Hydra, la plus désirable des îles grecques

À une heure à peine de l'hydroglisseur du port du Pirée, Hydra est un caillou posé dans la mer Égée et ses eaux turquoise. À l’entrée du golfe Saronique, ce petit bijou abrite l’un les plus beaux villages de la Méditerranée bâti en amphithéâtre, et de splendides demeures d’armateurs du XVIII^e siècle, une île rocailleuse qu’Henry Milller qualifiait dans les années 30 de «roc qui sort de la mer comme une énorme miche de pain pétrifiée», dans son ouvrage Le colosse de Maroussi. Dans les années 60, Leonard Cohen, Sophia Loren ou les Kennedy y élisaient domicile.

Artistes et avant-gardes s’y sont succédé depuis lors, à l’image de l’Américain Brice Marden, Yannis Kounellis, ou encore le photographe Erwn Wurm. Plus récemment, la famille Guillon, propriétaire de la marque de cosmétiques suisse Valmont, y a installé une antenne de sa fondation d’art contemporain iconoclaste et y possède un bateau à voile. Il n’y a rien à faire à Hydra, à part aller à la plage – de cailloux – ou assister au coucher du soleil. Et déambuler dans les ruelles pleines de chats et de bougainvillées. Ajoutez à cela l’absence de routes carrossables, de voitures, de vélos, de bars et de boîtes de nuit, qui lui permettent de conserver un charme authentique. Criques secrètes, montagnes coiffées de monastères, balades sur des chemins non carrossables… Hydra s’inscrit en faux avec la mythologie estivale des autres îles grecques, à l’instar de la lointaine et discrète Tinos. Elle s’offre à qui sait l’apprivoiser, dépasser le front de mer empli d’estivants pendant la journée, mais qui, le soir venu, quittent l’île à bord de gros ferrys, comme une volée de moineaux qui s’égaient. Plutôt paisible et désertée l’hiver, Hydra redevient chaque saison un hot spot de l’art contemporain.

Galeristes, collectionneurs et artistes se retrouvent à Hydra. Notamment grâce à la fondation Deste, née en 1983 par la volonté de Dakis Joannou, octogénaire, homme d’affaires richissime et grand collectionneur d’origine chypriote. Une sorte de Pinault grec, derrière lequel courent tous les marchands, galeristes et curateurs d’art du monde. Il possède plusieurs milliers d’œuvres, estimées à des centaines de millions de dollars.

C’est à lui qu’appartient Guilty (coupable), le fameux yacht bigarré repeint par Jeff Koons dont il est l’un des mécènes. Un yacht de 35 mètres qui boucherait presque l’entrée du port lorsqu’il prend ses quartiers dans le modeste port d’Hydra. Koons, l’un des artistes les plus chers du monde, a peint la coque et la passerelle de motifs géométriques inspirés des peintures camouflage de la marine britannique pendant la Seconde Guerre mondiale, le rattle dazzle. Mais en version pimpée et colorée, immanquable évidemment. C’est Joannou aussi qui a racheté les anciens abattoirs, un petit bâtiment rectangulaire face à la mer, qui a accueilli en 2022 une exposition de Koons. Le lieu a également accueilli des œuvres de Marcel Duchamp ou Philippe Parreno entre autres. Un morne bâtiment sans charme, ancien abattoir de chèvres, reconverti en hotspot arty.