVMH la baisse se chiffre à - 23% des ventes avec un chiffre d’affaires à 3,3 milliards d’euros contre 4,4 milliards en 2019 et une marge opérationnelle de 9% au lieu de 16%. Les attentes étaient donc fortes sur la LVMH Watch Week qui vient de s’achever.
«L’année 2021 ne débute pas vraiment comme nous l’avions prévu, explique Jean-Christophe Babin, patron de la marque Bulgari. Le monde doit composer avec des pénuries de doses de vaccins et les mutations du virus. Mais je reste confiant, il y a des avancées, de nouveaux vaccins arrivent, notre dernier trimestre 2020 a très bien performé, l’année 2021 devrait continuer sur cette voie. Il y a beaucoup de liquidité, on le voit en bourse. La soif de profiter de la vie est plus forte que jamais chez les clients. Je suis certain que le luxe se prépare à de très belles années.»
Pendant une semaine, les trois marques horlogères Zenith, Bulgari et Hublot – Tag Heuer ayant préféré garder ses innovations pour un lancement international programmé en février – se sont succédées au fil de leurs conférences digitales et présentations des nouveautés 2021 aux détaillants.
Aucune présence sur site pour les invités, aucun moyen de tester les modèles. Mais le numérique, via des vidéos préenregistrées et des conversations en zoom ont permis de révéler l’essentiel. Des modèles tous fortement estampillés de ce qui fait le cœur de chacune des marques: les mouvements 100% manufacture pour Zenith, l’innovation pour Hublot et la puissance joaillière pour Bulgari. Capitaliser sur leurs forces pour relancer la machine, c’est ce que toutes les marques horlogères s’emploient d’ailleurs à faire depuis des mois. Marteler le message sur les icônes sera le mantra absolu de 2021. La raison? C’est rassurant et voué à passer les décennies, des arguments convaincants en temps de Covid.
Capitaliser pour conquérir des parts de marché
«Il faut amener une offre qui fasse du sens, rappelle Ricardo Guadalupe, à la tête de la marque Hublot. Lorsque nous créons la nouvelle Big Bang Integral, nous ne pouvons pas simplement venir conquérir des parts de marché avec un bracelet métal. Hublot doit se différencier dans ce qui fait son unicité, l’innovation des matériaux et un design rapidement identifiable. C’est pour cela que nous la présentons en céramique bleue, grise ou blanche. Cela réduit l’offre existante sur le marché et c’est vraiment Hublot. Idem pour notre tourbillon automatique sur saphir orange. Une première pour le matériau et pour notre nouveau mouvement manufacture. On doit construire sur ce type de montre très unique.»
Capitaliser, pour mieux conquérir des parts de marché, c’est aussi l’objectif de Julien Tornare, patron de la marque Zenith depuis 2017.
La grande nouveauté de cette semaine de présentation se cristallise pour lui autour de la nouvelle Chronomaster Sport, le deuxième grand pilier de la marque, avec une évolution du mouvement mythique El Primero au 1/10ème de seconde, un lancement très attendu par beaucoup de spécialistes. «Je n’ai jamais vécu une excitation pareille au moment d’un lancement, avoue Julien Tornare. A mon réveil ce matin, des messages de détaillants arrivaient de toutes parts sur mon téléphone. Cette montre va vraiment nous aider au premier semestre 2021. Evidemment, rien n’est simple avec le Covid-19 qui continue à sévir, mais l’ambition est de repartir fort en 2021, en faisant un chiffre plus important que 2019 qui était déjà une très bonne année.»
Pour Bulgari, l’ambition est identique. «Je vise idéalement la même performance qu’en 2019, confirme Jean-Christophe Babin.».
Nous aurons certainement l’occasion de trouver des synergies lorsque nous aurons eu le temps de nous asseoir à la même table, les dirigeants de Tiffany ayant été nommé il y a peu.
Jean-Christophe Babin, CEO de Bulgari
Amplifier la notoriété de Bulgari sur son cœur de métier, la joaillerie, est-il particulièrement important, alors que la marque joaillière Tiffany vient d’entrer dans le giron du groupe? Jean-Christophe Babin répond:
«Tiffany a une très belle histoire américaine liée au diamant, Bulgari a une très belle histoire romaine, liée aux pierres de couleurs, au design des volumes et à la dolce vita. Nous sommes concurrents, mais complémentaires, évoluant quelques fois sur des marchés et des segments un peu différents. Nous avons un grand respect pour ce qu’ils font, nous sommes contents qu’ils nous aient rejoint, cela permet à LVMH d’être le leader incontesté de la joaillerie, le segment en plus forte croissance. Nous aurons certainement d’ailleurs l’occasion de trouver des synergies lorsque nous aurons eu le temps de nous asseoir à la même table, les dirigeants de Tiffany ayant été nommé il y a peu. La complémentarité, c’est la force du groupe LVMH»
Créer de la valeur pour augmenter le prix moyen
Si toutes les nouveautés de l’année n’ont pas été révélées lors de ce premier salon numérique 2021, les tendances horlogères sont tout de même données.
Beaucoup de collections limitées, à l’instar des collections créées en collaboration avec des artistes, comme chez Hublot avec la Classic Fusion Takashi Murakami All Black ou la Classic Fusion Orlinski en céramique bleue ou noire, des montres à complications, ou encore très joaillières chez Bulgari, avec la nouvelle Serpenti Spiga, un nouveau dessin de bracelet qui permet au modèle iconique d’être entièrement serti, ou la Diva Pavone qui fait la démonstration des métiers d’art de la marque.
Depuis mon arrivée chez Zenith en 2017, le prix moyen a augmenté de 16% en trois ans.
Julien Tornare, CEO de Zenith
En bref, créer de la valeur, pour maintenir ou augmenter le prix moyen. Julien Tornare de Zenith confirme: «Depuis mon arrivée chez Zenith en 2017, le prix moyen a augmenté de 16% en trois ans. Jusqu’à aujourd’hui, le prix de la Chronomaster se situait entre 7'500 et 8'500 francs suisses.
Il va se situer désormais entre 8’000 et 10'000 francs en acier. Notre ambition est de doubler le business et d’augmenter les volumes à 30'000 montres d’ici à 2025. La marque est aujourd’hui suffisamment saine pour le faire.».
Pour Hublot, la tendance est aussi à la hausse «Effectivement, les prix moyens vont augmenter, à travers beaucoup de valeur perçue, explique Ricardo Guadalupe. Nous nous attendons à un rebond important à deux chiffres en 2021, si l’activité ne s’arrête pas. Depuis septembre nous sommes à 100%, le rebond devrait donc être conséquent et nous permettre de nous rapprocher du chiffre d’affaires de 2019, c’est l’objectif.»
Comment réussir les objectifs chiffrés?
Il y a fort à parier que les marques voudront retrouver des volumes de production si possible équivalents à 2019, concentrer leurs efforts de vente sur la clientèle locale et confirmer la hausse des ventes en ligne vécue en 2020.
Le premier vrai signal viendra après la nouvelle année chinoise et la Saint-Valentin.
Jean-Christophe Babin, CEO de Bulgari
Pour le patron de Bulgari, l’année 2020 a été riche en enseignements: «En 2020, notre accélération du digital a été conséquente. En mars, Bulgari comptait huit plateformes e-commerce, elle en avait dix-sept en septembre. Nous avons atteint entre 10 et 15% des ventes en e-commerce sur certains pays. Notre façon de travailler a également changé avec le digital. Zoom permet plus de rencontres, en impliquant plus de personnes. Cela nous a permis de resserrer les équipes, rencontrer nos partenaires plus fréquemment et travailler plus efficacement. Nous avons innové dans nos présentations de collection grâce à une application «Try On» qui a permis à nos clientes d’«essayer» virtuellement la nouvelle collection haute joaillerie Barocko, mais les événements physiques seront toujours à l’ordre du jour. Le mélange des deux est désormais l’avenir.»
De manière globale, les investissements ne manqueront donc pas en 2021. Jean-Christophe Babin de conclure: «Nos budgets de communication seront plus important en 2021, car nous sommes déterminés à revenir au niveau de 2019. Le premier vrai signal viendra après la nouvelle année chinoise et la Saint-Valentin, malheureusement un peu trop proches cette année pour capitaliser sur deux occasions de vente, mais nous serons en mesure de comparer et de prendre le pouls du potentiel de l’année. Nos efforts vont porter sur les clientèles locales. Car le Covid-19 nous a montré que c’est à cela qu’il faut être attentif. Il faut être à l’abri du tourisme, car il est volatil. En 2020, il s’est arrêté net en une nuit.»
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