Luxe et seconde main: les conséquences du pricing power (Partie 2)

Pour Victoria Uldry, fondatrice du dépôt-vente de luxe Closet à Genève, il n’y a pas de doute: «plus personne dans le contexte économique actuel n’a envie de payer un sac de luxe au prix boutique, surtout si la qualité n’augmente pas derrière», rapporte-t-elle dans une interview à Luxury Tribune. Sur sa plateforme en ligne, elle ne se prive pas de fixer les prix des sacs Chanel à 50% de leur valeur initiale, nous confie-t-elle.

Bloomberg rapporte que Chanel a augmenté de 91% le prix de son modèle iconique de taille moyenne «2.55» en cinq ans, l’affichant désormais à 11 100 euros. La maison, qui révise les prix de ses sacs à main deux fois par an, avait indiqué procéder également à l’augmentation des prix en fonction de l’inflation des coûts des matières premières.

Cette hausse conséquente, que certains spécialistes qualifient même d’indécente, a fonctionné auprès des clients aspirationnels durant une ère post pandémique, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Face au contexte économique actuel, ils préfèrent acheter un produit d’occasion de meilleure qualité en très bon état, plutôt que de débourser de l’argent pour un sac neuf extrêmement cher qui pourrait perdre de sa valeur avec le temps.

Dans un rapport, le cabinet de finance KPMG mentionne que durant les cinq premiers mois de l’année 2022, le prix moyen des produits de luxe était 25% et 7% respectivement plus élevé qu’en 2019 et en 2020. L'attractivité des prix rend ainsi le marché secondaire beaucoup plus accessible et convertit une nouvelle clientèle, souvent éloignée de cet univers.

Toutefois, selon une publication du cabinet Boston Consulting Group, le marché primaire du luxe pourrait se réjouir de la situation: un nouveau public s’intéresse au luxe et pourrait potentiellement réinvestir dans un produit neuf; l’industrie du luxe est perçue de façon plus durable auprès des millennials soucieux de l’environnement et pour finir, les marques collaborent – parfois investissent - avec le marché de l’occasion.

Mais au-delà de la hausse des prix, la rareté et la désirabilité de certains articles et marques de luxe en font un facteur de succès croissant pour le marché de la seconde main. «Les mythes et l'idéalisation entourant la création de ces modèles jouent un rôle majeur» explique Cécile Wickmann, directrice senior du secteur luxe pour Vinted, dans une interview à Luxury Tribune, «en raison de leur rareté, la demande dépasse de plus en plus l’offre et certains articles - en particulier les sacs à main classiques – s'avèrent être de véritables succès lorsqu’il s’agit de revente.» Sur Vinted, les marques les plus vendues sont Louis Vuitton, Chanel et Gucci. «Louis Vuitton se distingue clairement par sa rapidité de vente […] Le sac Louis Vuitton Neverfull MM et la veste Moncler Maya sont devenus les articles de luxe les plus appréciés par les membres Vinted en 2024 jusqu’à présent, détaille Cécile Wickmann. Selon le dernier rapport de l’entreprise lituanienne, la communauté Vinted montre également une forte préférence pour Hermès, Dior, Saint Laurent et Prada ; la popularité de Cartier a augmenté, tandis que Balenciaga connait une légère baisse d’intérêt par rapport à l'année précédente.