Le droit des femmes se raconte aussi avec la mode

Il suffit de penser à Mary Quant, la créatrice britannique qui a inventé la minijupe, pour comprendre que la mode a su très tôt traduire les enjeux des droits des femmes en symboliques marquantes. Ce petit bout de tissu drapé autour des hanches était un signal fort du changement de société des années 60, devenu rapidement l’emblème de la liberté et de l’indépendance. Avant elle, Coco Chanel avait compris que les luttes des femmes résidaient aussi dans les défis quotidiens: «La nouvelle femme active a besoin de se sentir à l’aise dans sa robe. Elle doit être capable de se retrousser les manches.» Les premiers pantalons pour femme sont nés de ce besoin. 

Aujourd’hui, de plus en plus de femmes sont au sommet des maisons de couture. Il suffit de citer Virginie Viard, directrice de la création de Chanel, Sarah Burton chez Alexander McQueen et Maria Grazia Chiuri chez Dior. Maria Grazia est celle qui a réussi le défi de traduire la transition du féminin au féminisme, lorsqu’elle choisit le slogan inspiré de la phrase choc de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie «We should all be feminists». L’écodesigner Stella McCartney, quant à elle, utilise la mode comme une trame pour unir les valeurs d’éthique et de durabilité.

Stella Jean, en revanche, d’abord mannequin, puis collaboratrice d’Egon Von Furstenberg, a voulu donner à la mode un rôle politique en se rendant au Pakistan pour un projet des Nations Unies sur la mode éthique. Ici, avec les femmes Kalash, près de la frontière avec l’Afghanistan, la créatrice italo-haïtienne a choisi de promouvoir les magnifiques broderies faites main par les artisanes locales et les faire connaître dans le monde entier.

Un dialogue que le G20, tenu le 26 août dernier en Italie à Santa Margherita avait aussi souhaité ouvrir sous la présidence de la ministre italienne de l’égalité des chances et de la famille, Elena Bonetti. En compagnie des acteurs politiques majeurs, dont Mario Draghi, les discussions ont porté sur le thème brûlant de l’autonomisation des femmes, rendu d’autant plus urgent par les dramatiques événements survenus en Afghanistan, il y a quelques semaines. Les ministres de l’égalité des chances du monde entier ont été invités à aborder la question de l’émancipation des femmes: «Nous devons renforcer le leadership des femmes, a souligné Elena Bonetti, et accélérer l’entrepreneuriat féminin.»

En vue de ce G20 sur les femmes, le Dialogue B20 – G20, présidé par Diana Bracco, s’était tenu à Rome à la fin du mois de juillet. La présidente du forum B20, Emma Marcegaglia avait souhaité débattre des meilleures solutions pour encourager les femmes à s’investir sur le marché du travail, alors que la pandémie de Covid-19 a malheureusement contribué à drastiquement aggraver leur position: «Pendant la première vague, l’emploi féminin a été réduit de 2,2 millions de postes dans l’Union européenne», déclarait Emma Marcegaglia. Une situation préoccupante et urgente selon Diana Bracco, qui ajoutait que «pour relever le défi de l’autonomisation des femmes, nous devons nous concentrer sur les compétences, le mérite et les aptitudes afin de faire progresser la main-d’œuvre féminine de 76,4 % à 81 % d’ici à 2024 dans les pays les plus performants. Tandis que pour les pays les moins performants, le pourcentage devrait passer de 52,4 % à 66,5 %.»

Pour comprendre la question de l’autonomisation au sein de l’entreprise, Luxury Tribune rencontrait sur place la femme d’affaires Angela Missoni, présidente de Missoni S.p.A, invitée à débattre des enjeux des droits des femmes, en compagnie d’Arturo Artom, consultant économique et expert en technologie, créateur des célèbres conférences Artom.

Pouvez-vous nous parler de votre expérience en tant que femme entrepreneur dans le monde de la mode?

Bien sûr, et il est important à mes yeux de mentionner que je représente la quatrième génération de femmes dirigeantes, du côté de ma mère, ce qui est assez rare pour le souligner. Pour nous, et évidemment pour mes filles, le travail est quelque chose d’indispensable dans la vie, pour atteindre l’indépendance.

Votre père Ottavio et votre mère Rosita ont fondé ensemble l’entreprise à Gallarate en 1953. Quelle était leur relation de travail?

Elle était véritablement vécue sur un pied d’égalité. Et il serait erroné de définir ma mère comme la femme d’affaires et mon père comme le créateur. Rosita s’appliquait à bâtir l’entreprise avec pragmatisme, une pierre après l’autre, tandis que mon père avait cette sorte de détachement des complications du quotidien, il visait l’essentiel. Pour eux, créer de la mode signifiait se battre pour leurs idées et façonner le succès en anticipant les tendances. Mon père a cru dans la maille et le tricot. Ma mère, qui avait grandi dans la mode et avec les magazines fashion a su définir le style. Ensemble, ils ont combiné la mode, la maille et l’innovation. Mon père s’était découvert un talent pour la couleur que ma mère a su pousser et mettre en valeur.

Que pouvez-vous nous dire sur l’autonomisation des femmes?

Dans la mode, une femme qui travaille et crée pour des femmes sait exactement comment fonctionne le corps féminin. Elle se construit sur une réalité, alors qu’un homme travaille sur un idéal. Pour ma part, j’ai rejoint l’entreprise à l’âge de 18 ans, et après plus de quarante ans, je constate que le pouvoir des femmes a clairement augmenté. Je souhaiterais toutefois compter plus de femmes au sein de notre conseil d’administration. Trop peu de femmes ont encore l’opportunité d’accéder à des postes importants, même dans la mode.