Alors que les rapports sur l’industrie du luxe réalisés par les grands cabinets de conseil se succèdent, un décalage semble émerger entre les prévisions relativement optimistes pour 2024 et la réalité de terrain. Bien entendu, ces derniers retracent les résultats d’un secteur encore largement euphorique en 2022. Paru hier 12 décembre, le «Deloitte Report Global Powers of Luxury Goods» basé sur les résultats des sociétés suisses affirme en effet que: «Les consommateurs du monde entier ont acheté des produits de luxe comme jamais auparavant. Les 100 plus grandes entreprises de produits de luxe ont vendu à elles seules pour 347 milliards de dollars de bijoux, parfums, sacs à main et autres produits de luxe en 2022, contre 304 milliards de dollars l'année précédente.»
Mais un an plus tard, la situation semble nettement moins rose. Au troisième trimestre 2023, les ventes des principaux groupes de luxe ont ralenti. Les sites e-commerce font le même constat, accumulant des stocks d’invendus alarmants, comme le signalait il y a peu le patron du site Mytheresa Michael Kliger, dans le Wall Street Journal. Pour lui, ce dernier trimestre 2023 «est le pire depuis 2008», puisqu’il enregistre un excédent d’inventaire de 44% par rapport à la même période de 2022.
Si l’accroissement des stocks se révèle important surtout dans le secteur de la mode, l’horlogerie et la joaillerie ne vont pas tarder à se confronter au même problème. Les grands groupes auront les reins suffisamment solides pour résister, et réagir rapidement sur le flux de production. Mais certains indépendants seront des proies attractives. Il est fort à parier que les grands groupes profiteront de l’aubaine pour diversifier davantage encore leur portefeuille de marques, tout en accélérant la consolidation du patrimoine. A l’exemple, Bernard Arnault vient d’acquérir un immeuble sur l’avenue des Champs-Elysées pour près d’un milliard d’euros. En ligne de mire, l’installation d’un potentiel méga-flagship Dior, voire Tiffany.
Il sera intéressant d'observer quelles stratégies seront choisies par les marques pour pallier l'augmentation des stocks. Rachat d'invendus, - les coûts sont importants - ou marché gris et discount aux conséquences dommageables pour l'image de la marque? L'e-commerce ne pourra pas absorber les excédents. L'industrie va devoir réellement faire face à la voie longtemps ignorée, mais qui se dessine pourtant: la déconsommation.
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By Eva Morletto
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