Au lieu de brader leurs invendus, les boutiques de luxe doivent adopter une stratégie agile et analytique afin d’écouler leurs stocks et augmenter leurs marges. C’est la conclusion de la dernière étude «A Three-Season Strategy for Fashion and Luxury Retailers» du Boston Consulting Group. Décryptage exclusif.
Ce n’est un secret pour personne, les boutiques de luxe sont actuellement confrontées à un important stock d’invendus. La faute à la pandémie de coronavirus qui a provoqué la fermeture temporaire de certains espaces de vente et une forte réduction des voyages transcontinentaux. Sans oublier la perte de pouvoir d’achat de nombreux clients. Pour certaines marques, la tentation est grande d’opter pour d’importantes remises afin de liquider leurs collections comme le confirme Stefano Todescan, expert en mode et luxe au sein du Boston Consulting Group: «Cela se produit généralement pour deux raisons. La première est financière pour les entreprises qui ont besoin de liquidités à court terme. La seconde est liée au fait que certaines maisons proposent des produits très saisonniers qui ont peu de chances d'être vendus à plein prix l'année prochaine ou au cours des prochaines saisons. Mais cette stratégie de liquidation massive des produits devrait être évitée autant que possible.»
Gestion trois saisons
L’étude souligne un autre handicap pour certaines marques et détaillants: «Leurs canaux en ligne ne sont pas suffisamment robustes et convaincants pour atteindre et attirer un grand nombre d’acheteurs. Selon nos calculs, 75% des entreprises actives dans la mode et le luxe pourraient souffrir de pénuries de liquidités. Pour éviter une situation financière trop grave, elles réduisent leurs dépenses, reportent le paiement de leurs loyers, pratiquent des remises pouvant atteindre 50% ou demandent une aide gouvernementale. Mais ce ne sont que des pansements qui n’assureront pas la survie à long terme de ces sociétés.»
Un constat sévère, mais les auteurs de l’étude proposent une solution pour éviter un marasme économique: «La pandémie a rendu les méthodes de planification des stocks obsolètes. Les boutiques ont tout intérêt à remplacer leurs planifications lentes et annuelles par une gestion trois saisons qui repose sur des analyses du comportement des consommateurs, magasin par magasin, semaine après semaine.» La gestion trois saisons doit permettre d’améliorer le rendement des marques qui ont une présence mondiale moyenne ou grande. Très concrètement, cela passe par un report des ventes d’environ 40% aux saisons suivantes, l’optimisation de la distribution des stocks selon les canaux, les magasins et les pays, ainsi que la réduction des objectifs de vente pour cet automne et cet hiver.
Hausse de la marge brute
La gestion trois saisons doit être étendue à l’ensemble du secteur du luxe
Stefano Todescan, expert en mode et luxe au sein du Boston Consulting Group
En écoulant son stock sur plusieurs saisons, sans d’importantes remises, la marque peut ainsi espérer atteindre des marges brutes de 30 à 40% contre seulement 15 à 20% si elle décote sa collection. Stefano Todescan ajoute: «Le segment du luxe peut être divisé en deux: celui considéré comme iconique et celui que l’on qualifie de «trendy». Les sociétés de luxe iconique (par exemple les bijoux, les montres, les sacs, les accessoires) peuvent plus facilement diluer leur stock sur plusieurs saisons car leurs collections sont moins saisonnières et les clients sont prêts à acheter au prix fort à tout moment. Les maisons actives dans le luxe à la mode, comme la haute couture et le prêt-à-porter de luxe, seront moins avantagées et devront donc évaluer le stock qui doit être gardé pour les prochaines saisons et celui qui doit être soldé.» L’étude rappelle également qu’avant d’envisager une gestion trois saisons, il convient de répondre à quatre questions fondamentales: quand vendre? Où vendre? Quoi vendre? A quel prix vendre? L’équilibre entre les diverses réponses déterminera la meilleure stratégie à adopter.
Analyse en temps réel
Autre élément fondamental, les marques doivent gagner en agilité: «Elles doivent rendre leur processus de décision plus rapide, plus efficace et plus dynamique. Notamment, en s’adaptant à la demande mondiale des clients en temps réel afin de rapidement changer de stratégie. Cela implique d’avoir recours à des technologies analytiques sophistiquées capables de collecter et d’évaluer d’énormes quantités de données afin de soutenir la prise de décision. Stefano Todescan conclut: «Ces principes sont déjà appliqués par certaines maisons de luxe mais, aujourd’hui plus que jamais, cette gestion trois saisons doit être affinée et étendue à l’ensemble du secteur en s'appuyant sur des solutions analytiques avancées qui permettent de prévoir dynamiquement les tendances externes, de lire les performances et de planifier à un niveau très granulaire sur l'ensemble des canaux et des zones géographiques.» Non pas pour gagner en rentabilité, mais pour éviter un désastre économique à moyen terme…
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