«La prévention en matière d’immunologie devient cruciale aujourd’hui»
A la tête de la Clinique La Prairie, Simone Gibertoni explique pourquoi le wellbeing sera la nouvelle destination vacances, une tendance fortement accélérée par la pandémie actuelle.
Impactée comme beaucoup de cliniques suisses dont la clientèle étrangère compose la majorité de ses fréquentations, la Clinique La Prairie (fondée en 1931 par le professeur Niehans) veut aujourd’hui mieux se faire connaître en Suisse. Basé à Clarens-Montreux, au bord du lac Léman, son centre médical et chirurgical à la pointe est déjà connu des patients locaux, mais c’est avec son savoir-faire en matière de prévention que la direction veut les toucher. Spécialisée depuis bientôt 90 ans sur le système immunitaire, La Clinique La Prairie développe depuis plusieurs années des cures d’une semaine alliant médical, nutrition, wellness et mouvement pour les personnes en quête d’une vie « en meilleure santé, plus saine et plus longue », et veut être l’une des destinations leader en sciences du bien-être, notamment en intégrant les avancées de l’épigénétique dans ses tests et programmes.
Quels sont les impacts du Covid-19 sur les activités de la Clinique?
Il doit être mesuré sur deux niveaux différents. Le centre médical, avec une patientèle locale en lien avec le système de soin suisse, a été plutôt faiblement impacté et directement liée aux 5 semaines de fermeture de l’établissement. L’activité internationale de la clinique, qui se compose de services santé-wellness de pointe dans un cadre d’hôtellerie de luxe est plus fortement impactée car 98% de cette clientèle vient de l’étranger, dont 70% hors Europe (Asie, Moyen-Orient et Amérique latine en tête), en lien direct avec les restrictions de vols et les quarantaines imposées. Nous faisons face à des réservations et annulations continuelles en fonction de ces critères très changeants. Pourtant, tenant compte de cela, certains clients ont tout de même souhaité venir et ont effectué la quarantaine obligatoire dans notre établissement en respectant scrupuleusement les consignes d’isolement, pour ensuite commencer leur cure.
Le modèle d’une clientèle internationale venant se faire soigner en Suisse est-il dépassé?
Non, absolument pas, la Suisse reste une référence en la matière et, parlant plus spécifiquement de Clinique La Prairie, nous avons une expertise très particulière dans le domaine de la médecine préventive que la clientèle aisée internationale recherche. De façon générale, pour parler de l’industrie du wellness en général, nous sommes persuadés qu’à moyen terme, la destination bien-être et santé sera clairement privilégiée par rapport à d’autres types de vacances. La santé devient un bien de luxe, et c’est encore plus vrai avec cette pandémie.
Cette tendance est-elle un changement de fond selon vous?
Je vois clairement un report du loisir vers le bien-être, avec une difficulté majeure pour les établissements à grande capacité d’accueil. Prendre son petit-déjeuner avec 300 autres clients ne sera plus viable.
Quelles sont les pertes de revenues subies sur la première partie de l’année?
Le premier semestre a vu son revenu baisser de 10% et le second sera certainement impacté de 30%, car l’été est normalement notre période phare. Heureusement, le secteur médical et la clientèle locale liée à cette activité est redevenu stable.
Laquelle de vos activités, wellness ou médical est la plus profitable?
Il y a encore quatre ans, lorsque j’ai pris la direction de la Clinique La Prairie, l’activité locale médicale n’était pas profitable, alors que le segment international dégageait des marges intéressantes. Aujourd’hui, l’Ebitda du centre médical est profitable, sans bien sûr rejoindre les marges de l’activité luxe, mais nous avons pu faire croître ce segment et nous avons pu maintenir et augmenter la partie internationale. Nous investissons toujours sur les meilleurs médecins, chirurgiens et infrastructures de soins hospitaliers car c’est aussi un avantage pour notre clientèle internationale. Et c’est un atout que nos concurrents ne peuvent pas offrir. Un «Medical spa» ne possède généralement que deux ou trois médecins, alors que nous comptons 55 médecins, avec 27 spécialités et 3 salles d’opérations. L’activité locale nous permet de couvrir les coûts. Notre chiffre d’affaires peut donc se résumer à 60% international et 40% local, avec une marge plus haute sur le secteur international.
Quels sont vos concurrents?
Généralement, sur la partie wellness prestige, les établissements allemands Lanserhof sont considérés comme nos concurrents. Sur l’aspect médicale, les groupes tels que Genolier ou Hirslander, mais ils possèdent des business model différents du nôtre.
Quelle est la différence entre le marché du tourisme médical et le tourisme wellness?
Le marché du tourisme médical est dédié à une clientèle dont les besoins médicaux tels qu’une opération de la hanche ou du genou doivent être corrélés au meilleur rapport qualité-prix. Le modèle du tourisme wellness que nous captons et que nous voulons développer au travers de notre clientèle Suisse et internationale est dédié à une clientèle en bonne santé, mais qui veut se sentir encore mieux, un client qui porte une grande attention préventive à son état de santé. Notre attention va au développement du marché du wellness, mais avec une composante rigoureuse de compétences médicales, c’est pourquoi nous parlons d’expertise et programmes de « longévité ».
Quels sont les modèles à l’étranger que vous développez?
Nous avons quatre modèles. Tout d’abord le «Resort», similaire à notre structure en Suisse, qui englobe une combinaison de structures médicale, wellness et hospitality. D’ici 5 à 7 ans, nous souhaitons en développer aux Etats-Unis, en Asie et au Moyen-Orient. Ce sont des investissements conséquents qui représentent chacun entre 100 et 200 millions de dollars. Il y a ensuite le modèle «Medical spa», qui est sur le point d’ouvrir à Bangkok. Nous visons une quinzaine d’ouvertures dans le monde dans les plus grandes villes. Chacun nécessite une surface de 2000 m2, il est opportun de les ouvrir à l’interne de structures existantes comme un établissement hôtelier. Notre «Clinique La Prairie Medical Spa» à Bangkok est situé à l’hôtel St-Regis. Deux «Medical spa» sont en cours aux Etats-Unis et un au Moyen-Orient. Le troisième modèle s’appelle «Urban Aesthetics Clinic», déjà ouvert à Madrid en janvier 2020, et implique une structure plus petite, très centrée, focalisée sur la médecine esthétique. Et le dernier des modèles s’appelle «Clinique La Prairie House», que nous avons ouvert, par exemple à Shanghai. C’est un lounge, sur le Bund, qui nous permet de parler à nos clients, sans faire de thérapie, un lieu où l’on peut expliquer quel est notre philosophie, présenter notre offre et expliquer notre plus-value.
Quelle est votre plus-value?
Notre mission est claire: améliorer la vie des gens pour qu’elle soit plus longue et de meilleur qualité. Pour cela, nous avons besoin de rester proche de nos clients, de continuer à les suivre une fois qu’ils ont quitté notre établissement. Nos centres à l’étranger permettent de le faire. Lorsque nos clients viennent en clinique, ils profitent de nos technologies et produits à la pointe Clinique La Prairie. Ce sont des programmes ou des services de suivis que nous allons enfin pouvoir développer à l’étranger et qui permettront à nos clients de continuer à avoir les bénéfices du programme chez eux. Notre expansion comprend aussi le développement de produits et technologies de santé, comme des compléments alimentaires développés par les experts de Clinique La Prairie, qui seront mis sur le marché au début 2021, made in Switzerland. La recherche a duré des années, à l’interne . C’est un secteur très complexe dans le domaine des Lifescience qui est de plus en plus important pour le secteur du wellness.
Comment sont gérés ces centres?
Nous gérerons les Resorts - les structures les plus grandes - sur un modèle de gestion hôtelière. Les autres modèles seront variables, entre franchise et gestion directe. Tous représenteront les quatre piliers de Clinique La Prairie : le médical, la nutrition, le mouvement, le wellbeing
Expliquez-nous ces quatre piliers.
Cela part de l’épigénétique, c’est-à-dire de l’expression de changements d’activité des gènes selon les facteurs environnementaux et influant directement sur la durée et la qualité de vie. Contrairement à la génétique qui est une photographie à un instant T de l’état des gènes, l’épigénétique détermine les facteurs extérieurs, provenant du style de vie. Ce sont donc nos quatre piliers, le médical, la nutrition, le mouvement, le wellbeing qui permettent de mieux maîtriser ces facteurs extérieurs par des coachings et des technologies propres à la Clinique La Prairie. Par exemple à travers notre programme Revitalisation, qui intègre nos connaissances acquises depuis 90 ans sur le système immunitaire. Avec le Covid, tout le monde parle du système immunitaire. La Clinique La Prairie travaille depuis presque un siècle sur ce domaine. Mais d’autres programmes existent, toujours modulés selon nos quatre piliers, pour une prise en charge globale du client. Le programme Master Detox par exemple sera au centre de nos attentions ces 12 prochains mois. Il permet d’activer les gênes responsables de la détoxification à travers des ingrédients de nutrigénomiques, des activations qui se basent sur les tests génétiques et des traitements holistiques. Car je le rappelle, les problèmes majeurs liés au Covid sont le système immunitaire et l’inflammation. Pouvoir les gérer de manière préventive est très important.
Quel est votre urgence aujourd’hui?
Être davantage connu en Suisse où les clients n’ont pas connaissance de nos programmes, infrastructures et standards très élevés.
Quel est votre positionnement sur la partie Médical Spa (Wellness)
Notre Clinique La Prairie a une capacité de 38 chambres pour les services de santé wellness. Nous ne pouvons donc accueillir qu’un maximum de 50 clients par semaine. Notre positionnement est très haut de gamme, très niche, avec une dépense moyenne par client de 33'000 dollars la semaine, avec des programmes d’une semaine, comme le Master Detox, qui débute à 18'000 dollars. A titre de comparaison, si vous vous rendez dans un Palace où vous effectuez deux ou trois massages par jour et vous profitez du restaurant étoilé, à la fin de la semaine, la somme dépensée sera la même. A la Clinique La Prairie, vous voyez des médecins et des experts qui auront un impact inestimable sur votre bien-être à long terme et vous avez 6 à 7 heures d’activité quotidienne programmée.
Qu’en est-il des rumeurs sur la vente de La Clinique La Prairie?
Cette rumeur tourne depuis maintenant trois ans. Une fois pour toute, non, la Clinique n’est pas à vendre. Elle reste en main familiale, aujourd’hui menée par la deuxième génération de la famille Mattli, propriétaire depuis 40 ans, avec Gregor Mattli, président de la clinique.
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