Du low-cost à la technologie, la mue du dragon taïwanais

«Made in Taiwan», combien de fois a-t-on pu lire ces trois mots sur l’étiquette d’un vêtement ou au dos d’un appareil électronique? Un nombre incalculable de fois. A tel point que nombreux sont ceux qui pensent encore que cette île située à 180 kilomètres de la Chine est toujours une immense usine de produits low-cost. La réalité est pourtant bien différente. Pour deux raisons. La première est que Taiwan est essentiellement couvert de collines verdoyantes et de montagnes escarpées. Faisant le bonheur des randonneurs et autres amateurs de flore. Loin de l’image grisâtre d’une sinistre zone industrielle. La seconde est que l’économie du pays ne se limite plus à la fabrication à la chaîne de produits de pacotille. C’est même tout le contraire. Depuis quelques années, l’accent est porté sur le soutien aux startups avec pour ambition de transformer le «Made in Taiwan» en un fleuron technologique. Parmi les 6000 jeunes pousses que compte l’île, certaines sont considérées comme de véritables pépites: Kneron, Verdigris Technologies, Tetanti Agribiotech ou encore QT Medical. Pour se développer, elles disposent de sacrés atouts: une population de 23 millions d’habitants à l’intérêt marqué pour le digital, un pouvoir d’achat élevé, ainsi que de grands groupes locaux comme Acer ou Pegatron. Ces derniers ne cachent plus leur appétit grandissant pour le rachat des startups taiwanaises prometteuses.    

Le contexte géopolitique de la région favorise également la création d’une «start-up nation» compétitive. Territoire indépendant depuis 1949, Taiwan dispose de son propre gouvernement, de ses institutions et de sa monnaie, le dollar taiwanais. Même si l’île est revendiquée par Pékin, sa liberté est relativement grande. Ce qui la rend également perméable aux tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis, par exemple. Une stabilité politique et économique qui lui permet d’endosser le rôle de porte d’entrée sur le marché chinois, et plus largement asiatique. Le Bureau Business France de Taipei précise: «Taïwan est déterminée à ne pas manquer la révolution industrielle en cours, celle de l’intelligence artificielle.» D’autant que le pays peut s’appuyer sur une économie en excellente santé. Avec un taux de chômage dépassant à peine les 3,7% et une croissance prévue de 2,4% cette année, l’Etat insulaire confirme son statut de dragon asiatique avec Hong-Kong, Singapour et la Corée du Sud.

Reste que les défis pour l’économie taïwanaise ne manquent pas. Sa relation avec la Chine reste l’une des préoccupations majeures. Un mouvement d’humeur de la part de Pékin pourrait avoir comme conséquence de déstabiliser l’île. Autre motif d’inquiétude, le taux de fécondité. Selon le dernier World Factbook, il se situe à 1,13 enfant par femme, l’un des plus faibles au monde. Ce vieillissement annoncé de la population pèsera sur la capacité productive du pays ainsi que sur les comptes publics. Et le think tank Academia Sinica de rappeler: «Taiwan doit accélérer la formation des talents, améliorer le système d'évaluation de l'impact environnemental, réformer les impôts et augmenter l'efficacité administrative. Les agences gouvernementales et les entreprises doivent coopérer pour faire face aux immenses changements apportés par Internet et pour maintenir la compétitivité des industries taïwanaises.» L’île pourra compter avec un allié de poids: la digitalisation de l’économie mondiale. En effet, elle est l’un des plus grands fournisseurs de semi-conducteurs, ordinateurs et téléphones portables au monde. Un gigantesque marché dont la croissance s’annonce radieuse ces prochaines décennies…