Alors que les JO de Pékin débutent ce vendredi 4 février, Raynald Aeschlimann, CEO et président de la marque Omega revient sur les résultats positifs de l’année écoulée et les stratégies déployées pour valoriser ses icônes.
Pékin se prépare, en silence, sous cloche aseptisée et dans la maîtrise la plus absolue des compétitions sportives, à ouvrir les Jeux olympiques d’hiver 2022. Omega, chronométreur officiel des JO depuis 1932, a dépêché sa délégation technique sur place. Mais Raynald Aeschlimann ne s’y rendra pas. Dans un entretien exclusif, il livre ses stratégies pour l’année à venir, explique comment il compte captiver l’attention de la jeune génération et revient sur les performances financières de la marque, alors que les chiffres 2021 de Swatch Group sont sortis récemment. Rencontre.
Vous célébrez aujourd’hui les 65 ans de la Speedmaster avec le lancement d’une réédition du modèle historique, la Speedmaster Calibre 321 en Canopus Gold, un matériau exclusif qu’Omega a mis au point. Quelle est votre stratégie aujourd’hui concernant le milieu des collectionneurs?
Ce modèle, façonné dans ce matériau exclusif, est une façon de célébrer l’histoire de notre modèle emblématique Speedmaster, dans un esprit vintage. Ce modèle représente l’essence de la collection, par tous les détails historiques de son design que l’on a voulu honorer, tout en intégrant les technologies les plus avancées. Certes, son prix est élevé (ndlr 80 800 francs), mais la montre a été pensée pour inspirer les passionnés de la marque. Il est aussi primordial de soutenir la légitimité historique de la collection lorsque des modèles iconiques sont proposés aux ventes aux enchères. C’est ce que nous avons récemment fait avec le modèle Speedmaster de l’écrivain emblématique américain Ralph Ellison, acquise par le musée Omega.
Vos collectionneurs rajeunissent-ils ou vieillissent-ils au fil des anniversaires Speedmaster?
Mes collectionneurs rajeunissent énormément, et j’en suis fier! Pourquoi? Parce que nous avons capitalisé sur l’esprit de la Speedmaster, tout en modernisant le style, en proposant des bracelets Nato, des rendez-vous #SpeedyTuesday pour les collectionneurs. Nous avons su encourager une nouvelle génération d’amateurs, très jeune, très motivée à porter des montres vintage Omega. Vendre des modèles neufs est bien sûr crucial, mais honorer ceux qui achètent un modèle Omega en deuxième main est capital. Nous souhaitons leur dire: «Vous avez acquis votre montre dans une vente aux enchères, à un prix tout à fait abordable, elle a peut-être 40 ans, mais soyez fier de la porter.» C’est cette fierté que nous souhaitons transmettre aux jeunes, nos clients de demain. Nous le constatons avec le modèle Speedmaster 321 en acier. Ceux qui l’achètent sont des passionnés d’Omega qui ont débuté leur rapport à la marque en achetant d’abord du vintage, en plongeant dans l’histoire du modèle.
La valeur patrimoniale d’une marque, d’un modèle iconique est un enjeu pour toutes les marques. Si la désirabilité augmente, le prix moyen prend souvent l’ascenseur. N’y a-t-il pas un danger ? Ce modèle Speedmaster en Canopus Gold à 80 800 francs peut en être un exemple…
Il y aurait danger si l’on sortait de notre règle: celle d’offrir toujours plus de valeur pour le prix. Nous souhaitons très clairement rester dans une fourchette de prix évoluant entre 5000 et 10 000 francs et un prix moyen de 7000 francs. Cette vision est fondamentale et elle doit le rester. Je peux clairement affirmer que dans cette gamme de prix, Omega est leader. Pour y arriver, nous avons investi énormément dans le secteur Recherche & Développement, les mouvements, la qualité, la certification Master Chronomètre, et ça, c’est l’ADN d’Omega. Sortir de cette règle serait alors un danger pour la marque. Le modèle anniversaire Speedmaster est en Canopus Gold, un or qui intègre énormément de palladium, de rhodium. Certes, son prix est élevé, même si certains le voyaient encore plus haut. Mais je refuse de rentrer dans cette démarche. Il s’agit d’un modèle d’inspiration. Il ne faut jamais abuser d’un statut d’icône. Il attire certes un plus petit nombre de clients, mais c’est une clientèle qui se développe chez Omega. Il est clair que la stratégie de segmentation et de complémentarité des marques de Swatch Group est un succès qui doit le rester.
Vous annonciez récemment vouloir équiper tous vos modèles de la certification Master Chronomètre, sauf le 321. Où en êtes-vous ?
C’est une évolution qui est liée à la production industrielle de la manufacture Omega. Cette année, 95% de toutes nos montres mécaniques seront certifiées Master Chronomètre. Cela a toujours été notre vision. Une technologie à laquelle nous croyons depuis dix ans. C’est une certification extérieure, indépendante, supérieure au chronomètre, déclinée sur des centaines de milliers de modèles. Et à disposition de l’horlogerie.
Effectivement, une autre marque (Tudor) l’intègre également aujourd’hui. Vous n’êtes plus seul à revendiquer cet atout…
J’ai toujours très clairement dit que cela prouve la valeur intrinsèque de cette certification. Je m’en réjouis. C’est dans l’intérêt du client final. Nous le proposons pour 95% de nos modèles, après des années de développement et d’industrialisation. Si un autre grand groupe horloger concurrent fait exactement la même chose, mais pour certaines pièces, c’est très bien. Notre force de développement industriel reste intacte.
Comment donc regagner cette longueur d’avance?
Des centaines de milliers de clients Omega portent aujourd’hui cette technologie à leur poignet. L’ADN d’Omega est de continuer à innover, dans ce domaine, mais également dans la mise au point de nouveaux matériaux. Le mouvement co-axial initié par Monsieur Hayek il y a plus de vingt ans (1999) est également un grand atout. Être pionnier, c’est offrir le meilleur à notre clientèle.
Omega a également innové avec l’ouverture de son magasin The Circle à l’aéroport de Zurich. Allez-vous décliner ces nouveaux concepts à l’international?
Je suis très fier de ce magasin, parce ce que nous l’avons ouvert en pleine pandémie, au moment où d’autres auraient décidé de fermer des boutiques. Cela démontre notre envie de développer la proximité avec nos clients. Nous avons gagné passablement de parts de marché avec la clientèle locale ces deux dernières années, aux États-Unis, en Asie, en Europe, et bien sûr à Zurich. C’est un lieu de rencontre 2.0 tourné vers le futur, pensé pour délivrer un maximum d’informations, pour développer une relation à la clientèle dans un confort et une approche très qualitatives. Le succès est au rendez-vous et le taux de conversion y est très bon. Le temps passé avec le client est plus long, l’engagement est supérieur. Nous décelons un très grand intérêt de la part de nos clients à échanger sur l’histoire de nos montres. Nous avons déjà transformé plus de la moitié de nos boutiques dans le monde avec ce concept, ce nouveau mobilier. Les clients locaux ont besoin d’une approche plus intime, une expérience d’achat plus longue qu’un touriste.
Vous annonciez espérer revenir rapidement aux chiffres de 2019. Était-ce le cas en 2021? Les chiffres de Swatch Group sont sortis récemment et communiquent un bénéfice net de 774 millions de francs.
Comme vous le savez, je ne peux pas commenter les chiffres du groupe. Ce que je peux vous dire c’est qu’Omega a enregistré sa meilleure année historique sur le plan du retail! C’est tout à fait symptomatique, alors que nous n’avons pas ouvert de nouvelle boutique en 2021. Cela démontre que nous avons gagné des parts de marché localement. Bien sûr, les États-Unis et la Chine, nos deux pays historiques, ont porté cette croissance.
Les Jeux olympiques de Pékin tombent donc à point nommé pour commencer 2022?
Oui, et il est important de préciser que nous sommes les chronométreurs et non les sponsors des JO. C’est un point important. Notre rôle se situe dans la performance de la mesure du temps, encore démontrée lors des derniers jeux de Tokyo. Nous allons délivrer un résultat fondé sur la perfection chronométrique. Plus de 300 personnes sont sur place pour l’assurer. Même si le public ne sera pas présent dans les stades, les téléspectateurs seront au rendez-vous. C’est une vitrine importante pour la marque. Les Jeux olympiques restent encore et toujours le plus grand événement sportif du monde. Pour les athlètes, c’est le rêve de toute une vie. Bien sûr, les conditions générales ne sont pas habituelles, elles sont même difficiles, également en raison du Covid-19.
Le sport devient aussi un porte-voix de conditions politiques. Cela complique le jeu pour vous?
Notre mandat de la part du CIO est très clair. Celui de délivrer la perfection du chronométrage pour les athlètes. Nous voulons innover sur les plateformes pour être le relais des émotions des sportifs, puisque nous n’allons pas pouvoir activer l’événement sur place.
Quelle est votre stratégie pour les années à venir?
La vision d’Omega est de continuer à travailler sur ses quatre piliers, ses quatre collections emblématiques et de les renforcer. Nous avons la chance de compter sur une force industrielle exceptionnelle, mise en place par Swatch Group. Rester pionnier, c’est pouvoir innover sur les mouvements, les matériaux, mais aussi innover dans la poursuite de notre histoire liée à l’espace, aux Jeux olympiques. C’est unique dans l’horlogerie si vous y pensez. Cela rassure nos clients. C’est une valeur importante qui le deviendra toujours plus au XXIe siècle, surtout en période postCovid-19. La légitimité historique est une valeur de marque capitale.
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