Dès le début de la pandémie, la plupart des dépenses dans l’industrie du luxe se sont effondrées et l’industrie de la joaillerie a été fortement impactée. Mais tout n’est pas négatif. Le secteur retrouve de l’éclat. Décryptage par notre correspondante aux Etats-Unis.
54%
la baisse de la production de diamants par De Beers en S2 2020
250 000$
la vente d'un bijou via Instagram par Sanjay Kasliwal
250%
l'augmentation des ventes de joaillerie abordable par la marque Marissa Collections
Récemment, des rapports de ventes et de production dans l’industrie joaillère présentaient des résultats sensiblement différents. Fin avril, le détaillant en ligne Moda Operandi annonçait une croissance de 35% des ventes de joaillerie fine, alors qu’en août De Beers publiait un rapport affirmant qu’uniquement 46% des consommateurs considéraient que leurs dépensent en joaillerie étaient à un niveau habituel. Jeffrey, une boutique connue pour le choix pointu de ses pièces de joaillerie, a mis la clé sous la porte cet été en raison du Covid-19, rendant ainsi la distribution encore plus morose pour les designers indépendants. Aujourd’hui, les créateurs font face à des choix difficiles pour préserver leur trésorerie, maintenir l’emploi de leurs artisans et trouver des moyens de connecter avec des clients sans les rencontrer en personne. Certains optent pour des coupes drastiques dans les coûts. Aucun achat de nouvelles pierres ni de production de nouvelles collections, mais une obsession : écouler à tout prix leur stock existant. En parallèle, d’autres investissent dans le commerce en ligne haute gamme et créent des collections abordables afin d’attirer de nouveaux clients.
La fermeture des exploitations minières
L’arrêt des exploitations minières en raison du Covid-19 a empêché l’approvisionnement de pierres brutes. Le Groupe De Beers informait sur la baisse de 54% de sa production en diamants bruts au deuxième semestre 2020 pour un total de 3.5 millions de carats alors que le premier semestre totalisait encore 7.8 millions de carats. Les ventes, elles aussi, chutaient drastiquement: le groupe enregistrait un score dramatiquement bas de 0.3 millions de carats vendus, alors qu’à la même période en 2019, De Beers vendait pour 9.0 millions de carats. La raison est à chercher du côté de la production limitée et de la fermeture des usines de polissages et de coupe.
Tom Heyman de la boutique Oscar Heyman, un joailler basé à New-York et connu pour ses pierres de couleur exceptionnelles, adopte une approche prudente. En temps normal, son équipe voyage constamment à travers le monde afin d’acquérir les pierres les plus incroyables. Avec un stock d’un ou deux ans de pierres exceptionnelles sur les bras, l’entreprise a préféré stopper ses achats de nouvelles pierres et la fabrication de nouvelles pièces afin de préserver sa trésorerie durant cette période. Tom Hayman explique: «nos plans d’achats de pierres sont suspendus jusqu’à ce que nous en ayons besoin. Nous n’achetons plus aucune pièce de joaillerie pour notre stock. Dans un ou deux mois, une fois que nous aurons enregistré quelques ventes, nous feront une sélection minutieuse des pièces destinées à notre stock. Mais pour l’instant, nous pensons avoir toutes les pierres dont nous avons besoin».
En raison de la fermeture des exploitations minières, les pierres exceptionnelles se font rares. Et les joailliers de renom et les collectionneurs le savent bien, les pièces rares et magnifiques ne se représenteront pas de sitôt. De ce fait, dès qu’une pierre exceptionnelle se présente, ces derniers l’achètent, malgré la pandémie et l’incertitude économique.
Ces problèmes d’approvisionnement affectent par ailleurs également la vente de détail. Jay Hartington, CEO du détaillant de luxe en ligne Marissa Collections, affirme même que ça a été l’une des difficultés majeures du business durant le Covid-19. «Les marques de joaillerie sont frileuses et la production de certaines entreprises est en retard de six semaines en raison de leur manque d’employés. Tout prend plus de temps.»
L’Industrie de la joaillerie est forcée de se renouveler en ligne
Avec des boutiques fermées et des consommateurs inquiets, les maisons de joaillerie doivent trouver de nouveaux moyens de rencontrer leurs clients. Pour certains, ce problème s’est révélé étonnement positif.
Sanjay Kasliwal a longtemps été propriétaire d’une boutique sur Madison Avenue, mais déjà avant la pandémie, son business n’était plus exclusivement rattaché à sa boutique physique.
Shalini Kasliwal, Présidente et CEO de Sanjay Kasliwal, explique: «notre activité principale se faisait sur rendez-vous, ou via Instagram, WhatsApp et par email. La partie de l’activité impliquant des clients physiques dans nos locaux s’élevait à 30%. Le Covid-19 a été la parfaite opportunité de franchir le pas supplémentaire et de fermer la boutique afin d’investir davantage dans notre site web et dans l’e-commerce.» En plus d’avoir lancé le commerce en ligne, Sanjay Kasliwal a retravaillé sa collection et a créé des pièces plus abordables à vendre via le digital, à des prix avoisinant les 3'500 USD. Mais cela ne signifie pas que ses pièces de joaillerie les plus chères dormaient dans le coffre. Kasliwal continue «la pièce la plus chère que j’ai vendue sur Instagram s’élevait à 250'000 USD !».
Jay Harington s’accorde à dire que la joaillerie à prix abordable se porte bien.
Il ajoute: «La vente des pièces de joaillerie sous les 5'000 USD a bien performé, et même surpasser le niveau de l’année précédente, en particulier dans les catégories or et diamant. Nous avons déjà eu un très bon début en ligne depuis le Covid-19, et ces canaux ont marché de façon spectaculaire depuis. En juin, nous avons enregistré une augmentation de 250% grâce à la joaillerie.» Il reste donc optimiste quant au dernier semestre de l’année 2020. Chez Beekman NY, Novak note que le prêt de joaillerie est toujours en plein essor, offrant ainsi aux femmes la possibilité d’essayer des pièces et de voir si elles fonctionnent dans leur vie quotidienne avant de se diriger vers une boutique pour acheter.
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