A Los Angeles, l’âge d’or des clubs privés renaît
By Isabelle Campone29 septembre 2020
Alors que cérémonies et grandes premières ne font plus partie des agendas depuis des mois, les puissants de Hollywood ou de New York se retrouvent dans le cercle intime des nouveaux clubs privés. Décryptage d’une tendance en plein essor.
Dans l’ambiance parfois post-apocalyptique de Los Angeles aujourd’hui, même Groucho Marx aurait aimé se rendre dans un cercle privé, lui qui disait ne jamais vouloir faire partie d’un club qui l’accepterait pour membre. Et il n’aurait eu que l’embarras du choix. Les «private social clubs» fleurissent depuis quelques mois dans la cité des anges. Alors que les restaurants peinent encore à rouvrir après six mois de pandémie, que plus aucune première, ni cérémonie, ni même soirée privée ne s’organise, les puissants du cinéma ne savent plus où se croiser. L’idée d’un lieu privé réservé à quelques happy few est dès lors devenue la tendance absolue.
Un concept anglo-saxon à l'opposé du coworking
Le concept fait bien sûr partie de la tradition anglo-saxonne et a déjà vécu de beaux jours dans le Hollywood de l’âge d’or. Mais ce quant-à-soi un peu désuet séduit à nouveau les célébrités, et tous ceux qui aiment ce sentiment d’appartenance à un cercle exclusif.
Le plus attendu d’entre eux était le San Vincente Bungalows, ouvert l’an dernier par Jeff Klein, déjà propriétaire du Sunset Tower, un sanctuaire auquel les paparazzis et autres communs des mortels n’ont pas accès, mais où l’on ne dîne pas sans croiser des superstars. «J’ai pressenti le besoin d’un club très haut de gamme, nous confie Jeff Klein, à la sélection très pointue, devant offrir une atmosphère sophistiquée et cozy à la fois, avec un service impeccable et une protection extrême de l’intimité de ses membres.» Pari gagné, son club est le plus charmant et sélect de LA. Une oasis de bungalows blancs à la végétation tropicale et à la piscine turquoise qui transporte ses membres dans une ambiance de resort caribéen rétro.
Car même si l’on y vient aussi pour networker, ces nouveaux clubs privés n’ont rien du coworking space. Le San Vincente Bungalows, le h Club ou le Zero Bond à New York (tous ouverts l’an dernier), comme les futurs clubs The Arts Club ou The Britely à LA ne sont pas «Wework». Ni même la Soho House, qui a donné naissance à la tendance, mais aujourd’hui dépassé par ces nouveaux venus qui offrent bars, restaurant, salle de sport, cinéma et piscine.
Un espace privé à l'intimité garantie
Estelle Lacroix, la manager suisse du Britely le souligne: «L’idée est vraiment de constituer un groupe social, des gens qui se rencontrent, qui viennent pour la communauté et non pour être sur leur laptop. Nous souhaitons des membres de tous horizons. Et notre rôle est de devancer leurs attentes et leurs goûts». Et de protéger leur intimité. Car dans ces clubs, pas de risque de se retrouver sur Instagram. Au San Vincente Bungalows par exemple, on colle un petit sticker sur la caméra de votre téléphone et une fuite peut signifier une exclusion à vie. «Toute la conception du club a été faite pour que les gens se sentent chez eux. La tranquillité et la confiance sont primordiales», insiste Jeff Klein. «On ne divulgue pas le nom de nos membres. Lorsqu’un jour, quelqu’un a raconté publiquement qu’il avait vu chez nous Spielberg se réconcilier avec le boss de Netflix, on l’a exclu à vie».
Alors forcément, ces forteresses ont tout pour cartonner, d’autant plus que toutes ont pris des mesures spéciales liées à la pandémie pour assurer la protection de leurs membres: «Covid managers», règles d’hygiène ultra strictes, employés testés chaque semaine, leur température prise parfois toutes les heures, et celle des membres à l’entrée. Et les listes d’attente ont explosé pendant la pandémie.
Reconstruire du lien social
Rien d’étonnant à ce qu’André Balazs, le scandaleux propriétaire du Chateau Marmont ait annoncé cet été la transformation de l’hôtel légendaire, centre de la vie hollywoodienne, en club privé. «Le sens commun et les précautions de santé élémentaires veulent que l’on s’entoure de moins de monde qu’auparavant, a-t-il déclaré, et cela nous permet de constituer un public intéressant». Sous la pression, Balazs a fait marche arrière en assurant que le restaurant serait toujours ouvert aux non-membres, tout en justifiant sa décision en ajoutant que «70% de nos clients étaient des clients réguliers et les cent plus importants engendraient la plupart du revenu de l’hôtel».
Heureusement, tous les clubs ne sont pas orientés sur l’aspect ultra exclusif, mais défendent aussi un retour à la vie sociale. The Britely, au décor glamour conçu par le designer Martin Brudnizki et situé sur le fameux sunset strip de Los Angeles, est pour Estelle Lacroix «le lieu idéal pour revenir à la vie quand cette période si difficile sera derrière nous. Ce sera festif, on aura un bowling, des soirées disco, s’enthousiasme-t-elle, tout sera centré autour de l’idée de célébration, de donner l’envie de sortir à des gens qui n’ont même plus de bureau où aller». Car on le sait, l’univers professionnel sera changé pour longtemps et nombreuses seront les sociétés qui feront du travail à distance la nouvelle norme. Le bureau à la maison avec conjoint et enfants, donne à tous ceux qui l’auront vécu depuis des mois l’envie de payer quelques milliers de dollars pour aller fréquenter Michelle Obama, Jennifer Aniston, Justin Timberlake, Lady Gaga au San Vicente Bungalows. Ou Steven Spielberg. Et la tendance n’est pas près de s’éteindre. «Je n’imagine pas ouvrir un nouvel hôtel un jour, nous confie Jeff Klein, les clubs privés sont vraiment l’avenir de notre business.».
Pour Henry Wallmeyer, le président de la National Club Association, les clubs sont devenus, en à peine cinq ans, le troisième lieu de vie. « Pour nous tous, le premier reste la maison, le deuxième son lieu de travail et le troisième, son refuge personnel».
En ces temps de pandémie, alors que le bureau a disparu, le besoin d’un refuge devient primordial. Bien au-delà de ses racines anglo-saxonnes…
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