Luxe & Géopolitique. Les sanctions contre la Russie sont-elles réellement efficaces?

Il y a environ deux ans, un quatrième lot de sanctions contre la Russie entrait en vigueur pour affaiblir économiquement le pays et espérer conditionner l’issue du conflit avec l’Ukraine.

Cette solution semble aujourd’hui loin de porter ses fruits.

Les sanctions approuvées fin mars 2022 comprenaient «une interdiction générale de vendre, de fournir, de transférer ou d’exporter, directement ou indirectement, à toute personne physique ou morale en Russie ou pour une utilisation dans ce pays des produits visés.» Ces mesures ciblaient particulièrement une liste de plus de 400 produits de luxe, d'une valeur supérieure à 300 euros par article.

La Russie est toutefois parvenue à contourner partiellement ces sanctions et à continuer à s’approvisionner en biens exclusifs, surtout en faisant appel à des pays intermédiaires complices.

C’est ainsi que depuis le printemps 2022, au moins 1’320 voitures de luxe (dont des Land Rover, Mercedes, Porsche ou Ferrari) d'une valeur totale de 229,6 millions de dollars (environ 215 millions d'euros) sont entrées en Russie, selon ce qui a été rapporté par le média russe indépendant Verstka, citant une enquête interne basée sur des données douanières.

Une autre enquête, menée cette fois-ci par le New York Times en mai 2023, révélait que les Russes au pouvoir d’achat élevé n’ont pas véritablement changé leur style de vie, puisque beaucoup de produits de luxe continuent à affluer en Russie grâce à un réseau global d’intermédiaires basés à Dubaï.

Le ministère du commerce russe a d’ailleurs publié récemment une liste contentant une dizaine de célèbres entreprises dont les produits peuvent être importés sans l’accord des producteurs.

Quant au marché de la Tech, le New York Times affirmait également que, pour la seule année 2022 et à la suite des sanctions, les importations parallèles d’ordinateurs, tablettes et iPhones totalisaient près de 1,5 milliard de dollars.

Qu’en est-il de la mode? Les griffes les plus prestigieuses ont fermé leurs boutiques russes dans les semaines qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine. Hermès a été la première grande maison à annoncer la fermeture de ses magasins, suivie par le géant français LVMH et toutes ses marques (120 magasins au total).

Pourtant, en 2023, ces fermetures ont vu émerger un phénomène bien connu en Chine:  le daigou. Il s'agit d'un acheteur privé qui se procure une grande quantité de produits de luxe en Europe et qui les revend ensuite sur le marché russe à des prix très compétitifs.

Cette nouvelle tendance a été révélée, entre autres, par une enquête menée en Italie par l'hebdomadaire Panorama, qui s'est penché sur le phénomène des ventes privées. Ces ventes exclusives, organisées par des tiers dans des points de vente temporaires, rendent en effet possible l’acquisition de marques de mode de premier plan, en l’occurrence italiennes, et à des prix très compétitifs. Il avait été constaté une affluence anormalement élevée de daigous russes.  

Certaines caractéristiques du marché de la mode italienne favoriseraient le travail de ces derniers: en particulier l’existence de près de 400 magasins de vêtements et accessoires  de luxe multimarques. Ces enseignes sur territoire italien réalisent entre 70% et 80% de leur chiffre d’affaires avec l’étranger, en partie grâce aux intermédiaires, sur un volume de ventes avoisinant les 60 à 70 millions d’euros par an.

Le marché parallèle du luxe en Russie a donc encore des beaux jours devant lui.