Lynn Wyatt: «Le devoir de la jeune génération est de choquer les anciens!»

Dans ses confidences rédigées dans un livre à paraître prochainement, Lynn Wyatt – l’une des plus grandes collectionneuses de mode aux États-Unis – revient sur ce qui définit sa vision de l’existence: «Le chemin de la vie est parfois parsemé d’embuches, de nids-de-poule. Certains sont profonds et d’autres pas. Mais il faut vivre la vie comme une aventure et danser autour d’eux».

Sa biographie, rédigée par la journaliste Ronda Carman et préfacée par son ami proche Elton John, relate, à travers cinquante ans de photographies et de lettres manuscrites, le destin hors du commun de cette femme, témoin d’une époque qui n’est plus.

En 1977 déjà, Lynn Wyatt figurait sur la fameuse liste d’Eleanor Lambert «The International Best-Dressed Hall of Fame», la distinction ultime dans l’art de s’habiller. Cette grande dame de 88 ans, mécène et icône du style, a côtoyé les personnalités les plus éminentes au monde, organisé les plus belles fêtes sur la Côte d’Azur dans sa villa La Mauresque à Saint-Jean Cap Ferrat - qui appartenait à l’écrivain William Somerset Maugham - et a soutenu d’innombrables causes humanitaires et projets artistiques tout au long de sa vie.

Amie intime de la princesse Grace et impliquée durant de nombreuses années dans sa fondation, Lynn Wyatt continue aujourd’hui d’offrir son soutien à la Elton John Aids fondation, au Houston Museum of Fine Arts, au Alley Theather ainsi qu’auprès de nombreuses œuvres locales à Houston. La ville lui a d’ailleurs rendu hommage en septembre dernier, en baptisant le cœur du quartier des théâtres le «Lynn Wyatt Square for the Performing Art».

Lynn Sakowitz Wyatt est née à Houston le 16 juillet 1935. Elle est la fille de Bernard et Ann Sakowitz. Son grand-père paternel, Tobias Sakowitz, un juif ukrainien, a immigré au Texas à la fin du XIXe siècle, avec son frère Simon. Les deux hommes ont ensemble érigé Sakowitz Bros, un sanctuaire consacré au shopping de luxe sur Main Street à Houston tel un véritable temple de la mode, bien avant l’apparition du géant Neiman Marcus.

En 1963, Lynn épouse Oscar Wyatt, un magnat du pétrole. Ils auront ensemble deux garçons. Le couple vit pendant plus de trente ans dans l’une des plus grandes propriétés du quartier résidentiel verdoyant de River Oaks à Houston. Leur maison baptisée Allington et surnommée «Wyatt Hyatt» est lieu incontournable pour la haute société.

Depuis 2000, la famille vit dans une propriété moins vaste, de style colonial en briques rouges, située également dans River Oaks. Leur demeure est remplie d’œuvres d’art et de souvenirs personnels. On note deux sérigraphies d’Andy Warhol représentant Lynn, avec ses lèvres colorées de rouge et ses yeux d’émeraude qui dominent le salon, photo choisie pour la couverture de son livre.

Aujourd’hui, Lynn Wyatt ne se déplace plus pour voir les défilés. Ce sont les designers qui lui rendent visitent. Pendant soixante ans, aucun défilé de couture ne pouvait avoir lieu sans sa présence. C’est son mari Oscar qui lui fera découvrir la haute couture, même si son éducation du style avait été déjà faite dans le magasin familial.

Personnalité incontournable du monde de la mode, elle y compte ses amis proches, d’Emmanuel Ungaro à Marc Bohan, d’Hubert de Givenchy à Valentino, Bill Blass et, bien sûr, Karl Lagerfeld. «Karl était un ami très cher. Je pense souvent à lui. Nous avions de longues et profondes conversations ensemble dans sa villa et la mienne sur la Côte d’Azur» raconte Lynn, «Oh, Marc (Bohan, ndlr) était merveilleux ! Mon amie Betsy Bloomingdale aimait Marc autant que je l’aimais. Nous avions hâte de nous appeler pour parler de ses belles robes. Il habillait toutes les femmes, pas seulement des mannequins.»

Elle poursuit: «J’ai rencontré Coco Chanel à Paris au milieu des années 60. Une dame est entrée dans la salle d’essayage et a dit: “Vous êtes ma cliente texane. Je suis heureuse d’enfin faire votre connaissance.” Elle a souri et est vite repartie. J’ai demandé qui elle était, et on m’a répondu: c’est Mademoiselle!» L’Américaine, toujours tirée à quatre épingles, est une conteuse hors pair.

Combien de pièces haute couture possède-t-elle dans sa garde-robe? Elle rétorque en souriant qu’elle n’a jamais commencé à compter. Un budget? Oui, elle en avait un… mais elle ose dire qu’elle ne s’en souvient plus. À 88 ans, Lynn inspire les plus jeunes.

«Nous avons découvert à travers des lettres et les réseaux sociaux que maman est très connue de la nouvelle génération», raconte Trey Wyatt, un de ses deux fils. Lynn Wyatt demeure une figure d’une époque glamour révolue et même à son âge elle ne déroge pas à son look chic, sophistiqué et impeccable, continuant à porter des vêtements dessinés pour elle il y a cinquante ans.

Quand on lui demande ce qu’elle pense de la haute couture aujourd’hui elle répond: «Trouver son style, se l’approprier et l’accepter est bien plus important que ce qui est ou n’est pas tendance». Elle conclut avec un grand sourire : «Je pense que le devoir de la jeune génération est de choquer les anciens!»