Les pierres précieuses ne sont pas les seuls trésors convoités par les grands joailliers. Le corail rouge de Méditerranée, à ne pas confondre avec celui issu des mers chaudes des tropiques, est une ressource hautement prisée.
Les zoologistes placent le corail de Méditerranée et celui issu des récifs tropicaux dans le même groupe (Cnidaires) et dans la même classe (Anthozoaires), bien que les coraux de récifs tropicaux soient des madrépores et résident dans les eaux de surface, alors que celui qu’on utilise en bijouterie appartient à la famille des gorgones pêchées sur les fonds rocheux à une profondeur de 10 à 15 mètres et au-delà.
Selon le Centre scientifique de Monaco (CSM), «le nom de Corail a été initialement forgé non pas pour les coraux tropicaux, qui n’étaient pas connus des Européens, mais pour un autre organisme, le corail rouge de Méditerranée, Corallium rubrum. Jusqu’au XVIe siècle, ce corail était en effet le seul connu. Le substantif vient de l’hébreu goral signifiant pierre magique. Les Grecs le transformeront en korallion, «j’orne», devenu en latin corallium, toujours utilisé pour définir le corail rouge. Ce n’est qu’à partir du XVIe siècle qu’il a été appliqué aux autres coraux.»
Le CSM précise que son utilisation est attestée depuis au moins le Néolithique, 4000 ans avant J.-C. Ce commerce n’a jamais cessé, car il servait de monnaie d’échange avec l’ambre du nord, les épices du Moyen-Orient ou les diamants indiens.
En joaillerie, on utilise en général cinq espèces de coraux en raison de leurs caractéristiques telles que la dureté et la compacité : corallium rubrum, japonicum, elatius, secundum, konjoi. Aucune de ces espèces n’est originaire des récifs coralliens.
Corallium rubrum est répandu dans toute la Méditerranée et il est appelé communément corail sarde; on le trouve jusqu’à 200 mètres de profondeur et est généralement rouge avec des nuances plus ou moins claires en fonction de sa zone d’origine. Le corail japonais, qualifié parfois improprement pour décrire les quatre espèces de l’océan Pacifique, présente des couleurs allant du rouge intense (corail sombre japonais, Aka) au rose pâle de la fameuse peau d’ange (Boke), en passant par l’orange du cerasule et au blanc rosé du deep sea. On le trouve également à des profondeurs considérables: jusqu’à -1500 mètres.
Sur les quelque 1200 espèces de coraux existantes, seules ces cinq sont donc exploitables pour les artisans spécialisés. En tant que pierre organique, le prix du corail rouge varie selon la taille des pièces, la dureté, l’intensité de la couleur. Un des plus convoités, le corail sarde, est surtout extrait autour de la région d’Alghero, dans le nord de l’île. Cartier l’a utilisé pour quelques-unes des pièces les plus impressionnantes du dernier volet des collections Le voyage recommencé. Baptisé l’or rouge de Sardaigne, son prix peut atteindre 80 euros le gramme. Sa pêche est très réglementée.
Corail rouge de Méditerranée: un patrimoine vulnérable
Bulgari, Cartier ou encore Boucheron aiment associer la brillance des diamants au rouge vif du corail méditerranéen. Pourtant, ce trésor a bien failli disparaître, il y a à peine quelques décennies.
Jusqu’au début des années 80, les pratiques de pêche étaient en effet néfastes à sa survie. En Corse, les récifs étaient décimés par les sea scrapers, ces bateaux équipés de croix de Saint-André — des grandes croix en fer d’une tonne traînant une quarantaine de mètres de chaînes — qui détruisaient tout l’écosystème sur leur passage. Un véritable désastre pour tous les organismes enfouis sous la vase et le sable retournés par ces outils, et dès lors privés de photosynthèse.
Depuis lors, la pêche au chalut a été interdite et des réserves ont été créées. Seuls les plongeurs sont aujourd’hui habilités à récolter le corail à une profondeur d’au moins 50 mètres.
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