Comment Facebook entend conquérir les ventes de produits de luxe en ligne
Ce printemps, les offensives des plateformes sur le e-commerce des marques de luxe se sont accélérées. Violaine Gressier, responsable du pôle luxe Facebook France explique dans une interview exclusive l’évolution des stratégies du géant américain pour accroître ses parts de marché dans le secteur du luxe.
Alors que le confinement faisait émerger le besoin urgent pour beaucoup de marques d’accélérer leur e-commerce, Facebook décidait de lancer en mai dernier le «Facebook Shops», une interface de commerce unifiée sur Facebook et Instagram. Un pas de plus vers le business juteux de l’e-commerce que les plateformes veulent se partager, Amazon en tête, qui pourrait très bientôt lancer une nouvelle plateforme réservée aux marques de luxe.
Violaine Gressier, Responsable du Département Luxe chez Facebook France explique comment les marques de luxe représentent aujourd’hui un secteur stratégique pour le géant américain.
Que représente le secteur du luxe pour Facebook en termes de business?
Le pôle luxe de Facebook existe depuis six ans. Comme vous le savez, nous ne communiquons pas de chiffres au niveau des secteurs industriels, mais il est clair que le luxe est très important pour Facebook, il est même stratégique. Il est géré depuis Paris à l’international, car c’est là que se trouvent les sièges des principales marques de luxe. Cela fait maintenant cinq ans que ces acteurs évoluent sur Facebook et Instagram et nous sommes devenus un des médias très importants de leur mix média. Toutefois, je dirais que leur transformation digitale est encore en train de s’opérer. Car si la majorité des grandes maisons sont venues chez nous pour faire du média, aujourd’hui, la transformation digitale s’opère avec le e-commerce. Et le confinement a accéléré cette prise de conscience. Les marques ont toutes dû réfléchir à comment servir le client s’il ne pouvait pas aller en boutique. Mais également comprendre son comportement sur le digital, et les moyens de le contacter via les messageries. L’omnicanalité a pris tout son sens depuis. Un exemple: dans le secteur de la beauté, beaucoup de consultante habituées à vous conseiller en magasin se sont retrouvées à la maison. Les marques ont alors réfléchi au moyen de continuer à les faire travailler et à parler aux clients et prospects, via le canal WhatsApp ou Messenger. Mais cet exemple ne veut pas dire qu’il y a opposition entre le offline et le online, c’est l’usage du client qui est au centre.
Votre volonté de pénétrer le secteur e-commerce a déjà été testée avec la fonction «checkout». Quelles sont les avancées?
Au plus fort de la crise sanitaire ce printemps, la notion de commerce a été une des grandes priorités pour les plateformes Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger. Nous constatons que les utilisateurs veulent aujourd’hui avoir la possibilité d’acheter un produit après l’avoir regardé sur nos plateformes. La fonctionnalité «checkout» est implémentée pour l’instant aux Etats-Unis, et elle permet d’acheter directement sur Instagram, sans quitter la plateforme, en quelques clics, en inscrivant votre adresse et vos coordonnées bancaires. Et le paquet est envoyé, sans que vous ayez été rebasculé sur le site de la marque. Ce sont des fonctionnalités que nous testons, car il y a une vraie appétence de la part de l’utilisateur à acheter de manière impulsive. Cette fonction sera très certainement lancée en Europe début 2021.
N’êtes-vous pas en train de détourner la marque de son accès direct au consommateur, la clé pour toutes les enseignes aujourd’hui?
Non, nous n’opposons rien à rien, nous rajoutons des briques au parcours d’achat. Et c’est un constat, acquérir un bien de luxe est relativement long sur le digital. Nous offrons donc cette possibilité sur nos plateformes, car la barrière principale à l’acte d’achat en ligne est le trop grand nombre d’étapes dans la procédure. Mais la marque peut très bien nous utiliser uniquement comme pourvoyeur de trafic sur son site, elle a le choix. Quand l’achat se fait sur notre plateforme, c’est un achat de découverte, sans idée précise en tête, comme lorsque vous allez faire du shopping en ville. C’est à chaque marque d’avoir sa stratégie.
Quel est votre modèle d’affaires dans le cas où l’acheteur reste sur Instagram et achète un bien de luxe, vous prélevez une commission au passage?
Oui, il y a un pourcentage qui est prélevé. Je ne peux pas encore vous le communiquer, car il n’est pas encore totalement figé, mais il est relativement faible. Il représente la partie financière de l’achat, sachant que la marque s’occupe de l’envoi et du service après-vente. Nous ne fonctionnons pas comme une «market place» telle que Amazon, nous n’avons pas la logistique.
Si vous deviez pointer une fonctionnalité qui a émergé pendant la crise sanitaire?
Ce qui a émergé pendant le Covid, ce sont clairement le live et les plateformes de messagerie. Il y a eu une augmentation de 50% des live regardés sur la plateforme Instagram. Cela représente un intérêt énorme pour les marques de luxe, à l’exemple de Chanel qui a diffusé en mars et en direct son show sur les plateformes, et pas uniquement les nôtres. Et je peux déjà vous dire qu’il y aura des évolutions sur Facebook et Instagram liées au live. Par exemple, faire du shopping sur un live. Cela est déjà possible aux Etats-Unis, en lien avec la fonctionnalité checkout. Nous avons également eu une très forte croissance de messages vidéo sur WhatsApp. Et c’est intéressant, car nous n’en sommes qu’au tout début de ce que peuvent faire les marques avec ces messageries. Elles correspondent aux usages, car ce sont de lieux plus intimes, en choisissant les groupes et les personnes et très bien s’adapter à la relation client ou au service après-vente.
Les réalités augmentée et virtuelle sont-elles toujours des sujets de prédilection?
Oui, c’est le grand pari de l’entreprise depuis longtemps. Le fait de proposer des filtres sur Instagram et Facebook existent depuis longtemps. C’est une façon de capter l’attention de l’utilisateur et d’engager de l’interaction. Les marques de luxe sont très présentes dans ces concepts de gaming et d’univers immersifs. Nous croyons que la communication entre les marques et les personnes et entre utilisateurs passera par la réalité virtuelle.
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