Les sacs monogrammés sont depuis toujours une pierre angulaire des collections de grands designers. Mais à qui s’adressent ces pièces iconiques aujourd’hui? Décryptage de la tendance par Cari Quoyeser, deuxième gagnante du concours d’écriture ouvert aux étudiants de l’IESEG.
Les sacs monogrammés sont depuis toujours une pierre angulaire des collections des grandes maisons, à l’instar de Chanel, Fendi, Dior ou encore Louis Vuitton. Le caractère cyclique de la mode explique en partie pourquoi ils paraissent indémodables, surtout pour les modèles qui se sont imposés comme «des classiques». Toutefois, la question qui fait débat dans la mode aujourd’hui est de savoir à qui s’adressent ces pièces iconiques et dans quelle mesure elles vont garder un rôle central dans le marché du luxe.
Amour et désamour du monogramme
Durant l’âge d’or d’Hollywood, la malle monogrammée était sans conteste symbole d’élégance et de réussite financière. A partir des années 1990, les sacs sont devenus personnalisables, plus colorés et ostentatoires pour coller aux envies de l’époque. Peu à peu, le consommateur a rajeuni et le besoin d’expression personnelle a primé sur celui de l’élégance. A cette époque, les inversions et changements de couleur du traditionnel logo de Louis Vuitton, par Marc Jacobs, ont fait fureur. Mais ce phénomène a aussi été une lame de fond qui a bougé les frontières du luxe jusqu’aux portes du masstige, voire du mass market. L’histoire nous montre que pour les marques de luxe, il existe de sérieux inconvénients à une popularité massive. En 2012, le succès des produits monogrammés Louis Vuitton et Gucci dans un marché chinois en essor est remis en cause. Peut-être, pour la première fois, les plus grandes maisons de luxe sont victimes de leur succès et menacées de paraître trop communes (CNBC, 2012). Car plus un produit devient trivial et réplicable, moins il s’apparente à du luxe. La mission du luxe reste d’aspirer à l’exclusivité. De plus, les toiles monogrammées ont rapidement été critiquées pour être trop faciles à contrefaire. Elles sont aussi jugées kitchs à force d’apparaître aux bras des jetsetteuses telles que Paris Hilton, Lindsay Lohan ou Nicole Richie (Satenstein, 2017).
Une autre critique concerne l’exubérance des produits monogrammés. Alors que les produits de luxe se veulent classiques, intemporels et rafinés, les sacs monogrammés sont vus comme ostentatoires. Or un manque de discrétion est rapidement associé à un manque de rafinement, et les nouveaux consommateurs de luxe souhaitent non seulement montrer qu’ils ont les moyens, mais aussi qu’ils ont du goût. La profonde modification des attentes au tournant des années 2000 représente un choc pour le marché du luxe, qui connait inévitablement une baisse de populariré des motifs monogrammés dans les années 2010.
Résurgence programmée
Pourtant il semblerait que le début des années 2020 annonce une résurgence des sacs monogrammés. Et cela n’a pas l’air d’une simple passade. Que désirent donc vraiment les nouveaux clients du luxe et sur quelles valeurs cette nouvelle tendance s’appuie-t-elle? Pour les marques Balmain et Montblanc, qui ont récemment remis au goût du jour -voire réinventé- leur motif historique, il y a deux réponses possibles à ces questions.
Sous la direction artistique d’Olivier Rousteing, pour la première fois depuis 70 ans, Balmain a troqué son monogramme historique pour un tout nouveau design de son «B» entremêlé du «P» de Pierre. Avec ce choix, la marque souhaitait montrer une évolution de ses valeurs. Historiquement engagée à réconcilier intemporalité et modernité, la maison Balmain pense que la nouvelle clientèle impose et mérite plus d’inclusion et cet engagement passe selon Rousteing par un acte fort (Roderiguez, 2018). Pour Montblanc, le lancement du nouveau motif «M» imprimé sur leur ligne de sac à dos, bagagerie et sac à main durables démontre que pour la marque allemande les consommateurs du luxe sont avant tout à la recherche de produits fonctionnels (Jasman, 2021). Là où les deux marques convergent, c’est dans leur souhait de toujours mêler tradition et qualité, excellence et raffinement, tout en se rapprochant de la nouvelle génération de consommateurs.
Le monogramme, gage d’éternité
Au-delà des efforts pour réinventer les monogrammes et du souci de la mode de servir le besoin d’expression personnelle du consommateur, la préférence pour les traditionnelles toiles monogrammées tient dans le fait qu’elles incarnent l’identité de la marque, son héritage. Qu’ils symbolisent les anciens ou les nouveaux riches, les sacs monogrammés traduisent avant tout un besoin de l’acheteur de se reconnaître dans la marque qu’il porte. Si des maisons centenaires telles que Louis Vuitton, Dior ou Chanel parviennent à conserver le même imprimé depuis des décennies c’est bien parce que leurs produits sont vus comme un investissement à long terme, un gage d’éternité. Comme récemment rapporté: «62% des femmes [interrogées] préfèrent investir dans un style intemporel plutôt que suivre une tendance passagère» (L'OFFICIEL, 2020). On peut prédire que les motifs traditionnels vont continuer à s’adapter au fil des saisons et que ces changements seront mis en place avant tout pour séduire les audiences les plus jeunes. Mais la quintessence des grandes marques restera, à l’évidence, inscrite au cœur du classique monogramme.
Références
- 1
CNBC. (2012, June 7). Wealthy Chinese Sun Louis Vuitton, Gucci as Too Popular.
- 2
Satenstein, L. (2017, August 29). Designer Monograms Are Back—But Are They Finally Cool? Retrieved from VOGUE
- 3
Roderiguez, B. (2018, December 5). News & Runway: Balmain Introduces a New Logo After Almost 70 Years. Retrieved from The Fashion Spot
- 4
Jasman, A. (2021, January 8). Montblanc debuts a new monogram as seen on Chen Kun and Taron Egerton. Retrieved from Esquire
- 5
L'OFFICIEL. (2020, March 03). Women are Shopping for Handbags with a Visible DNA. Retrieved from L'OFFICIEL
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