«L’indépendance de Valmont est un puissant moteur face à la concurrence»
Sur un marché saturé par la concurrence, Valmont, marque suisse de cosmétiques haut de gamme et propriété de la famille Guillon depuis trente-sept ans, fait office d’électron libre. Face à la surabondance d’enseignes qui émergent chaque année, Sophie Vann Guillon, CEO de la marque, veut croire que l’indépendance et le choix stratégique de miser sur des formulations hautement dosées et de qualité supérieure peuvent résonner plus fort que le profit à tout prix.
À Milan pour le lancement d’une nouvelle gamme de produits cosmétiques, Sophie Vann Guillon, directrice générale et propriétaire de Valmont au côté de son partenaire Didier Guillon invitait ses clientes et clients à découvrir, dans un pop-up installé dans le quartier très chic de Brera, l’univers de la maison et le dernier-né des laboratoires Valmont : l’Élixir des Glaciers, Essence of Bees, qui encapsule un mélange de miel, de propolis et de gelée royale suisse sous forme huileuse. Cette ligne désormais accessible en formulation quotidienne fait figure de soin ultrapremium dans la galaxie Valmont. Cette collection s’inscrit dans le sillon de l’engagement renforcé pour la sauvegarde des abeilles que Sophie Vann Guillon veut porter au-delà du simple partenariat. Fait étonnant dans le monde feutré et policé de la cosmétique de luxe, des activistes et lobbyistes du secteur étaient présents à ses côtés, lors de la conférence de presse, dont Beelife. L’ONG, qui se concentre sur la réglementation des pesticides, leur utilisation et leurs effets – et s’implique dans l’avenir de la Politique agricole commune (PAC) européenne –, a longuement exposé les enjeux du secteur, tout comme Stéphanie Vuadens, l’apicultrice basée à Genève dont la fondation Arche des Abeilles a pour vocation de protéger les abeilles domestiques et sauvages, ainsi que de sensibiliser et d’éduquer les jeunes générations à l’importance de leur protection. Le ton était donné, en parfait écho au franc-parler d’une patronne de la cosmétique qui ne veut pas se soumettre aux dictats de la finance.
Quels sont les enjeux qui vous préoccupent aujourd’hui dans le secteur de la cosmétique?
La surabondance de l’offre! Tout le monde aujourd’hui sort sa gamme de cosmétique, soutenue soit par des banquiers, soit par de grands groupes dont les liquidités importantes le permettent. Il n’y a plus d’exercice ni du talent ni de l’authenticité. Notre vision est différente. Valmont se bat depuis trente-sept ans pour rester sur ses valeurs de qualité et de soins extrêmes apportés à la peau.
Être indépendant est donc votre force…
Oui, il vaut mieux produire moins, mais avec l’ambition de le faire très bien. Mon moteur reste avant tout l’innovation, comme l’expression d’une foi, et non pas par nécessité économique. Dès mon arrivée à la marque, j’ai étudié en profondeur les cinq facteurs de vieillissement cutané: la perte en eau, en énergie, en homogénéité, les rides et le relâchement. Cinq gammes sont nées de ces cinq focus. La marque l’Élixir des Glaciers a été créée comme un plébiscite à la nature, une gamme souveraine, composée d’ingrédients extrêmement concentrés (ndlr 5 à 15 fois plus concentrés) comme la gelée royale, dont le coût est aujourd’hui de 3500 francs le kilo. Les deux autres ingrédients stars sont l’ADN et l’ARN, le couple iconique chez Valmont. À savoir que nous sommes estampillés ECOCERT, même si les ingrédients ne sont pas nécessairement issus de la plante, car je cherche avant tout la biocompatibilité.
Visez-vous la verticalisation de la production de vos produits aujourd’hui?
Nous n’avons pas besoin de verticaliser la production, j’ai suffisamment confiance en mes partenaires.
N’avez-vous pas peur que vos fournisseurs se fassent racheter? Le cas échéant, investissez-vous dans ces laboratoires?
Non, car notre relation est forte. Ce sont de gros laboratoires très spécialisés. Si dans d’autres domaines du luxe, à l’image de la maroquinerie, les rachats de maisons indépendantes s’accélèrent, ce n’est pas encore le cas dans la cosmétique, mais cela pourrait le devenir. Ce que je vois, c’est une prolifération de petites marques insignifiantes, qui font du bruit et divertissent l’attention. Il y a beaucoup d’expressions déguisées d’argent, de marques rivées sur le retour sur investissement.
Êtes-vous approchée par les grands groupes pour un rachat?
Oui. Mais ils savent que j’aime ce que je fais. C’est une réelle passion. Rester indépendant aujourd’hui est un engagement. Je serai fière le jour où j’aurai réussi à convaincre tout le monde. Chez Valmont, on aime faire du beau et de la qualité grâce à la science, dans une expression luxueuse.
Vous comptez 1800 points de vente. Ambitionnez-vous de monter en puissance?
Nous ambitionnons de garder notre pureté, une taille humaine et de partager cela avec notre communauté, qui a la même exigence. Lorsque l’on sort un nouveau produit, je ne calcule pas forcément mon coût de revient, je pars toujours de la peau. C’est ce qui réjouit et stimule toute l’équipe technique. Nous pouvons charger en principes actifs. Nos produits sont cinq à quinze fois plus concentrés par exemple dans la ligne l’Élixir des Glaciers. Bien sûr, les prix sont en phase, entre 150 francs et 750 francs chez Valmont et entre 250 et 1000 francs pour la gamme l’Élixir des Glaciers. Chez Valmont, il n’y a pas de culbutes arithmétiques ni d’augmentation de prix déraisonnée comme on peut le voir aujourd’hui. Nos prix sont presque toujours les mêmes depuis des années.
Que vous manque-t-il dans votre stratégie?
Une meilleure reconnaissance de l’excellence des formules, de leur biocompatibilité avec la peau. Nous sommes des artisans au service de la peau. Notre stratégie est de continuer à ouvrir des Maisons Valmont. En 2024, nous ouvrirons à Los Angeles, sur Rodeo Drive, avec tous les éléments qui fondent nos 18 Maisons Valmont dans le monde : les produits, les cabines de soins et nos expositions d’art.
Comment définiriez-vous le business des spas? Sont-ils simplement une façon d’amener vos clients à acheter vos produits ou est-ce un business en soi?
C’est un business en soi, moins lucratif, mais très intéressant, car nous travaillons la peau en profondeur. Toutes nos équipes de techniciennes en blouse blanche sont de vraies expertes. Les spas Valmont sont présents dans 200 hôtels dans le monde, et nous allons continuer notre expansion, à un rythme de 20 spas par an. Car c’est là que la magie Valmont opère. Nous avons un excellent taux de conversion et de fidélisation après un soin. Les hôtels nous apprécient pour cela, d’autant plus que Valmont vend 50% du chiffre d’affaires en produits, une moyenne très élevée par rapport à la moyenne générale qui est de 25%. C’est le même constat lorsque l’on donne un échantillon. Sur quatre échantillons, un client est acquis et fidélisé.
Quel était votre chiffre d’affaires en 2022? Observez-vous un ralentissement des ventes dans le monde depuis le troisième trimestre 2023?
Oui, nous observons ce ralentissement. Le monde a changé, la consommation est plus réfléchie. Dès lors, il est stratégiquement essentiel de rester sur son cœur de métier, le nôtre est bien sûr le produit de très haute qualité et le soin en cabine, toujours très performant. Depuis la fin de la pandémie, la personne a besoin de se recentrer sur ce qui nourrit ses sens, le toucher, l’art, la musique. Cela correspond parfaitement aux Maisons Valmont depuis longtemps. Notre chiffre d’affaires retail est de près de 300 millions. Le retour à la normale préCovid (avec un chiffre d’affaires de 400 millions) est envisagé en 2025. Il faut dire que j’ai beaucoup nettoyé les marchés non maîtrisés, environ 40 millions de marché gris, et ce n’est pas terminé. Ce sont des actions difficiles, cela demande un courage que certains groupes n’ont pas.
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