Malgré des taxes très élevées, les Indiens raffolent de voitures de luxe (Part.2)

L'Inde a l'un des régimes fiscaux les plus élevés au monde pour les véhicules (CBU) importés. «Toutes les voitures importées dont la valeur CIF (coût, assurance et fret) est supérieure à 40 000 USD attirent un droit de douane de base de 110% en plus d'une TVA (taxe sur les biens et services) pouvant atteindre 50% en Inde», explique Santosh Iyer, Président-directeur général de Mercedes-Benz India. Au-dessus de ces taxes, il y a toute une série d'autres taxes variables - comme la taxe routière et les frais d'immatriculation qui sont appliqués après l'importation du CBU en Inde.

Le constructeur de voitures de sport de luxe McLaren a ouvert sa première concession en Inde, fin de l'année dernière, avec Infinity Cars, l'un des principaux groupes de concessionnaires de voitures de luxe en Inde, qui possède également les concessions Lamborghini et Porsche. Son président et directeur général, Lalit Choudary explique comment les taxes d'importation élevées en Inde impactent le prix d'une voiture de sport de luxe: «Si une McLaren GT coûte environ 100 000 livres au prix de détail au Royaume-Uni, lorsqu'elle est importée en Inde en tant que CBU, elle peut coûter environ 300 000 ou 320 000 livres, si l'on ne tient compte que du fret et des taxes d'importation.»

Quelles sont les raisons qui motivent le pays à appliquer des taxes aussi élevées? «Les véhicules importés en Inde sont plus taxés, parce que notre pays veut promouvoir la fabrication locale.» justifie Renuka Kriplani, une journaliste automobile chevronnée originaire d'Inde. Elon Musk a abandonné son projet de lancer Tesla dans le pays, fin de l'année dernière, après plusieurs tentatives infructueuses pour obtenir une baisse des taxes (selon un rapport de Reuters). La marque de véhicules électriques voulait tester le marché indien en important des véhicules électriques fabriqués aux États-Unis et en Chine avec des taxes d'importation réduites avant d'implanter une usine dans le pays. «Je ne pense pas que notre gouvernement a tort de ne pas offrir de concessions à Tesla. Ils disent que si vous voulez venir ici et installer une usine, vous bénéficierez du même rabais douanier que les autres marques», ajoute-t-elle.

Les taxes élevées sont-elles un obstacle pour les acheteurs de voitures de luxe en Inde? «Pas pour les vrais passionnés d'automobile» répond Boopesh Reddy (Brengarage sur Instagram), un entrepreneur et collectionneur de voitures de sport, qui possède l'une des collections de voitures les plus enviées d'Inde. «Lorsque quelque chose vous passionne, vous investissez même si c'est cher. Bien sûr, cela fait mal quand on compare les coûts avec ceux d'autres pays.» La collection soigneusement constituée par M. Reddy comprend la Mercedes-Benz AMG GT Black en édition limitée (1 700 exemplaires dans le monde seulement), la Ferrari 488 Pista Spider et la Lamborghini Aventador SVJ, pour n'en citer que quelques-unes. «Il m'a fallu du temps pour trouver le courage d'acheter ces voitures, avoue-t-il. Je me demandais toujours ce que la société allait dire et ce que mes parents allaient penser, en me voyant dépenser autant d’argent pour des bolides puissants ou des voitures de luxe.»

L'Inde a toujours été un marché sensible au prix, contrairement à d'autres marchés en Asie, note Kriplani. «L’Inde est un marché qui cherche le meilleur rapport qualité-prix, que ce soit pour une voiture de 10 Lakhs INR (1 200 USD) ou une voiture de 60 Lakhs INR (73 000 USD).»

Cependant, la perspective conservatrice envers les dépenses de luxe est en train d’évoluer en Inde, estime Choudary: «Le Covid a changé la mentalité sur la consommation. Les gens sont impatients de dépenser. Auparavant, les gens étaient excessivement conservateurs en matière de dépenses dans certaines catégories.» Réitérant les sentiments de Choudary, Santosh Iyer, PDG de Mercdes-Benz en Inde ajoute que «de plus en plus de jeunes Indiens à succès dépensent pour des biens et services de luxe, que ce soit pour des vacances de luxe, des vêtements de luxe, ou des montres haut de gamme. Nous voyons maintenant que 10 à 12% de nos clients sont des salariés et jeunes professionnels.»

Ashique Thahir, co-animateur de «Car and Country», une série OTT sur Amazon (UK), conduit quotidiennement ses véhicules électriques légers sur les routes urbaines de l'Inde: «Les supercars sont tout à fait utilisables sur les routes indiennes. J'ai eu de nombreux pneus crevés à cause des nids-de-poule, mais il faut juste apprendre à être prudent» avoue-t-il, ajoutant que les routes urbaines du pays pourraient bénéficier d'une amélioration pour faire face à l'augmentation constante du trafic… Thahir, qui vit dans l'État du Kerala, dans le sud de l'Inde, est un collectionneur de voitures Rolls Royce, Porsche, Lamborghini et Ferrari. «J'ai parcouru plus de 250 000 km en conduisant mes voitures sur les routes indiennes» affirme-t-il fièrement. «Chaque ville en Inde a ses propres façons de construire les dos d’âne, mais plutôt que de ralentir, ils peuvent vraiment envoyer des voitures à la casse», raconte Reddy, ajoutant que le pays pourrait construire davantage de pistes de course pour les amateurs de vitesse comme lui.

Les infrastructures indiennes, en particulier les autoroutes, ont connu des améliorations notables ces dernières années. Environ 50 000 kilomètres d'autoroutes ont été ajoutés au cours des neuf dernières années. Reddy, qui vit à Bangalore, également connue sous le nom de Silicon Valley de l'Inde, profite sans aucun doute de cette amélioration. «Je pars tôt le matin sur les autoroutes et je m’amuse à conduire mes voitures de sport pendant environ 2 heures. Pour le retour, j'ai un camion qui récupère ma voiture sur l'autoroute et la ramène en ville car je ne veux pas conduire mes voitures dans la circulation dense des routes de Bangalore» conclut-il.