Style & Évasion

Au Japon comme ailleurs, les codes de la beauté trouvent une nouvelle valeur patrimoniale

Cristina D’Agostino

By Cristina D’Agostino06 novembre 2020

Au Japon, comme dans d’autres pays, les codes de la beauté évoluent. En fonction de la manière dont une génération se réapproprie son identité et son patrimoine culturel, les normes esthétiques suivent le même chemin. Et les marques de cosmétique, à l’image de Shiseido, cultivent cette tendance.

Le Japon, resté longtemps figé dans une beauté traditionnelle, a connu des évolutions liées à sa propre ouverture vers l’Occident (Shutterstock)

Si les thématiques de l’inclusion et de la diversité dominent également le business de la cosmétique aujourd’hui, la valorisation d’une culture de la beauté liée à un territoire, à un héritage identitaire ne faiblit pas pour autant. L’American Beauty, la Japan Beauty, la Korean Beauty sont devenus des concepts marketing forts au fil des décennies, des tendances sur lesquelles les marques de cosmétique continuent à jouer, tout en les rendant plus hybrides. Les codes de la beauté évoluent en fonction de la manière dont une génération se réapproprie son identité, son patrimoine culturel. Le Japon, resté longtemps figé dans une beauté traditionnelle, a connu des évolutions liées à sa propre ouverture vers l’Occident. Des marques de cosmétique japonaises ont trouvé un essor à l’international, à l’exemple du groupe Shiseido. Miyabi Kumagai, Brand Heritage et Culture Manager chez Shiseido Group EMEA explique comment le concept de beauté à la japonaise est aujourd’hui valorisé.

Miyabi Kumagai, Brand Heritage et Culture Manager chez Shiseido Group EMEA (DR)

Comment décririez-vous le concept de «beauté à la japonaise»?

En termes de beauté, le Japon n’avait pas connu d’évolution depuis mille ans. Les premières histoires inscrites dans le patrimoine culturel remontent au 6ème siècle. Elles décrivent toutes les mêmes critères: un teint blanc, des yeux, sourcils et cheveux noirs et du rouge sur les lèvres ou le coin des yeux. Ces trois couleurs principales ont perduré pendant mille ans. Jusqu’à l’arrivée d’influences occidentales avec la réforme de Meiji au 19ème siècle.

Quelles conséquences ont eu ces ouvertures vers l’Occident?

La marque Shiseido, née en 1872, suit la même évolution que le Japon, au même moment. Il est intéressant de suivre l’histoire de la beauté et son évolution scientifique liée à l’ouverture vers l’Occident. Fondée par Arinobu Fukuhara un pharmacien engagé dans la marine royale japonaise, Shiseido se développe d’abord en tant que pharmacie grâce aux médicaments importés d’Angleterre et de France. Son fils, Shinzo Fukuhara, pharmacien, artiste et photographe réputé, dont le style artistique a été largement éprouvé au contact des impressionnistes français lors de ses séjours en France au début du siècle dernier, fonde la branche cosmétique de Shiseido en 1916. Les racines françaises ont depuis largement façonné l’identité japonaise de Shiseido. La marque crée à l’époque des produits de beauté avec l’efficacité de la pharmacologie, basée sur une prise de conscience de la santé à l’occidentale.

Une publicité de la marque Shiseido datant de 1963. Les codes de beauté illustrent clairement des influences japonaises er occidentales (DR)

Aujourd’hui, constatez-vous un retour aux sources?

Effectivement, il y a un retour aux sources de ce qu’on appelle la beauté à la japonaise, et que la tendance peut appeler le J-Beauty, un concept né en Occident. Le J-Beauty fait suite au K-Beauty, un concept de beauté coréenne qui a fait fureur. Le Japon a pris conscience de la valeur patrimoniale de cette beauté à la japonaise.

Qu’en est-il aujourd’hui?

L’authenticité, la durabilité et la notion de perfection sont des valeurs centrales, tout comme l’art de l’équilibre entre deux extrêmes, typiquement japonais, oser avec subtilité, savoir relâcher et rester en tension, prononcer le regard et estomper les lèvres. La cosmétique de Shiseido incarne cet équilibre, avec un fondement: la santé de la peau.

La beauté est aussi un critère de puissance dans le luxe. Qu’en pensez-vous?

La beauté n’est pas l’objectif primaire, c’est d’abord le rituel lié à la tradition spirituelle de purification. Les Japonaises utilisent traditionnellement plus de produits, en nettoyage et en hydratation, car cela fait appel à l’héritage du soin lié au spirituel, on se prépare pour être présentable face à dieu, face au monde Depuis que Shiseido a créé le soin de peau moderne, la marque a contribué aux étapes de rituels de beauté. C’est le rituel japonais, ancré depuis l’arrivée du bouddhisme au Japon au 6ème siècle. La finalité est de permettre à chacun de s’offrir du temps pour soi. Travailler sa beauté sur un temps long, par le rituel, c’est le nouveau luxe.

La J-Beauty a-t-elle conquis toute l’Asie?

La Corée, tout comme Taïwan, regarde toujours de très près ce qu’il se passe au Japon, des échanges perpétuels ont lieu entre ces pays. La Chine, par contre est en pleine expansion. Elle est aujourd’hui en quête de sa propre identité et n’a pas encore élaboré ce que l’on pourrait appeler la C-Beauty.  

Références

  • 1

    Sous le règne de Mutsuhito, l’empereur Meiji (1852-1912), le Japon connaît une refonte des systèmes politiques, économiques et sociaux aboutissant à une modernisation extrêmement rapide du pays

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