Style & Évasion

Plongée dans les trésors souterrains du CIO

Cristina D’Agostino

By Cristina D’Agostino16 octobre 2020

Si le Musée Olympique est ouvert à tous depuis longtemps, ses sous-sols cachés regorgent de trésors insoupçonnés. Des rayonnages entiers de chaussures de course, skis, luges, médailles, torches, costumes, affiches, lettres, tout ce qui a été porté, lu, entendu ou vu aux Jeux Olympiques depuis plus d’un siècle est entreposé dans le ventre souterrains du CIO. Reportage exclusif.

Dans les sous-sols du Musée Olympique se cachent des trésors insoupçonnés. (DR)

C’était une première. Achevée le 15 octobre dernier, la semaine olympique a donné rendez-vous aux jeunes de 8 à 15 ans sur le terrain du numérique. Pandémie oblige, les activités sportives, habituellement exercées sur les rives du Léman, à Ouchy, près du Musée Olympique de Lausanne, ont été stimulées via les plateformes digitales. Challenges sur Facebook, TikTok ou Instagram, mais aussi séries de réflexions sur le thème de l’inclusion, l’égalité des genres, l’histoire des jeux, les activités se sont succédées pendant cinq jours. Au final, plusieurs dizaines de milliers d’adolescents se sont connectés, faisant de cet essai numérique une première réussie.

Pour célébrer les 20 ans de la victoire historique de Cathy Freeman aux Jeux Olympiques de Sydney 2000, les images vidéo de la victoire étaient projetées sur l'opéra de la ville. (Daniel Boud)

Mais ce pari digital se voulait marquant. Un autre défi, plus exclusif encore et mondialement salué l’accompagnait: la préservation des images vidéo de la victoire de Cathy Freeman aux Jeux Olympiques de Sydney 2000 sur de l’ADN synthétique.

La préservation des images vidéo de la victoire de Cathy Freeman aux Jeux Olympiques de Sydney 2000 sur de l’ADN synthétique tient dans une petite capsule (Noel Wheatley)

Une première mondiale que la Fondation Olympique pour la Culture et le Patrimoine (OFCH) et La National Film and Sound Archive of Australia (NFSA) ont conjointement présenté le 25 septembre dernier.

L’occasion de plonger dans les archives du CIO, un dédale de trésors insoupçonnés du grand public, fait d’une succession d’armoires renfermant tous les témoins, papiers ou objets liés aux Jeux Olympiques, cachés dans les sous-sols reliant le musée à la Villa Olympique.

Dans le ventre du musée, entre une combinaison de Vreni Schneider et un costume Courrèges

Rendez-vous était donné au Musée Olympique, un lundi, fermeture hebdomadaire oblige. Par un ascenseur, puis un labyrinthe de couloirs sombres, les archives des Jeux apparaissent, comme un monde parallèle, où le temps ne compte pas, et où seule la mémoire des Jeux l’emporte.

Les patins à glace portés par des participantes aux Jeux (DR)

Patricia Reymond, responsable Collections, objets et artefacts nous accueille. Elle connaît ces dédales mieux que personne. Elle les arpente depuis 15 ans. Elle connaît chaque objet, chaque histoire qu’il renferme. Tous ont valeur de témoin. D’une histoire, d’une victoire, d’une déception, d’une évolution technologique aussi. Les rangées d’équipements sportifs se succèdent. Il y a ces premières lames de patins à glace, archaïques, qui côtoient un peu plus loin les dernières exécutions high tech. Il y a ces chaussures à crampons, en cuir élimé, portées par les champions d’athlétisme d’antan, à côté de chaussons fluos, dernier cri, que l’on devine pesant le quart du poids. Il y a ces combinaisons de ski, moulantes, en fibres synthétiques. Celle de Vreni Schneider, la médaillée suisse de ski alpin aux Jeux de Lillehammer 1994, sort par hasard du lot. Plus loin, sont stockées les matrices de toutes les médailles, puis les torches de tous les Jeux. Il y a ces premiers diplômes d’athlètes remis aux participants des Jeux d’Athènes de 1896. Pour beaucoup, sauf pour les médailles, ce sont des donations de comité d’organisation ou d’athlètes à la fondation.

Les chaussures portées par les athlètes (DR)

Il y a ces équipements sportifs dessinés par de grands couturiers pour des équipes nationales, Patricia Reymond raconte: «Des créateurs comme Giorgio Armani, Balmain, Courrèges ont travaillé pour des délégations. D’ailleurs, pour ce dernier, deux costumes sont visibles dans la collection permanente. Nous savons que sa collaboration en tant que consultant pour les Jeux de Munich de 1972 a été difficile. Il a dû travailler avec des entreprises allemandes et négocier avec le comité. Ce costume bavarois (elle montre une veste dans la penderie) a été imposé à Courrèges, alors qu’il n’en voulait pas. Il n’a d’ailleurs pas pu utiliser la couleur rouge, qu’il affectionnait, Munich, en 1972, l’excluant.

Chaque accessoire de tous les sports représentés aux Jeux Olympiques sont conservés dans les sous-sols du Musée Olympique (DR)

Balmain, lui, a travaillé pour les Jeux de Grenoble. Mais il est frappant de constater que la création poétique, avec des costumes de scènes exceptionnels destinés aux ouvertures de jeu, débute avec les Jeux d’Albertville organisés par Philippe Découflé et dont les costumes étaient dessinés par Philippe Guillotel. C’est un tournant dans l’histoire des Jeux.»

Du premier manifeste signé Pierre de Courbertin aux e-mails d’aujourd’hui

Les archives papiers, dirigée par Sabine Christe, responsable Collections Archives sont également entreposées près du musée. Elle nous révèle, comme le Graal enfin retrouvé, ce fameux premier document attestant de l’intérêt de Pierre de Coubertin de relancer les Jeux, protocolés sur un manuscrit original. Ce premier manifeste des Jeux Olympiques rédigé en 1892 de la main de Pierre de Coubertin et acquit 8 millions d'euros aux enchères par le milliardaire russe Alicher Ousmanov, président de la Fédération internationale d'escrime (FIE), vient à peine d’intégrer les archives, ce dernier en ayant fait don au Musée Olympique en février dernier.  

Sur des centaines de rayonnages, toutes les correspondances du Comité olympique, des présidents, des fédérations sportives internationales et comités nationaux sont conservés. Certains documents, plus sensibles, relatent de grands événements politiques ou éthiques tels que les boycottes ou affaires de dopages intervenus dans l’histoire des Jeux. Seuls ceux des vingt dernières années ne s’y trouvent pas, encore sous embargo, procédure oblige. Ils ne seront traités que deux décennies plus tard. Et les courriers électroniques? Les premiers cas sont traités, déclassifiés depuis peu. Un nouveau dédale d’information va s’ouvrir bientôt… Yasmin Meichtry, responsable du patrimoine de l'OFCH, conclut: «Compte tenu de la quantité croissante d'images produites à chaque édition des Jeux - plus de 7 000 heures prévues pour Tokyo 2020 - ainsi que de l'évolution vers le 4k et le 8k, le stockage des données est une des grandes priorités du CIO. Nous sommes donc toujours à la recherche de moyens pour améliorer les technologies et tester les innovations.»

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