Le livre d’art, un marché toujours plus convoité par les milliardaires du luxe?

Le récent rachat de la petite (4,8 millions d’euros de chiffre d’affaires par an), mais prestigieuse, maison d’édition Citadelles & Mazenod par le groupe LVMH, le numéro un mondial du luxe peut en légitimer la question. Lorsque Bernard Arnault entre dans un nouveau secteur, les moyens et méthodes de fonctionnement en sont souvent durablement transformés. Champagne, cognac, parfums, maroquinerie, ces savoir-faire ont connu un avant et un après LVMH.

Ensuite parce que le premier groupe de luxe a déjà un pied dans l’édition d’art. En 2013, Bernard Arnault rachetait 9,5% des parts de la holding Madrigal (qui détient Gallimard et Flammarion), mais possède également le mensuel Connaissance des Arts. Ce dernier est un acteur de la politique culturelle, notamment avec sa collection de livres d’art à petits prix In Fine, lancée avec le groupe Les Echos-Le Parisien (le pôle média de LVMH) et son association avec Le Salon du Dessin et Fine Arts Paris. En acquérant les éditions Citadelles & Mazenod, Bernard Arnault met la main sur la marque iconique des grands amateurs et collectionneurs d’art du monde entier. 

Ainsi, l’ancien président de la République française Jacques Chirac, grand amateur des arts premiers avait pour livre de chevet (malgré le poids des 600 pages) un des ouvrages phares de Citadelles & Mazenod L’Art Africain écrit en partie par son ami Jacques Kerchache qui le convaincra de créer le futur musée du quai Branly, inauguré en 2006 et rebaptisé en 2016 Musée Jacques Chirac. C’est dire si l’influence de Citadelles & Mazenod pèse lourd dans le paysage culturel français.

Créée en 1936, la maison ne compte pas moins de 160 références dans son catalogue (vendues entre 200 à 890 euros) avec des collections uniques comme L’Art et les grandes civilisations (50 volumes), Les Phares, ensemble de monographies sur des artistes majeurs (17 volumes) ou des livres spectaculaires en éditions limitées comme La Tapisserie de Bayeux avec son leporello, un livre accordéon qui permet de déplier en entier la reproduction de la broderie sur 32 mètres, soit la moitié de la taille de l’originale au Musée de Bayeux, ou encore Kuniyoshi, Le Codex Borbonicus. Pierre Louette, PDG du groupe Les Echos-Le Parisien expliquait à ce propos: «Avec Citadelles & Mazenod, nous poursuivons notre stratégie d’acquisitions qui consiste à toujours renforcer nos points forts, et faisons vivre notre mission de diffuser les meilleurs contenus culturels et artistiques auprès d’un large public.»

Cette déclaration pourrait-elle signer le coup d’envoi d’une série de rachats dans le secteur, en particulier dans le haut de gamme?