L’authenticité des marques de luxe face à la perception du consommateur (Part.1)
L’authenticité représente une pierre angulaire pour les marques de luxe. Mais comment font les consommateurs pour la juger et sur quels critères se basent-ils pour former leur perception ? Les recherches menées par les Prof. Felicitas Morhart et Prof. Lucia Malär décryptent la notion d’authenticité.
L’authenticité perçue d’une marque est essentielle à son succès. Les recherches menées par Felicitas Morhart et Lucia Malär (professeures à HEC Lausanne) visent à éclaircir la notion d’authenticité dans le monde des marques de luxe, ainsi que les défis qu’elles rencontrent à travers leur volonté de représenter des références de validation auprès des consommateurs en quête d’expérience authentique. Mais comment les consommateurs procèdent-ils pour construire leur jugement face à cette authenticité et sur quels critères fondent-ils leur perception?
Aujourd’hui, les consommateurs développent une appétence croissante face aux valeurs véhiculées par une communication d’entreprise transparente. En effet, dans un monde où le virtuel et donc l’artificiel ne font que croître, les valeurs des marques sont motrices d’appréciation et de loyauté. Les consommateurs aspirent ainsi à de vraies expériences de consommation à travers leur quête croissante d’authenticité dans un monde superficiel et hyperréaliste. Néanmoins, la globalisation grandissante, ainsi que les contraintes industrielles du luxe risquent d’éroder le secteur et mettent donc en péril l’authenticité du segment.
Les approches du jugement d’authenticité
Avant d’analyser les défis amenés par le jugement d’authenticité des marques, il est essentiel de comprendre comment il est façonné dans l’esprit des consommateurs. La première approche se situe dans les Indices indexiques. Ils font référence aux détails qui permettent d’établir la distinction entre «vrais» et «faux» objets de luxe. Par exemple, un label estampillé «made in France» sur des produits LVMH représente un tel indice indexique. En second lieu, un phénomène personnellement construit peut influencer les jugements, notamment les indices iconiques. Cela signifie que les consommateurs pourraient considérer quelque chose comme étant authentique si cela correspond à l’idée qu’ils se font de la chose vraie dans leur esprit. Ceci est typiquement influencé par la communication et le marketing. Enfin, les indices existentiels, représentent les fragments d’information reliant l’observateur à sa propre réalité, les connectent ainsi à leur «vrai soi». Si l’on prend Louis Vuitton comme exemple, le nom de la marque et sa personnalité de marque typiquement française peut évoquer des sentiments de fierté pour un consommateur français. Dans ce cas, les valeurs de la marque jouent un rôle prépondérant afin que les consommateurs se sentent réellement fidèles à eux-mêmes lorsqu’ils en consomment les produits. Ces trois approches démontrent donc que les perceptions d’authenticité du consommateur peuvent être fondées sur des preuves factuelles, des croyances et une conscience personnelle.
Les dimensions de l’authenticité d’une marque
Les perceptions d’authenticité du consommateur peuvent être fondées sur des preuves factuelles, des croyances et une conscience personnelle
Felicitas Morhart, prof. HEC Lausanne et fondatrice du Swiss Center for Luxury Research
En revanche, analyser le processus de création d’authenticité chez les individus ne suffit pas. Il en faut davantage aux entreprises pour appréhender leurs défis. C’est la raison pour laquelle quatre dimensions de perception d’authenticité ont été examinées chez les consommateurs. La première, la continuité, représente l’intemporalité de la marque et sa faculté à survivre aux tendances. Une marque est pensée comme un continuum par les consommateurs si elle sait préserver son héritage. La seconde, la crédibilité, fait référence à l’honnêteté et à la transparence de la marque envers ses consommateurs, qui la percevront donc comme étant fiable. La crédibilité peut être acquise grâce à un engagement de la marque envers la qualité de ses produits. L’intégrité, la troisième dimension, dénote la pureté morale de la marque. Cela signifie qu’elle est dirigée par des personnes intrinsèquement motivées et passionnées qui mettent la création de valeur ajoutée pour leurs consommateurs avant le profit. C’est une façon de souligner l’aspect moral de l’authenticité de la marque dans l’esprit des consommateurs. La quatrième et dernière dimension est le symbolisme, qui touche à la capacité de la marque à aider ses consommateurs dans le but de rester fidèles à eux-mêmes, en offrant des atouts importants tels que les valeurs, les modèles, et créant ainsi une possibilité pour les consommateurs de s’identifier. Ce dernier aspect est d’une importance majeure pour les consommateurs actuels.
En conclusion, nous pouvons affirmer que plus une marque est perçue comme authentique en termes de continuité, d’intégrité, de crédibilité et de symbolisme, plus les consommateurs y seront émotionnellement attachés et seront enclins à la choisir plutôt que des marques équivalentes et moins authentiques.
Dans la seconde partie de notre analyse, nous discuterons des défis de management dans la gestion de notions complexes d’authenticité, ainsi que leur rôle dans le succès de futures marques de luxe.
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