«L’intelligence artificielle peut désormais détenir des droits d’auteur» Ep.1

Le monde de l’art vient de vivre une année de grande transformation digitale. Près de 41 milliards de dollars ont été dépensés en NFT en 2021 selon le Financial Times, rapprochant ce marché du secteur de l’art traditionnel. Qu’est-ce qu’une œuvre d’art numérique? En quoi se différencie-t-elle d’une réalisation classique? Comment le marché évolue-t-il et qui sont les nouveaux artistes numériques? Des questions complexes auxquelles Luxury Tribune tente de répondre par une série d’entretiens consacrés à la thématique et en compagnie de trois personnalités influentes dans le domaine.

C’est avec le professeur de philosophie et d’éthique de l’information à Oxford Luciano Floridi que nous commençons l’analyse du secteur de l’art 3.0. Sociologue de la culture et de la communication à Bologne, membre du Groupe d’experts de haut niveau sur l’intelligence artificielle de la Commission européenne, il est aujourd’hui le philosophe le plus cité du monde, selon le classement Scopus. Il analyse nos représentations de l’art et de la beauté à l’ère numérique.

Peut-on qualifier d’œuvre d’art le portrait intitulé Next Rembrandt, présenté en 2016, résultat du projet de Microsoft en collaboration avec le Rembrandt House Museum, créé par l’intelligence artificielle (IA) et les algorithmes?

«Comme nous n’avons pas de définition précise de ce qu’est une œuvre d’art, nous pouvons répondre par l’affirmative. C’est un Rembrandt qui n’a pas été peint par Rembrandt, un constat auquel nous devrions également nous habituer. Je cite en exemple le dernier discours écrit par Kennedy, qui n’a jamais été prononcé par le président assassiné. C’est devenu une voix créée par une intelligence artificielle, qui a appris à parler en analysant les données réelles tirées des discours de Kennedy. Aujourd’hui, nous n’avons pas de mot pour désigner un artefact tel que le Rembrandt de Microsoft. Personnellement, je trouve pertinent de partir du mot grec Ektype, qui représente une copie dont la relation avec sa source est particulière. C’est l’empreinte laissée par un sceau sur la cire, qui n’est pas une copie du sceau, ni l’original, mais qui possède une relation «poétique» particulière avec lui. La question est de savoir comment reconceptualiser ces œuvres, ce qu’elles signifient, ce qu’elles représentent.

Que penser de la valeur de l’œuvre numérique Beeple, un NFT vendu pour 69 millions de dollars et la valeur d’un Rembrandt authentique, vendu pour environ trente millions de dollars ?