Le yachting écoresponsable porté par des courants ascendants
By Emma Reynolds25 décembre 2020
L'industrie du yachting s'efforce de réduire son empreinte écologique grâce à de nouvelles technologies de pointe et au déploiement d'initiatives durables destinées à réduire la consommation de carburant et à préserver les océans pour les générations futures.
Un superyacht durable sonne un peu comme un oxymore. Les navires conçus pour l'excès sont généralement mal vus en matière d'environnement. Cependant, l'industrie des superyachts a connu une croissance incommensurable au cours des cinq à dix dernières années en termes d'innovation, motivée par une demande accrue de la part des acheteurs et des affréteurs de yachts.
Généralement, les propriétaires de bateaux sont attirés par le yachting en raison de leur amour pour l'océan, mais il existe peu d'industries ayant, paradoxalement, un impact plus direct sur nos mers. Il est impératif que l'ensemble du secteur, des chantiers navals aux concepteurs, des ingénieurs aux sociétés d'affrètement, travaille ensemble pour préserver les écosystèmes marins et mettre en œuvre des solutions durables. «Il est urgent que notre industrie réagisse», déclare Bram Jongepier, spécialiste senior chez Feadship, un chantier naval basé aux Pays-Bas, connu pour ses incroyables superyachts, dont Aquarius, Symphony et Savannah, pour n'en citer que quelques-uns.
Une prise de conscience majeure
Heureusement, l'impact environnemental des yachts à moteur diesel sur l'atmosphère et les océans fait l'objet d'une prise de conscience croissante, et l'industrie réagit. D'ici à 2030, Oceanco, un chantier naval néerlandais, espère utiliser 100 % d'énergie renouvelable pour sa consommation d'électricité et ne pas rejeter de déchet ou les intégrer de manière circulaire dans l'ensemble du changement d'approvisionnement. La société a déjà commencé à installer des systèmes d'énergie renouvelable dans ses infrastructures, et son site d'Alblasserdam produit actuellement 250 000 kWh par an d'énergie renouvelable, couvrant ainsi la quasi-totalité de la demande en énergie électrique du bâtiment. L'objectif final est de devenir l'un des constructeurs de yachts les plus durables au monde.
Aujourd’hui, presque tous les grands constructeurs de yachts et sociétés de charter se sont engagés à protéger l'environnement en créant des fondations philanthropiques ou en s'associant à des organisations existantes qui agissent pour le bien commun. Les objectifs sont notamment de réduire la consommation de carburant, de favoriser la création de réserves marines, d'apporter des solutions à la surpêche, de compenser les émissions de carbone, d'éliminer le plastique et d'utiliser des matériaux qui privilégient l'économie circulaire.
Water Revolution Foundation (WRF), une importante ONG dont l'objectif est de développer une approche scientifique du yachting et de neutraliser l'empreinte environnementale de l'industrie a beaucoup œuvré pour le changement des mentalités. Elle a su convaincre plusieurs grands chantiers navals (dont Benetti, Feadship, Heesen et Lürssen, pour n'en citer que quelques-uns), mais également des entreprises technologiques, des bureaux d'études et d'autres acteurs de l'industrie du yachting. L'organisation fournit des conseils, des évaluations et des outils indispensables aux entreprises qui cherchent à apporter un changement positif.
Des innovations majeures respectueuses de l'environnement
Si dans l'ensemble, les yachts hybrides sont nombreux, plusieurs constructeurs expérimentent aujourd’hui une propulsion énergétique ne nécessitant aucun combustible fossile, dont l'énergie solaire, les voiles de cerf-volant et les convertisseurs qui créent instantanément une énergie électrique renouvelable. Il existe également des innovations dans le domaine des matériaux, comme l'utilisation de la fibre de carbone ou de l'aluminium au lieu de l'acier, ce qui permet d'économiser du carburant grâce à la réduction du poids. C’est par exemple la mission de Feadship, prêt à utiliser un système hybride et à être entièrement électrique d'ici 2025. Un objectif réaliste si l'on tient compte de la technologie qui existe actuellement. «La propulsion diesel-électrique hybride combinée à des batteries est la meilleure option. Elle offre la plus parfaite combinaison entre durabilité et luxe, en raison de la capacité de marche silencieuse de ces systèmes, déclare Bram Jongepier. Une coque en aluminium qui permet de gagner énormément de poids, est également une bonne alternative. Elles s'ajoutent à toutes les mesures que nous incluons dans notre exécution standard, comme les éco-modes sur le système de climatisation, la commutation centralisée intelligente pour les espaces inoccupés, la récupération de chaleur des générateurs et les systèmes de traitement des eaux usées et de cale dépassant les exigences MarPol. Mais nous soumettons aussi très fréquemment des propositions pour des systèmes plus spécifiques comme l'énergie des cerfs-volants, les piles à hydrogène, les panneaux solaires, etc.»
En 2017, la société Oceanco a notamment réussi à livrer un yacht de 106,7 mètres, le Black Pearl - le plus grand voilier DynaRig jamais construit dans le monde - incluant de nombreuses caractéristiques écologiques. Ce trois-mâts est doté d'une technologie qui lui permet de traverser l'océan Atlantique sans brûler une seule goutte de combustible fossile. Son système de propulsion hybride comporte deux axes équipés d'hélices à pas variable, ce qui contribue à réduire la traînée. Il a en outre la capacité de récupérer de l'énergie en utilisant sa voilure de 2 877 mètres carrés. «En mode voile classique, les hélices sont réglées pour minimiser la traînée et empêcher les axes de tourner, mais lorsque nous voulons récolter une partie de cette énergie cinétique pour la stocker et l'utiliser à bord, le pas des hélices est modifié pour créer une poussée au passage de l'eau, explique Marcel Onkenhout, PDG d'Oceanco, un chantier naval néerlandais spécialisé dans les yachts sur mesure jusqu'à 140 mètres. Cela fait tourner les axes, qui sont reliés à un moteur de propulsion électrique à aimant permanent (EPM), convertissant ainsi efficacement l'énergie éolienne qui fait avancer Black Pearl dans l'eau en énergie électrique». L'intention de Black Pearl était de montrer le potentiel des grands navires DynaRig, tout en incorporant les caractéristiques de luxe que les propriétaires de yachts recherchent, à savoir un cinéma, un jacuzzi, un beach club en plein air, un tender garage et de belles cabines pour les invités.
Un autre yacht qui fait tourner les têtes est le B.Yond 37 mètres Siemens Siship EcoProp du constructeur italien Benetti, un superyacht d'exploration avec cinq ponts, quatre cabines et des intérieurs exceptionnels. Il a un prix indicatif de 17,8 millions d'euros et devrait être livré en août 2021. Il parcourt 5 000 miles nautiques sans avoir besoin de se ravitailler en carburant grâce aux deux moteurs diesel MAN de 1 400 ch. Les propriétaires peuvent choisir entre un moteur diesel traditionnel ou un système de propulsion hybride.
Sans forcément opter pour une nouvelle construction, les chantiers navals peuvent modifier et réaménager des yachts existants pour les rendre conformes à des normes plus durables et plus écologiques, comme le remplacement des systèmes de climatisation, l'installation de batteries ou l'installation de nouveaux moteurs ou générateurs pour réduire la consommation de carburant. Il existe également des biocarburants, comme le GTL et le HVO, qui permettent de réduire les émissions de CO2.
Le défi de la durabilité en haute mer
Accepter le changement doit être une démarche partagée par l'ensemble du secteur, de la chaîne d'approvisionnement au client, pour apporter des solutions. Mais une grande partie de la responsabilité repose sur les épaules du constructeur naval, qui doit trouver des partenaires ayant une mission similaire, à savoir créer un yacht au design élégant et à faible impact sur l'environnement. Le choix des matériaux est important, tout comme le type de peintures employées, le poids des matériaux à bord, le mobilier et la décoration utilisés. «Lorsque nous pensons à un yacht écologique, nous devons le considérer dans son cycle de vie complet et c'est pourquoi nous avons une stratégie à long terme pour faire en sorte que les nombreuses pièces des yachts produits puissent être facilement démontées et recyclées lorsqu'ils sont mis hors service», explique l’entreprise Benetti.
Plusieurs décrets gouvernementaux mettent également en œuvre des lois plus strictes en matière d'émissions dans certains ports d'Europe et d'Amérique du Nord. Il existe des zones qui limitent les émissions, comme le soufre. Des mandats ont également été mis en place pour les constructeurs navals afin de réduire les émissions d'oxyde nitrique, un polluant majeur des grands navires. Bien que des organisations comme l'Organisation maritime internationale (OMI) s'efforcent de prévenir la pollution et de réglementer les navires pour qu'ils soient plus écologiques, il reste encore beaucoup à faire.
«Apporter des améliorations majeures en matière de durabilité, c’est accepter de laisser de côté les prétendues normes sur ce qui est souhaitable ou nécessaire sur un yacht, déclare M. Onkenhout. Si nous mettons de côté nos préjugés, nous pouvons faire de grands progrès en matière de durabilité dans le yachting.»
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